FNH N° 1077

C ULTURE

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JEUDI 22 SEPTEMBRE 2022 FINANCES NEWS HEBDO

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Hommage

◆ Perfectionniste à l’excès, Hussein Miloudi fut indiscutablement un être à part dans la communauté artistique marocaine. ◆ Après avoir conservé longtemps son œuvre sous le boisseau à une certaine époque, il avait fait le choix de reprendre sa voie en puisant dans les traditions locales des arts et métiers d’Essaouira, sa ville natale à laquelle il est resté toujours fidèle. Hussein Miloudi, retour à la terre C’ est un paradoxe que de brosser, même à titre posthume, le portrait d’un broyer dans le bleu profond de la mer… Par R. K. H.

Depuis sa première exposition en 1968, à Marrakech, à l’âge de 17 ans, Hussein Miloudi s’est évertué à l’élaboration de tout un style - qui s’est vu affublé de la condescendante étiquette d’«art rural marocain», un art du signe où il conjugue, de fine façon, les traditions berbères et africaines. A la fin des eighties, il vit sur- gir, au sein même de sa chère cité, presque du néant, une flopée d’artistes «spontanés» dont les œuvres se retrouvent, en moins de deux, accrochées aux cimaises des musées étrangers. De fait, on comprend mieux pourquoi il se retira de la mêlée au vu de la soudaine éclosion de ce que tout un cha- cun appelle désormais «l’école d’Essaouira». Car, ce ne sont pas forcément les plus méri- tants qui ont les faveurs des consécrateurs peu ou prou légi- times; les meilleurs restent à quai. Agacé - ulcéré peut-être -, Hussein Miloudi se déprit de

personnage timide et réser- vé, jaloux de son anonymat. Hussein Miloudi, né en 1949, rêvait de se faire oublier au pro- fit de sa peinture. Des égards, il s’en moquait; des grandeurs d’établissement, il n’en avait que mépris; quant aux éloges, elles le gênaient viscéralement. Cet homme avait fait d’humi- lité vertu. Il s’y tint toute sa vie, malgré les trompettes criardes de la renommée. Même quand ses pairs courent les galeries, les fondations et autres lieux pour s’y afficher, lui, il s’enferme douillettement dans sa tour d’ivoire et n’en déloge qu’à son corps défen- dant, si ce n’est pour aller flâner du côté de l’océan, s’enivrer du vent rugissant, se gaver les tympans des cris des mouettes, contempler l’incessant va-et- vient des vagues affolées, se

Hussein Miloudi s’est évertué à l’élaboration de tout un style - qui s’est vu affu- blé de la condescen- dante éti- quette d’«art rural maro- cain».

tout cela, remisa sa peinture au grenier. Il avait observé une retraite mutique de plus d’une dizaine d’années. Un bail. Sous l’insistance amicale de l'ar- tiste peintre Hassani, il daigne enfin s’extirper de sa léthargie. L’augure d’un grand retour ? Nenni. L’exposition terminée, il replonge, avec ses cliques et ses claques, dans l’anonymat. Mais, conscient que ses brusques évanouissements dans la nature risquent de le faire tomber dans l’oubli, il remit cependant du cœur à l’ouvrage.

Les tableaux de Miloudi pos- sèdent cette rare dimension : du magnétisme. Ils violentent délicieusement l’œil et trans- portent les sens : ils appellent, sollicitent, s’offrent. L’œil sillonne les cercles, car- rés ou rectangles à la géomé- trie stricte dans les tableaux enfantés par l’imagination de ce peintre, puis - sans crier gare - se retrouve englouti dans ses minuscules figurines qui tra- versent sa peinture, la peuplent, la hantent, la déchirent. Tout chez Miloudi respire la gaieté : depuis une palette déli- cate, un doigté léger et une imagination fertile jusqu’à un faciès jovial et un accent doux. L’artiste préparait depuis trois ans une grande exposition à la galerie casablancaise l’Atelier 21, qui le représentait d’ailleurs. Mais, le jeudi 15 septembre, la faucheuse est passée par là pour broyer son élan créatif et laisser son projet inachevé… Au revoir Miloudi ! ◆

Essaouira, cité portuaire de nacre blanc aux reflets bleus, fragile mais protégée des remous de l'océan par sa coquille de remparts ocre du XVIII è siècle, la ville des brassages et des passages, à laquelle Hussein Miloudi a offert sa première sculpture. Celle-ci se dresse à l’entrée de la ville, portant en caractères coufiques, type gra- phique, sur un panneau de béton l’invocation : Barakat Mohammed. «Barakat Mohammed»

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