La lutte contre
l’excision en Guinée
Un pas après l’autre A ce jour, une quarantaine d’animatrices ont été formées. Elles sont actives dans une quinzaine de préfectures et ré- gions de la Guinée et forment à leur tour d’autres femmes pour s’engager dans cette lutte dans les églises locales, mais aussi dans les communautés villageoises, les écoles ou les centres de santé. Chaque année, ce sont environ 150 vil- lages et quartiers qui sont ainsi sensibilisés. Epaulées par des pasteurs locaux, les animatrices tentent aussi de venir au secours des victimes de l’excision. En 2019, 17 exciseu- ses traditionnelles ont renoncé à cette pratique. Plusieurs d’entre elles sont maintenant des animatrices engagées et efficaces dans la lutte contre les MGF. Durant cette même année, plus de 25 000 personnes, hommes, femmes, jeu- nes et enfants ont été sensibilisées et encouragées à aban- donner l’excision. Nous avons aussi pu envoyer plusieurs personnes à Conakry, où le bateau hôpital « Mercy Ship » stationnait, pour de la chirurgie réparatrice. Plus de 2 000 jeunes filles non excisées ont été encouragées par les ani- matrices, au travers de rencontres et de groupes de soutien, à résister à la pression sociale et aux moqueries qu’elles su- bissent régulièrement. Le pasteur Simon Pierre Lamah est bien conscient que renoncer à l’excision peut être difficile dans une société de type communautaire. « Notre but, c’est d’aider les jeunes filles à ne plus avoir honte de ne pas être excisées, mais au contraire à en être fières ! » Un combat de longue haleine La lutte contre les MGF est un combat de longue haleine. De par son travail parmi les couples et les enfants, l’Eglise peut avoir un impact profond sur les familles et donc à terme sur la société guinéenne. Avec nos partenaires locaux, comme la Fondation Schmid de lutte contre les MGF et avec l’aide de Dieu, nous croyons que, malgré l’ampleur de la tâche, les femmes de Guinée pourront un jour être complètement libérées de l’excision. Une fuite de dernière minute Quelques minutes avant d’être excisée, Aminata est parve- nue à s’enfuir en passant par la fenêtre de la salle de bain, vêtue de sa seule serviette. Elle s’est réfugiée chez une ani- matrice de la lutte contre les MGF. Elle a ensuite été accueil- lie par un pasteur d’une autre ville, le temps que sa famille puisse être sensibilisée et encouragée à renoncer à faire su- bir cette mutilation à leur fille.
96% des femmes guinéennes ont subi des mutilations gé- nitales féminines (MGF). Cela veut dire que sur 100 person- nes, moins de quatre y échappent ! SAM global s’engage avec des partenaires locaux dans la lutte contre ce fléau qu’on appelle aussi excision. La Guinée arrive au deuxième rang des pays pratiquant le plus cette violence faite aux femmes. Les MGF consistent en l’ablation des organes sexuels externes de la femme. Elles concernent aussi bien des très jeunes en- fants, que des jeunes filles ou des femmes adultes. Elles peu- vent avoir des conséquences graves pour la femme : douleurs persistantes, saignements, menstruations ou urines bloquées, rapports sexuels douloureux, complications à l’accouchement entraînant fréquemment la mort du bébé et/ou de la mère. « Je souffre encore tous les jours » Après avoir été exciseuse, Odette s’engage aujourd’hui dans la lutte contre les MGF : « J’ai été excisée à cinq reprises, mais je ne savais pas que c’était la cause de mes souffrances. Dans mon ignorance, j’ai alors fait subir les mêmes mutilations à d’autres. » La jeune femme ajoute : « Lors de mon accouchement, tout a été déchiré. Après des années, je souffre encore tous les jours. Mon mari m’a quittée car je ne supportais plus d’avoir des rap- ports sexuels avec lui. Je veux maintenant faire tout ce que je peux pour lutter contre cette coutume qui fait tellement de mal aux femmes de mon pays. » L’Eglise, acteur essentiel dans la lutte contre les MGF Pratique ancestrale antérieure à l’islam et au christianisme, l’excision a des causes religieuses, culturelles et sociales profon- dément ancrées dans la société guinéenne. L’Eglise Protestante Evangélique de Guinée (EPEG) s’engage pour dénoncer et com- battre les MGF. SAM global encourage, co-finance et soutient ce combat depuis des années. « Nous voulons briser le tabou qui entoure l’excision en Guinée, déclare le responsable du dépar- tement Couples et Familles, le pasteur Esaïe Koundouno. Notre objectif est que la vérité soit connue sur l’excision et ses consé- quences. » L’apport de l’Eglise est ici tout à fait essentiel et pertinent : là où de nombreuses initiatives échouent parce qu’elles ne prennent pas suffisamment en compte les croyances, l’Eglise peut faire évoluer les mentalités en profondeur. En effet, il ne suffit pas d’appeler à l’abandond’une tradition,mais d’en adresser les cau- ses profondes qui sont enracinées dans des pratiques et croy- ances religieuses ou mystiques. « Traditionnellement, ajoute le pasteur Esaïe, l’excision fait souvent partie de rituels animistes. Les parties coupées sont utilisées pour des pratiques occultes
de sorcellerie. » Il se dit beaucoup de choses autour de cette tradition, par exemple que les femmes non excisées ne peuvent pas avoir d’enfants ou ne sont pas de « vraies » femmes. L’enseignement de la Bible – qui rappelle notamment qu’hommes et femmes ont été créés « très bons », que la sexualité est vou- lue par Dieu non seulement pour la procréation, mais aussi pour le plaisir, que les mutilations pour motifs religieux sont à proscrire, ou encore que cer- taines traditions humaines sont mauvaises – est un puissant levier pour le changement. Esther Kamano, animatrice de la lutte contre l’excision dans la préfecture de Kissidougou, n’est pas passée par là. « Mon père s’était engagé, avec plusieurs de ses collègues étudiants en théologie, à ne pas faire exciser ses filles. Je peux dire que c’est grâce à sa foi et à son engagement, que j’ai échappé à cette mutilation si répandue. » Une lutte sur tous les plans Il faut informer et convaincre les pères de renoncer à faire exciser leurs filles, mais, contrairement à ce qu’on imagine souvent, ce sont les mères qui font subir ces violences à leurs enfants. Elles s’opposent parfois farouchement à l’abandon des MGF, crai- gnant notamment que leurs filles ne deviennent ni des femmes respectables ni de bonnes épouses si elles ne sont pas excisées comme elles l’ont été elles-mêmes. L’aspect financier entre aussi en jeu. Simon Pierre Lamah, pasteur et coordinateur du département Enfance de l’EPEG, nous dit : « Cette pratique est une source de revenus non négligeable tant pour les exciseuses traditionnelles que pour les agents de santé. En effet, le personnel médical et les sages- femmes réalisent aussi des excisions. » Bien que les MGF soient officiellement interdites en Guinée et malgré de nombreuses campagnes de sensibilisation ces dernières années, le pourcen- tage de femmes excisées ne baisse que très lente- ment, le problème étant que les coupables sont rarement punis et que la corruption omniprésente reste un écueil. Le pasteur Esaïe Koundouno dit à ce sujet : « L’an dernier, un juge a condamné plu- sieurs personnes ayant pratiqué les MGF, mais après une semaine, les coupables ont été libérés par les autorités. Ce juge courageux vit maintenant sous la menace de représailles. Il a demandé une mutation dans une autre ville. »
Gaëlle et Cédric Chanson s’engagent contre les MGF dans le projet ProTIM 2-2-2 à Kissidougou, Guinée
Pasteur Esaïe et son épouse Esther mettent toutes leurs forces dans la lutte contre les mutilations génitales féminines en Guinée.
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