SERVE AND MULTIPLY 3/2020 l Aons
A M S g l o b a l l
sommaire
Cambodge : des thèmes im- portants dont on ne parle pas Pendant mon engagement de trois mois à Lighthouse, il est devenu clair que les filles cambodgiennes ne sont souvent pas averties de ce qui leur arrive à la puberté. El- les ont honte quand elles voient leurs premières règles et sont fréquemment effrayées parce qu’elles n’y sont pas du tout préparées. Mon désir était d’informer les jeunes de Lighthouse et de parler sans rien cacher. En collaboration avec d’autres volontaires ainsi que Somaly, la femme de Lukas Bernhardt qui dirige le projet, je me suis mise aux préparatifs. Il était important pour nous de pouvoir impli- quer une Cambodgienne, ce que nous avons fait grâce à Somaly qui savait exactement comment nous pouvions aborder un sujet aussi sensible dans une telle culture. On en parle pour trouver des solutions Nous avons préparé les étudiantes au sujet avec des ex- plications sur ce qui se passe dans le corps sur le plan biologique pendant la puberté. Un théâtre très animé a donné lieu à une franche hilarité. Une des volontaires re- présentait une fille dont les règles arrivent et qui ne sait pas que faire. Avec des clins d’œil nous lui avons donné des conseils « avisés », comme de manger beaucoup de verdure, de mettre des maxi-langes ou encore mieux, de faire le poirier ! Malheureusement, cela ne l’avançait pas beaucoup et elle désespérait toujours plus. Nous en avons ensuite parlé avec les jeunes femmes et expliqué les pos- sibilités de soulager les douleurs des règles au moyen de coussinets chauffants ou de tisanes. Nous avons aussi présenté les articles hygiéniques. Nous avons malheu- reusement dû constater que malgré la disponibilité de ces produits modernes quelques étudiantes recouraient quand même à des lambeaux de tissu. En effet, les arti- cles connus en Europe sont relativement chers, trop chers pour beaucoup. Nous nous sommes donc concentrées en premier lieu sur une hygiène adaptée, comme le lavage des mains, l’utilisation de tissus propres etc. Cela a amené à un échange franc et décontracté sur des thèmes con- cernant les femmes du monde entier. J’ai moi-même pris conscience que nous autres Européens avons souvent le sentiment d’avoir la solution idéale prête pour tous. Pour- tant en fin de compte j’ai quand même eu en moi un léger doute : peut-être sont-elles mieux servies avec les moyens à leur disposition. En effet, pour beaucoup de nos pro- duits, l’hygiène est finalement l’essentiel, ce qui ne peut malheureusement pas toujours être assuré au Cambodge. Pris sur le vif
ÉDITORIAL
DES FEMMES QUI S’ENGAGENT
« Il les créa homme et femme…» Genèse 5.2 Selon la Bible, hommes et femmes ont exacte- ment la même valeur aux yeux de Dieu. Alors pourquoi consacrer un numéro du Allons spé- cifiquement aux femmes ? Parce que dans nos sociétés et en particulier dans les pays d’engagement de SAM global, elles n’ont sou- vent pas la même position, et surtout pas la même importance. Pourtant, « la femme n’existe pas sans l’homme, et l’homme n’existe pas sans la femme » (1Co 11.11) et cette complémentarité est nécessaire pour la vie, mais aussi dans nos projets. Nous connaissons tous des femmes admirables. Les articles qui suivent vous en présentent quel- ques-unes. Elles se nomment Odette, Bintou ou Minea, on les appelle parfois « Maman », « Tante » ou « Amma ». Elles ont subi ou subissent encore bien plus de tempêtes que nous pouvons imagi- ner : excision, violence, injustice, indifférence… uniquement parce qu’elles sont nées femmes. Mais elles ne se sont pas laissé abattre, et avec la certitude d’être aimées de Dieu, elles transmet- tent cet amour qui dépasse tout à d’autres, sans distinction de sexe, en aidant, soutenant, encou- rageant, en se battant et en changeant les vies autour d’elles. Nos collaborateurs/trices sur le terrain viennent d’un contexte différent, mais se trouvent main- tenant plongé(e)s dans tous ces drames. Com- ment trouver sa place malgré les différences et s’impliquer de manière adaptée pour soulager les souffrances et rendre à chacun et à chacune son honneur et sa dignité ? Alors comme le dit Martha en page 8 : « Peu im- porte que je sois homme ou femme : je crois que si je sais exactement que je suis à la place que Dieu a voulue pour moi, j’oublie la liste des avan- tages et inconvénients. »
Madeleine DERIAZ assistante francophonie
Xenia Krähenbühl a fait un court terme à Lighthouse Battambang, Cambodge
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Quand le corona est arrivé chez nous
Fin mars, le coronavirus s’est aussi répandu petit à petit sur le conti- nent africain et a atteint la Guinée. Christina Amann, court-terme à ProESPOIR, raconte comment elle a vécu ce premier temps. « La maladie des Européens » : c’est plus ou moins ainsi que le corona est appelé ici. « Cela ne peut pas nous atteindre ». « Nous ne tomberons pas malades ». Ce furent les premiè- res réactions lorsque des nouvelles de la covid-19 arrivèrent ici depuis l’Europe. Et si nous sommes tout à fait honnêtes, ces réactions ressem- blent beaucoup à celles du début dans de nombreux autres pays, y compris chez nous. Nous sommes mi-avril 2020 à Ma- centa en Guinée. Nous nous trouvons encore tout au début de la pandémie. Dans l’équipe ProESPOIR nous de- vons tout d’abord réfléchir au virus, à la situation en Europe, aux mesures à prendre et aux implications. Ces pen- sées deviennent notre quotidien. Ce qui est déjà mis en pratique en Eu- rope depuis quelque temps est main- tenant valable aussi ici : interdiction ou restriction des sorties, fermeture des magasins, limitation des rassem- blements. En théorie du moins. Est-ce que tout cela est réellement possi- ble dans un pays comme la Guinée ? Peut-on faire du télétravail sans in- ternet et sans courant électrique ?
Comment survit-on sans revenu, sans réserves et sans soutien étatique ? Peut-on vraiment respecter les dis- tances physiques au sein de familles qui comptent parfois plus de 40 per- sonnes dans la même cour ? Com- ment peut-on tenir les enfants éloi- gnés des autres personnes ? Ici, toute la vie se passe dans la rue. La maison, souvent beaucoup trop petite, est uti- lisée la plupart du temps uniquement pour dormir. On cuisine et on mange dehors. La « salle de bains » se trouve aussi à l’extérieur, et elle est générale- ment commune à plusieurs ménages. Comment peut-on restreindre cela ? De plus, se laver les mains et les dés- infecter est évidemment seulement possible quand on a accès à de l’eau propre, du savon et du désinfectant. Pour nous cependant, une ques- tion est primordiale : comment pouvons-nous contribuer à proté- ger les gens de ce virus ? Informer et montrer comment se pro- téger est en principe possible. Mais comment respecter les distances quand on se rend dans les villages pour informer les gens et que ceux-ci nous embrassent d’abord très cha- leureusement et partagent ensuite leur repas avec nous ? Il ne faut pas non plus sous-estimer la culture de l’Afrique de l’Ouest. Cela peut être vu comme un très grand affront si, lors d’une maladie, on ne rend pas tout de suite visite au malade et à sa famille et
qu’on ne témoigne pas ses souhaits de guérison en lui serrant la main ou en l’embrassant. Et puis, n’est-ce pas humain dans ce genre de situations de commencer par observer ce qui se passe et de ne rien mettre en pratique avant de voir les effets concrets et les dan- gers réels ? Dans l’espoir d’accélérer la phase d’intériorisation de l’information jusqu’à la mise en pratique, nous avons pris les premières mesures en équipe à la mi-mars. Nous voulions montrer aux gens qu’on peut vivre en respectant (de manière limitée) les distances physiques et que nous voulons surtout les aider pour éven- tuellement sauver des vies. C’était aussi une des principales raisons pour lesquelles nous avons décidé de rester sur place tous en- semble et de ne pas retourner pré- maturément en Suisse. Nous vou- lions nous protéger, de même que les autres, mais nous n’avions aucu- ne crainte de la maladie. Nous avons mené des discussions avec l’Eglise, les voisins, les amis et le personnel du CHRS. Du matériel d’information a été imaginé, impri- mé, distribué et expliqué. De plus, des stations pour se laver les mains ont été disposées dans la cour de l’hôpital. Celles-ci ont
aussi une valeur d’indicateurs, car les habitants deMacenta et des alentours ne les connaissent que trop bien : du- rant l’épidémie d’ebola en 2014, on les trouvait partout. Comme Macenta était considérée comme l’épicentre de cette maladie, une bonne partie des gens ont déjà fait l’expérience d’une épidémie et sont sensibilisés en conséquence. D’une part, c’est main- tenant une aide, car beaucoup ont vécu cette époque et savent combien il est important de s’en tenir aux ins- tructions. D’autre part, il est impor- tant qu’ils comprennent que le coro- na se manifeste très différemment : les symptômes ne sont pas les mê- mes, la contamination est plus facile et rapide, tout le déroulement de la maladie est différent. Au CHRS nous avons commencé à dis- poser plus de bancs d’attente et plus de stations pour se laver les mains, nous avons installé des vitres de pro- tection contre les expectorations, à la caisse et à la pharmacie. Les patients sont interrogés sur leurs lieux de sé- jour et leurs symptômes. Cependant, tout cela ne nous demande pas seu- lement de l’énergie supplémentaire, mais aussi des coûts additionnels. Qui paie les bancs ? Qui paie les for- mations ? D’où recevons-nous les masques médicaux de protection, de toute façon déjà assez rares, néces- saires pour les malades de la tubercu- lose ? La clôture et l’entrée du terrain
de l’hôpital sont en train d’être termi- nées d’arrache-pied pour avoir da- vantage de contrôle sur les visiteurs. En Guinée, les tests du corona sont possibles seulement à la capitale Co- nakry, distante de 800 kilomètres, dans des cas exceptionnels et avec de longs temps d’attente. Un centre de santé compétent pour le traitement et l’accueil de cas suspects existe dans la banlieue de Macenta. Pourtant, en dépit de tous les prépa- ratifs et mesures mis en place, la pro- pagation, le point culminant et la fin de la pandémie sont finalement im- prévisibles dans un pays comme la Guinée. Nous prions et espérons que cela se terminera sans conséquences graves pour tout le monde. Les répercus- sions se feront probablement sentir encore longtemps, tout comme dans le reste du monde.
Christina Amann, court-terme à ProESPOIR, Guinée
04
Coronavirus :
comment nos équipes ont pu apporter leur aide
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Servir en tant que femme Cornelia
Cornelia
Actuellement, plus de la moitié de nos collaborateurs long terme sont des femmes (situation en avril 2020). C’est le cas depuis un certain temps déjà. Quatre d’entre elles racontent dans cette interview ce que signifie servir en tant que femme : • Martha Gafafer, 63 ans, travaille depuis mars 1990 avec ProESPOIR en Guinée. • Rahel Ringger, 36 ans, a passé au total 4,5 ans au Ca- meroun et s’engage depuis fin 2019 avec son mari et leurs trois enfants à l’école des métiers manuels CCS au Sri Lanka. • Cornelia Flückiger, 53ans, travaille depuis janvier 2019 avec son mari en Guinée dans la capitale Conakry, après avoir décidé peu après leur cinquantaine de repartir pour de nouveaux horizons. • Daniela Seitz, 53 ans, travaille depuis 2002 avec Action VIVRE Nord en Guinée. Quelles sont tes tâches dans ton pays d’engagement ? Martha : Je travaille parmi les malades de la lèpre et après trente ans d’engagement, je me retire de plus en plus. Le cœur et le point culminant de mon engagement ont été les années intensives de réhabilitation d’anciens malades de la lèpre en situation de handicap. Actuellement, je m’efforce de remettre les responsabilités, d’encourager mes collaborateurs à continuer le travail et de faire comprendre que nos actes et notre attitude n’ont de sens que si nous recherchons cons- tamment une relation étroite avec Jésus. C’est quelque chose que j’ai vécu personnellement. Rahel : Actuellement, je suis surtout accaparée par l’école à la maison pour nos trois enfants (2 ème année, école maternel- le, groupe de jeux). Sinon, je gère les tâches administratives pour notre famille, je donne un coup de main au CCS et je m’occupe du ménage. En fait, nous aurions aimé confier les leçons à un/e enseignant/e, mais comme nous n’avons trouvé personne avant notre départ, je gère moi-même cette tâche. Cornelia : Mon activité principale consiste à gérer la maison d’accueil de SAM global à Conakry, en Guinée. Je fais en sorte que tous les collaborateurs qui arrivent ou repartent, leurs in- vités et des collaborateurs d’autres organisations bénéficient d’un lieu de séjour propre et agréable et disposent de tout ce dont ils ont besoin. Ainsi, j’organise chaque jour les repas de midi et du soir et souvent je cuisine et fais le service moi-mê- me. En plus du bien-être physique, je me soucie également du côté psychologique des hôtes au travers des nombreuses discussions à table où nous partageons nos joies et nos pei- nes. Et puis il reste du temps pour que je m’engage dans notre voisinage. Je vais visiter les femmes et les enfants du quartier, participe à leur vie, leur donne des conseils médicaux, panse des plaies et joue avec les enfants. Parfois, je m’assois simple- ment pour regarder et écouter. Daniela : Ma tâche principale est l’accompagnement d’une école primaire et secondaire. J’assiste le comptable et le di- recteur de l’école. Je vais régulièrement raconter des histoires bibliques dans les classes primaires ou j’accompagne le maî- tre de classe pour cela. A la maison, je fais du soutien scolaire
pour quelques enfants du voisinage et je joue et fais des bri- colages avec eux. A l’église, je suis responsable de l’école du dimanche. Je me suis glissée peu à peu dans chacune de ces tâches et j’y ai grandi : les enfants me tiennent à cœur et au début je jouais simplement avec eux. Une chose en a entraîné une autre jusqu’à aujourd’hui.
Martha : Dans cette culture, une femme n’est une « vraie femme », que si elle « a un homme ». Qu’elle soit mariée ou non est secondaire, il faut simplement qu’il y ait une autorité masculine « au-dessus » d’elle. Ces femmes sont alors appelées avec respect « Maman ». Il a fallu du temps et de l’initiative de ma part pour qu’on m’appelle aussi « Madame » ou « Maman », et pas seulement Martha. Ainsi, je sens que je suis intégrée et respectée. Daniela : La plupart des gens d’ici pensent que mon mari et mes enfants habitent en Suisse. Quand je leur explique que je n’ai vraiment aucun mari, ils peuvent à peine le croire, car dans leur culture cela n’est vraiment pas envisageable. Dans toutes les organisations, on voit davantage de femmes que d’hommes célibataires qui s’engagent. A ton avis, pourquoi les femmes semblent-elles davantage capables de s’engager « seules » ? Rahel : Pourrait-il s’agir d’une tolérance plus élevée face à la frustration ? Ou de la capacité d’une femme à réussir à gérer plusieurs domaines si- multanément ? Dans de nombreuses cultures, les hommes célibataires sont considérés comme des jeunes qu’on ne peut pas tellement prendre au sérieux. On leur accorde peu de respect, ce qui rend la chose plus dif- ficile. Martha : A ce sujet, j’ai plusieurs questions ou suppositions : statistique- ment parlant, le nombre de femmes célibataires est plus élevé que celui des hommes célibataires, dans les églises également. Peut-être que beau- coup d’entre elles ne peuvent exercer pleinement leurs dons de direction dans les pays du Nord en raison de la prédominance masculine et qu’elles acceptent l’appel de Dieu à se rendre au Sud ? Peut-être que les femmes ont également une plus grande capacité de résistance à la souffrance que les hommes et qu’elles sont de ce fait plus ouvertes et se laissent conduire vers un engagement ? Est-ce que le cœur des femmes est dans l’ensemble plus réceptif, empathique, ouvert aux souffrances des laissés pour compte de ce monde ? Est-ce que ce serait pour cette raison que certaines répondraient positivement à une demande d’engagement où « l’être humain est dans le besoin » ? Comment le travail interculturel a-t-il imprégné ton image de la femme ? Rahel : Le fait que dans de nombreuses cultures la femme soit respectée dans son rôle d’épouse et de mère m’a marquée. En Europe, on accorde parfois trop peu de valeur à cela et on ne considère que les prestations en lien avec le travail. Beaucoup voient la maternité uniquement comme un rôle secondaire. C’est dommage ! De plus, je respecte les femmes qui s’engagent pour Jésus depuis des années sans mari et qui ont pour cela dû mettre leurs besoins personnels en retrait, ou même les « enterrer ». Martha : Durant toutes les années passées ici, j’ai fait la connaissance de très, très nombreuses femmes vraiment courageuses et qui respectent Dieu. Nous ne pouvons même pas imaginer ce que la plupart d’entre el- les ont dû subir dans leur vie. Je suis convaincue que les femmes ne sont pas le « sexe faible », mais qu’elles ont besoin dans leur vie de protection, d’amour et de reconnaissance afin de pouvoir s’épanouir là où elles ont été implantées. Selon moi, pour nous les femmes, cet endroit ne peut se trou- ver au final qu’auprès de Dieu. Nous sommes des filles aimées, à l’image de Dieu et nous osons devenir la personne qu’Il a voulu que nous soyons.
Martha
Quels sont pour toi les avantages et inconvénients d’être femme dans ton pays d’engagement ?
Rahel : En tant que mère, je suis naturellement plus proche des autres familles. Dans un pays tel que le Sri Lanka, où on accorde une grande importance au réseau familial et au rôle que chacun y joue, je profite en tant que mère (Amma) d’un certain statut. Mais en général, les femmes ici ont moins de poids que les hommes et doivent davantage se battre pour se faire entendre. Cornelia : Comme j’ai déjà 53 ans et qu’en Afrique, on respec- te les plus âgés, je ne vois en réalité pas d’inconvénient à être ici en tant que femme. En général, on me respecte beaucoup et on m’appelle « Maman » ou « Tante ». J’ai cependant dû m’habituer à ce qu’on me nomme souvent « Madame Pierre » (le nom de mon mari) plutôt que mon propre prénom ! Il est important d’avoir un comportement culturel correct, particu- lièrement envers les hommes musulmans, ce qui veut dire que je ne dois pas les regarder dans les yeux. De plus, il est sou- vent peu convenable de serrer la main ou même d’adresser la parole à un homme. Parfois, il est également agréable de pouvoir s’appuyer sur son mari et de ne pas devoir prendre soi-même des décisions importantes. Martha : Peu importe qu’on soit femme ou homme : je crois que si je sais exactement que je suis à la place que Dieu a vou- lue pour moi, j’oublie la liste des avantages et inconvénients. Daniela : Dans mon pays d’engagement, ce sont souvent les hommes qui ont le droit de parole. En tant que femme, et bien plus encore pour une femme célibataire, il faut lutter pour se faire respecter et reconnaître. Le fait de vieillir est un avantage : des enfants et des adultes viennent maintenant régulière- ment me trouver parce qu’ils ont besoin d’un conseil ou d’une aide quelconque. Quelle influence a ton état-civil sur la façon dont tu es perçue ? Rahel : Le fait d’être mariée représente une protection. Sou- vent, on évite ainsi de se faire draguer et d’entendre certai- nes phrases. Mais en tant que femme mariée, on a également moins de liberté. Il y a des choses qui ne se font plus quand on est mariée, par exemple chanter dans le chœur des jeu- nes, même si on pourrait y être un bon modèle. C’est parfois dommage. Cornelia : Le fait d’être une femme mariée plus âgée et qui a eu des enfants n’a en fait que des avantages ici, car ce sont deux choses très positives dans cette culture. Ainsi je ne res- sens pas d’inconvénients au fait d’être une femme.
Daniela
Rahel
De quoi rêves-tu ? « Mon rêve est de devenir enseignante pour aider les enfants du Cambodge. J’aimerais avant tout soutenir les enfants de la campagne, car les possibilités de formation n’y sont sou- vent pas très bonnes. C’est mon plus grand souhait ! » Minea, 20 ans, travaille comme stagiaire à Lighthouse Battambang, Cambodge
08
La lutte contre
l’excision en Guinée
Un pas après l’autre A ce jour, une quarantaine d’animatrices ont été formées. Elles sont actives dans une quinzaine de préfectures et ré- gions de la Guinée et forment à leur tour d’autres femmes pour s’engager dans cette lutte dans les églises locales, mais aussi dans les communautés villageoises, les écoles ou les centres de santé. Chaque année, ce sont environ 150 vil- lages et quartiers qui sont ainsi sensibilisés. Epaulées par des pasteurs locaux, les animatrices tentent aussi de venir au secours des victimes de l’excision. En 2019, 17 exciseu- ses traditionnelles ont renoncé à cette pratique. Plusieurs d’entre elles sont maintenant des animatrices engagées et efficaces dans la lutte contre les MGF. Durant cette même année, plus de 25 000 personnes, hommes, femmes, jeu- nes et enfants ont été sensibilisées et encouragées à aban- donner l’excision. Nous avons aussi pu envoyer plusieurs personnes à Conakry, où le bateau hôpital « Mercy Ship » stationnait, pour de la chirurgie réparatrice. Plus de 2 000 jeunes filles non excisées ont été encouragées par les ani- matrices, au travers de rencontres et de groupes de soutien, à résister à la pression sociale et aux moqueries qu’elles su- bissent régulièrement. Le pasteur Simon Pierre Lamah est bien conscient que renoncer à l’excision peut être difficile dans une société de type communautaire. « Notre but, c’est d’aider les jeunes filles à ne plus avoir honte de ne pas être excisées, mais au contraire à en être fières ! » Un combat de longue haleine La lutte contre les MGF est un combat de longue haleine. De par son travail parmi les couples et les enfants, l’Eglise peut avoir un impact profond sur les familles et donc à terme sur la société guinéenne. Avec nos partenaires locaux, comme la Fondation Schmid de lutte contre les MGF et avec l’aide de Dieu, nous croyons que, malgré l’ampleur de la tâche, les femmes de Guinée pourront un jour être complètement libérées de l’excision. Une fuite de dernière minute Quelques minutes avant d’être excisée, Aminata est parve- nue à s’enfuir en passant par la fenêtre de la salle de bain, vêtue de sa seule serviette. Elle s’est réfugiée chez une ani- matrice de la lutte contre les MGF. Elle a ensuite été accueil- lie par un pasteur d’une autre ville, le temps que sa famille puisse être sensibilisée et encouragée à renoncer à faire su- bir cette mutilation à leur fille.
96% des femmes guinéennes ont subi des mutilations gé- nitales féminines (MGF). Cela veut dire que sur 100 person- nes, moins de quatre y échappent ! SAM global s’engage avec des partenaires locaux dans la lutte contre ce fléau qu’on appelle aussi excision. La Guinée arrive au deuxième rang des pays pratiquant le plus cette violence faite aux femmes. Les MGF consistent en l’ablation des organes sexuels externes de la femme. Elles concernent aussi bien des très jeunes en- fants, que des jeunes filles ou des femmes adultes. Elles peu- vent avoir des conséquences graves pour la femme : douleurs persistantes, saignements, menstruations ou urines bloquées, rapports sexuels douloureux, complications à l’accouchement entraînant fréquemment la mort du bébé et/ou de la mère. « Je souffre encore tous les jours » Après avoir été exciseuse, Odette s’engage aujourd’hui dans la lutte contre les MGF : « J’ai été excisée à cinq reprises, mais je ne savais pas que c’était la cause de mes souffrances. Dans mon ignorance, j’ai alors fait subir les mêmes mutilations à d’autres. » La jeune femme ajoute : « Lors de mon accouchement, tout a été déchiré. Après des années, je souffre encore tous les jours. Mon mari m’a quittée car je ne supportais plus d’avoir des rap- ports sexuels avec lui. Je veux maintenant faire tout ce que je peux pour lutter contre cette coutume qui fait tellement de mal aux femmes de mon pays. » L’Eglise, acteur essentiel dans la lutte contre les MGF Pratique ancestrale antérieure à l’islam et au christianisme, l’excision a des causes religieuses, culturelles et sociales profon- dément ancrées dans la société guinéenne. L’Eglise Protestante Evangélique de Guinée (EPEG) s’engage pour dénoncer et com- battre les MGF. SAM global encourage, co-finance et soutient ce combat depuis des années. « Nous voulons briser le tabou qui entoure l’excision en Guinée, déclare le responsable du dépar- tement Couples et Familles, le pasteur Esaïe Koundouno. Notre objectif est que la vérité soit connue sur l’excision et ses consé- quences. » L’apport de l’Eglise est ici tout à fait essentiel et pertinent : là où de nombreuses initiatives échouent parce qu’elles ne prennent pas suffisamment en compte les croyances, l’Eglise peut faire évoluer les mentalités en profondeur. En effet, il ne suffit pas d’appeler à l’abandond’une tradition,mais d’en adresser les cau- ses profondes qui sont enracinées dans des pratiques et croy- ances religieuses ou mystiques. « Traditionnellement, ajoute le pasteur Esaïe, l’excision fait souvent partie de rituels animistes. Les parties coupées sont utilisées pour des pratiques occultes
de sorcellerie. » Il se dit beaucoup de choses autour de cette tradition, par exemple que les femmes non excisées ne peuvent pas avoir d’enfants ou ne sont pas de « vraies » femmes. L’enseignement de la Bible – qui rappelle notamment qu’hommes et femmes ont été créés « très bons », que la sexualité est vou- lue par Dieu non seulement pour la procréation, mais aussi pour le plaisir, que les mutilations pour motifs religieux sont à proscrire, ou encore que cer- taines traditions humaines sont mauvaises – est un puissant levier pour le changement. Esther Kamano, animatrice de la lutte contre l’excision dans la préfecture de Kissidougou, n’est pas passée par là. « Mon père s’était engagé, avec plusieurs de ses collègues étudiants en théologie, à ne pas faire exciser ses filles. Je peux dire que c’est grâce à sa foi et à son engagement, que j’ai échappé à cette mutilation si répandue. » Une lutte sur tous les plans Il faut informer et convaincre les pères de renoncer à faire exciser leurs filles, mais, contrairement à ce qu’on imagine souvent, ce sont les mères qui font subir ces violences à leurs enfants. Elles s’opposent parfois farouchement à l’abandon des MGF, crai- gnant notamment que leurs filles ne deviennent ni des femmes respectables ni de bonnes épouses si elles ne sont pas excisées comme elles l’ont été elles-mêmes. L’aspect financier entre aussi en jeu. Simon Pierre Lamah, pasteur et coordinateur du département Enfance de l’EPEG, nous dit : « Cette pratique est une source de revenus non négligeable tant pour les exciseuses traditionnelles que pour les agents de santé. En effet, le personnel médical et les sages- femmes réalisent aussi des excisions. » Bien que les MGF soient officiellement interdites en Guinée et malgré de nombreuses campagnes de sensibilisation ces dernières années, le pourcen- tage de femmes excisées ne baisse que très lente- ment, le problème étant que les coupables sont rarement punis et que la corruption omniprésente reste un écueil. Le pasteur Esaïe Koundouno dit à ce sujet : « L’an dernier, un juge a condamné plu- sieurs personnes ayant pratiqué les MGF, mais après une semaine, les coupables ont été libérés par les autorités. Ce juge courageux vit maintenant sous la menace de représailles. Il a demandé une mutation dans une autre ville. »
Gaëlle et Cédric Chanson s’engagent contre les MGF dans le projet ProTIM 2-2-2 à Kissidougou, Guinée
Pasteur Esaïe et son épouse Esther mettent toutes leurs forces dans la lutte contre les mutilations génitales féminines en Guinée.
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Quelques-uns de nos projets spéciaux pour les filles et les femmes
Femmes dans nos pays d’engagement : de quoi on préfère ne pas parler
Guinée Ecole primaire et secondaire à ActionVIVRE Nord
Un sujet important des Objectifs du développement durable est l’égalité entre les genres et la promotion de la libre disposition de soi-même pour toutes les femmes et les filles. Le fait de vouloir encourager les filles et les femmes autant que les jeunes gens et les hommes est évident de longue date pour SAM global, d’autant plus qu’elles sont souvent défavorisées et discrimi- nées dans nos pays d’engagement. Certains projets mettent spécialement l’accent sur elles : Cameroun CEFM (Centre Evangélique de Formation Ménagère et Artisanale) Groupe cible : Jeunes femmes de 14 à 20 ans qui n’ont jamais fréquenté l’école ou qui ont dû l’arrêter prématurément pour travailler à la maison. Offre : Les jeunes femmes approfondis- sent pendant deux ans leurs connaissan- ces en lecture, écriture et calcul. Il y a en outre une offre abondante en d’autres matières : jardinage, couture, informa- tique appliquée, gestion du budget, hy- giène et nutrition. Effets : Lors de sa création, le CEFM visait à préparer les filles à leur rôle d’épouses et de mères. Aujourd’hui, les femmes sont formées en tant que membres à part en- tière de la société et de partenaires d’égale valeur à celle de leurs maris. Certaines rat- trapent leur diplôme de fin d’étude au CEFM et poursuivent leur formation dans une école professionnelle, d’autres ou- vrent un atelier de couture ou créent un petit commerce.
acquérant une base solide pour des étu- des. Quelques-unes assument aussi des responsabilités pour la famille, l’Eglise et la société en dépit de leur jeune âge.
Népal ProUDYAMI
Groupe cible : Garçons et filles de 6 à 16 ans Offre : L’école accueille les garçons et les filles exactement de la même façon. La direction de l’école a très à cœur de trai- ter les deux sexes de la même manière en leur offrant les mêmes possibilités de formation. Effets : En raison de l’égalité clairement affichée entre les sexes, l’école réussit à atteindre une proportion de presque 50% de filles, ce qui est rare en Guinée ! Les pa- rents sont sensibilisés au fait que la forma- tion scolaire est importante aussi pour les filles et peu d’entre elles sont retirées de l’école pour les travaux ménagers ou pour les marier encore mineures.
Amérique du Sud – Brésil : la violence domestique et le féminicide Le Brésil figure au 92 ème rang du « Global Gender Gap Report » (rapport sur l’égalité des sexes au ni- veau mondial). Dans les domaines de l’économie et de la politique en particulier, les femmes sont particulièrement désavantagées. La criminalité et la violence policière sont aussi de gros problèmes, particulièrement à l’encontre des habitantes afro- brésiliennes des favelas. A quoi il faut ajouter la vio- lence domestique largement répandue, ainsi qu’un nombre effrayant de féminicides : assassinats de femmes. En 2015, une « loi contre le féminicide » a été adoptée mais depuis, l'objectif est de libéraliser la loi sur les armes, ce qui menace de nouveau beau- coup les femmes. Asie – Népal, Sri Lanka, Cambodge, Inde et Chine : il faut de la chance pour être femme et survivre En Asie, le statut de la femme dans la société varie considérablement d’un pays à l’autre. Alors qu’au Népal, au Cambodge, au Sri Lanka et en Inde, les problématiques du mariage forcé, du mariage d’enfants, du viol, de la prostitution et du com- merce de femmes sont largement répandues, il existe en Chine un phénomène encore bien plus choquant : l’infanticide systématique des fœtus et bébés féminins. Le surplus des hommes en Chine est aujourd’hui de 34 millions. L’ampleur du meur- tre des bébés filles montre combien l’idée qu’elles auraient moins de valeur que les garçons est en- core bien répandue dans la société. D’une manière paradoxale, les décennies de l’enfant unique entre 1979 et 2015, leur donnaient la chance de survivre à la naissance et à l’enfance. Les filles ont beaucoup pu profiter d’un système moderne d’éducation et d’une économie relativement ouverte avec quanti- té de possibilités de travail pour les femmes. Afrique – Angola, Burkina Faso, Cameroun, Tchad, Guinée : polygamie, mutilations génitales et mortalité infantile Dans les pays africains de culture majoritairement musulmane ou animiste, les problématiques com-
me la mutilation sexuelle des filles, le mariage forcé ou de mineures, tout comme la discrimina- tion dans l’éducation sont encore très répandues. Il faut toutefois constater qu’il existe souvent des prescriptions légales qui condamnent ces pra- tiques, mais que dans la réalité elles ne sont pas mi- ses en œuvre et respectées. Le non-respect des lois se rencontre aussi en Angola où la polygamie est normalement interdite. Les médias ont récemment fait état d’une famille qui remplit un village tout en- tier : un homme avec 42 femmes et 166 enfants. En Angola et au Tchad, le taux de mortalité des enfants de moins de 5 ans est le plus haut du monde. En raison du manque de soins médicaux, le nombre de femmes qui meurent durant l’accouchement est extrêmement haut. Des défis supplémentaires apparaissent en particulier pour les femmes seules dans les régions de campagne car aucun système de sécurité sociale étatique n’existe. Dans certai- nes régions, il est par exemple traditionnellement interdit aux femmes de posséder des terres et de les cultiver. Nous avons encore un long chemin devant nous Nous sommes encore loin de l’égalité dans la plu- part de nos pays d’engagement et la situation des femmes dans certains lieux me rend très triste : la mutilation génitale en Guinée en particulier, qui se pratique encore sur 97% des filles, me touche beau- coup. Même s’il existe une base légale, les filles n’ont souvent aucune chance de se défendre contre ce genre de traditions, sans parler de recevoir une protection juridique effective. Cela vaut la peine de lutter ensemble. Il y a ici en effet encore beaucoup à faire, mais il est extrêmement beau d’entendre que les mesures de sensibilisation exercées durant des années commencent maintenant à porter leurs fruits. Cela me donne du courage !
Groupe cible : Les femmes en général
Offre : ProUDYAMI offre aux femmes une formation économique et pra- tique d’entrepreneuses. ProUDYAMI met l’accent sur les femmes, car beaucoup d’hommes quittent quotidiennement le Népal pour trouver du travail à l’étranger, laissant souvent les femmes seules avec leurs enfants, parents et beaux-parents. Comme il n’est pas certain que les maris puissent envoyer de l’argent ni combien, la responsabilité du revenu de la famille repose sur elles. L’expérience montre en outre que les femmes gèrent l’argent de façon très responsable et l’utilisent pour le bien de leurs familles. Effets : Le projet encourage les femmes dans leurs activités économiques. Elles disposent d’un plan d’affaires ingénieux, gèrent leurs finances de façon économe, comprennent le contexte économique et peuvent donc nourrir leur famille. Certai- nes créent également des places de tra- vail et renforcent l’économie locale.
Cambodge Lighthouse Battambang
Groupe cible : Jeunes entre 13 et 19 ans
Offre : La possibilité de loger à Lighthouse permet aux jeunes femmes et jeunes gens d’origine rurale de fréquenter l’école secondaire ou le lycée en ville. Les élèves montrant des aptitudes prometteuses en termes de leadership sont soutenus au moyen d’un programme spécifique de re- lève. Pour l’instant, seules des femmes le suivent. Effets : Des jeunes femmes réussissent le baccalauréat grâce à la bonne formation,
Andreas Zurbrügg, responsable des pays du Sahel
De quoi rêves-tu ? « Je rêve d’une famille en bonne santé – mon mari est diabétique et a dû faire plusieurs séjours à l’hôpital – et que mes cinq enfants suivent Jésus, puissent fonder un jour leur propre famille et progresser professionnellement. Mon souhait est de pouvoir transmettre mes connaissances aux per- sonnes internes et externes à la communauté évangélique, en particulier en ce qui concerne les aspects médicaux. Par des conférences et au travers de mon exemple, j’aimerais contribuer à faire régresser dans la société les maladies qui peuvent être évitées. » Suzana Tiago, 46 ans, d’Angola. Suzana est la deuxième femme au sein de notre partenaire, l’association d’églises IESA, qui ait achevé un master. Elle est responsable du centre médical de Mapunda, qui propose des consultations médicales générales, le traitement de la lèpre et de la tuberculose, ainsi que des travaux de laboratoire et de rééducation.
Michelle Pfister, co-responsable de la communication chez SAM global
Sources : Amnesty International / Gender Gap Report / Wikipedia
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De quoi rêves-tu ?
L’appel de Dieu pris au sérieux
« Mes enfants doivent aimer et suivre Jésus. Je souhaite que beaucoup apprennent à Le connaître comme j’ai appris à Le connaître en Suisse. » Fatima, 46 ans, de Syrie, vit depuis 6 ans en Suisse et participe à une offre ProCONNECT pour les personnes-clés dans le domaine des migrants.
Des femmes dans le travail interculturel : en avance sur leur temps ?!
à l’époque, il n’y a aucun matériel officiel de l’Etat. L’enseignement biblique fait également partie du programme. Flory visite les écoles à maintes repri- ses, soutient les enseignants et joue également le rôle d’inspectrice. Au début, elle se rend à pied et à dos d’âne dans les écoles très éloignées les unes des autres, puis en voiture. Peu à peu, elle peut initier les Angolais à cette responsabilité, et après l’indépendance du pays, les écoles sont reprises par l’Etat. Le Dr Jean-Pierre Bréchet, membre de longue date du personnel, écrit à propos de Flory : « Les fruits de son grand engagement en Angola sont visibles partout. Son amour pour Jésus-Christ a influencé de nombreux garçons et filles qui assu- ment aujourd’hui des rôles importants dans leurs communautés. » Linguiste sans baccalauréat Flory continue également à se former, inlassable- ment. Elle acquiert une connaissance approfondie de la langue angolaise umbundu, ce qui lui prend un nombre d’heures incalculable. Flory devient la professeure de langue de tous les nouveaux colla- borateurs longs termes. Elle utilise d’abord le ma- nuel d’une organisation américaine, puis rédige elle-même un livre de grammaire umbundu selon une méthode plus récente. Elle contribue à la tra- duction de certains livres de la Bible. L’expérience suivante illustre combien Flory a mis du cœur et de l’âme dans ce travail : au début des années 1950, elle visite l’Angleterre et veut étudier les langues tribales dans la bibliothèque d’une université. Les résultats doivent l’aider dans son travail. Elle est poliment mais fermement informée que sans le bac, elle ne peut malheureusement pas avoir ac- cès à ces livres. Flory est très déçue et éclate même en sanglots. Finalement, l’homme à la réception la prend par le bras et la conduit aux livres désirés ! Les voies et directions de Dieu sont parfois inha- bituelles, mais tellement enthousiasmantes et ef- ficaces.
Au cours de mes 28 années de travail au sein de SAM global, j’ai eu le privilège de rencontrer de nombreuses « femmes selon le cœur de Dieu » : des personnes qui ont entendu l’appel du Seigneur et qui n’ont jamais été dissuadées par quoi que ce soit de faire les œuvres préparées par Lui : ni un enlève- ment, ni une limitation physique, la perte de mem- bres de leur famille, une maladie ou une guerre. De temps en temps, elles ont connu des changements de plan, elles se sont laissé utiliser par Dieu dans des endroits complètement différents et dans des pro- jets totalement autres que ceux prévus à l’origine. Elles ont mené une vie dévouée, parfois très dure, mais bien remplie. Nous pourrions remplir tout un Allons avec leurs histoires passionnantes. J’en ai choisi une seule pour cette fois : une femme qui a influencé des générations. Flory Eoll, 24 août 1921 – 17 janvier 2013 : une vie de service qui a laissé de grandes bénédictions Flory Eoll n’a certainement pas eu le meilleur départ possible dans sa vie professionnelle. A 14 ans, elle doit quitter l’école avec un diagnostic de dépression. Flory se remet et suit alors des études de traductrice. Son cœur brûle pour le travail inter- culturel. Avec la perspective de travailler dans un pays lointain, elle s’engage dans une formation de sage-femme puis d’infirmière. Malheureusement, elle remarque que ce travail ne correspond pas à ses capacités : les besoins des malades lui tiennent beaucoup trop à cœur. Une lettre importante Une lettre d’invitation d’Angola lui ouvre la porte de la mission à laquelle elle se consacrera durant 30 ans. Deux femmes, Edmée Cottier et Anny Bré- chet, qui travaillent avec SAM global en Angola, lui écrivent qu’elles aimeraient lui donner une tâche pour laquelle personne n’a de temps à ce mo- ment : s’occuper des filles qui fréquentent l’internat de la station. En Angola, Flory fonde des écoles pour filles et garçons dans toute une région. Elle élabore elle-même les manuels pédagogiques :
épouser un homme inconnu sans savoir si un retour dans son pays d’origine se- rait possible un jour. Une mission claire Avec le déclin des mouvements de Ré- veil, la compréhension du rôle de la femme a toutefois changé en plusieurs endroits et la question de savoir si les femmes étaient autorisées à tenir un rôle dirigeant dans les églises et la Mission est revenue sur le devant de la scène. Aujourd’hui, la majorité des organisa- tions travaille avec plus de femmes que d’hommes et elles ont souvent une po- sition égalitaire. La question de savoir s’il est justifiable bibliquement et théologi- quement qu’une femme remplisse une fonction dirigeante ou prêche ne se pose même pas dans beaucoup de situations à l’étranger, car sinon le travail ne pour- rait pas être effectué. Et pourtant la Mis- sion est explicite dans la Bible : chaque personne au monde doit recevoir la pos- sibilité d’entendre clairement le message de la Bonne Nouvelle, et cette Mission est adressée aux hommes comme aux femmes.
les dons spirituels sont offerts indiffé- remment aux deux sexes. Franson a écrit à ce sujet un texte avec pour titre « filles prophétesses », dans lequel il justifie bi- bliquement ses arguments. Fiancées de la Mission Il y avait pourtant aussi d’autres visions et d’autres pratiques dans le milieu ger- manophone : quelques organisations n’envoyaient au début de leur histoire que des hommes célibataires. Lorsqu’ils avaient fait leurs preuves et voulaient se marier, ils pouvaient demander après deux ans de service une « fiancée de la Mission ». Le comité missionnaire cherchait alors des femmes prêtes à se marier qui étaient d’accord de passer leur vie entière au service en Mission et d’épouser un homme qui, pour la plupart des cas, leur était complètement incon- nu. En règle générale, le mariage avait lieu après avoir fait connaissance durant deux semaines. Même si ces femmes sont parties principalement pour sou- tenir leur mari, beaucoup d’entre elles ont effectué un travail de grande valeur. Par exemple Rosina Widmann qui, juste après son mariage au Ghana, a ouvert une école pour filles, appris la langue très rapidement et a gagné la confiance de la population. Au sujet de la première ren- contre avec son futur époux, elle écrit : « Nous ne nous sommes pas regardés comme si nous nous voyions pour la première fois, car le Seigneur qui avait décidé notre union (…) a uni nos cœurs dans un amour sincère avant même que nous nous connaissions ! » Quel courage cela a dû être pour cette jeune femme, de voyager vers un pays étranger pour
Que ce soit dans ou en-dehors de l’Eglise, il y a seulement quelques décennies, les femmes n’avaient pas grande impor- tance. Il en était autrement à l’étranger : dans de nombreux endroits, elles ont été rapidement en mesure d’assumer des tâches de manière indépendante et sous leur propre responsabilité. Dans les pays germanophones se dé- veloppa dès 1722 une mouvance spi- rituelle « frères moraves » qui, en plus des hommes, envoyait également des femmes car elle était d’avis que les deux étaient nécessaires pour atteindre tout le monde avec la Bonne Nouvelle. La gran- de ouverture pour elles est arrivée lors de la création de nombreuses missions au 19 ème siècle : ces organisations étaient fondées sur l’idée que tant les hommes que les femmes sont appelés au service. Il a même existé des sociétés mission- naires uniquement féminines, qui prépa- raient et envoyaient des célibataires. El- les ont créé des écoles, travaillé dans le domaine médical, à l’alphabétisation, à la traduction de la Bible ou comme évangélistes. Beaucoup de femmes ont relevé le défi du travail pionnier. Fredrik Franson : « filles prophétesses » Un des hommes ayant eu une vision très moderne de la question des femmes fut Fredrik Franson (1852-1908), le co- fondateur de SAM global. Franson était d’avis que les femmes avaient la même valeur que les hommes et qu’elles de- vaient également être engagées dans l’annonce de la Parole, la direction, l’enseignement et la relation d’aide car
1954, Flory Eoll (gauche) avec sa collègue Hanni Sigg
Beatrice Ritzmann, responsable du person- nel chez SAM global
Sources : Ruth Tucker, Bis an die Enden der Erde. Missi- onsgeschichte in Biographien (non traduit en français), Metzingen : Ernst Franz Verlag, 1996 Hans Ulrich Reifler, Handbuch der Missiologie. Missionarisches Handeln aus biblischer, histori- scher und sozialwissenschaftlicher Perspektive (non traduit en français), afem, mission acade- mics 19, Nüremberg : VTR/VKW, 2009
Albert Zimmerli, responsable du secrétariat de SAM global
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