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Servir en tant que femme Cornelia

Cornelia

Actuellement, plus de la moitié de nos collaborateurs long terme sont des femmes (situation en avril 2020). C’est le cas depuis un certain temps déjà. Quatre d’entre elles racontent dans cette interview ce que signifie servir en tant que femme : • Martha Gafafer, 63 ans, travaille depuis mars 1990 avec ProESPOIR en Guinée. • Rahel Ringger, 36 ans, a passé au total 4,5 ans au Ca- meroun et s’engage depuis fin 2019 avec son mari et leurs trois enfants à l’école des métiers manuels CCS au Sri Lanka. • Cornelia Flückiger, 53ans, travaille depuis janvier 2019 avec son mari en Guinée dans la capitale Conakry, après avoir décidé peu après leur cinquantaine de repartir pour de nouveaux horizons. • Daniela Seitz, 53 ans, travaille depuis 2002 avec Action VIVRE Nord en Guinée. Quelles sont tes tâches dans ton pays d’engagement ? Martha : Je travaille parmi les malades de la lèpre et après trente ans d’engagement, je me retire de plus en plus. Le cœur et le point culminant de mon engagement ont été les années intensives de réhabilitation d’anciens malades de la lèpre en situation de handicap. Actuellement, je m’efforce de remettre les responsabilités, d’encourager mes collaborateurs à continuer le travail et de faire comprendre que nos actes et notre attitude n’ont de sens que si nous recherchons cons- tamment une relation étroite avec Jésus. C’est quelque chose que j’ai vécu personnellement. Rahel : Actuellement, je suis surtout accaparée par l’école à la maison pour nos trois enfants (2 ème année, école maternel- le, groupe de jeux). Sinon, je gère les tâches administratives pour notre famille, je donne un coup de main au CCS et je m’occupe du ménage. En fait, nous aurions aimé confier les leçons à un/e enseignant/e, mais comme nous n’avons trouvé personne avant notre départ, je gère moi-même cette tâche. Cornelia : Mon activité principale consiste à gérer la maison d’accueil de SAM global à Conakry, en Guinée. Je fais en sorte que tous les collaborateurs qui arrivent ou repartent, leurs in- vités et des collaborateurs d’autres organisations bénéficient d’un lieu de séjour propre et agréable et disposent de tout ce dont ils ont besoin. Ainsi, j’organise chaque jour les repas de midi et du soir et souvent je cuisine et fais le service moi-mê- me. En plus du bien-être physique, je me soucie également du côté psychologique des hôtes au travers des nombreuses discussions à table où nous partageons nos joies et nos pei- nes. Et puis il reste du temps pour que je m’engage dans notre voisinage. Je vais visiter les femmes et les enfants du quartier, participe à leur vie, leur donne des conseils médicaux, panse des plaies et joue avec les enfants. Parfois, je m’assois simple- ment pour regarder et écouter. Daniela : Ma tâche principale est l’accompagnement d’une école primaire et secondaire. J’assiste le comptable et le di- recteur de l’école. Je vais régulièrement raconter des histoires bibliques dans les classes primaires ou j’accompagne le maî- tre de classe pour cela. A la maison, je fais du soutien scolaire

pour quelques enfants du voisinage et je joue et fais des bri- colages avec eux. A l’église, je suis responsable de l’école du dimanche. Je me suis glissée peu à peu dans chacune de ces tâches et j’y ai grandi : les enfants me tiennent à cœur et au début je jouais simplement avec eux. Une chose en a entraîné une autre jusqu’à aujourd’hui.

Martha : Dans cette culture, une femme n’est une « vraie femme », que si elle « a un homme ». Qu’elle soit mariée ou non est secondaire, il faut simplement qu’il y ait une autorité masculine « au-dessus » d’elle. Ces femmes sont alors appelées avec respect « Maman ». Il a fallu du temps et de l’initiative de ma part pour qu’on m’appelle aussi « Madame » ou « Maman », et pas seulement Martha. Ainsi, je sens que je suis intégrée et respectée. Daniela : La plupart des gens d’ici pensent que mon mari et mes enfants habitent en Suisse. Quand je leur explique que je n’ai vraiment aucun mari, ils peuvent à peine le croire, car dans leur culture cela n’est vraiment pas envisageable. Dans toutes les organisations, on voit davantage de femmes que d’hommes célibataires qui s’engagent. A ton avis, pourquoi les femmes semblent-elles davantage capables de s’engager « seules » ? Rahel : Pourrait-il s’agir d’une tolérance plus élevée face à la frustration ? Ou de la capacité d’une femme à réussir à gérer plusieurs domaines si- multanément ? Dans de nombreuses cultures, les hommes célibataires sont considérés comme des jeunes qu’on ne peut pas tellement prendre au sérieux. On leur accorde peu de respect, ce qui rend la chose plus dif- ficile. Martha : A ce sujet, j’ai plusieurs questions ou suppositions : statistique- ment parlant, le nombre de femmes célibataires est plus élevé que celui des hommes célibataires, dans les églises également. Peut-être que beau- coup d’entre elles ne peuvent exercer pleinement leurs dons de direction dans les pays du Nord en raison de la prédominance masculine et qu’elles acceptent l’appel de Dieu à se rendre au Sud ? Peut-être que les femmes ont également une plus grande capacité de résistance à la souffrance que les hommes et qu’elles sont de ce fait plus ouvertes et se laissent conduire vers un engagement ? Est-ce que le cœur des femmes est dans l’ensemble plus réceptif, empathique, ouvert aux souffrances des laissés pour compte de ce monde ? Est-ce que ce serait pour cette raison que certaines répondraient positivement à une demande d’engagement où « l’être humain est dans le besoin » ? Comment le travail interculturel a-t-il imprégné ton image de la femme ? Rahel : Le fait que dans de nombreuses cultures la femme soit respectée dans son rôle d’épouse et de mère m’a marquée. En Europe, on accorde parfois trop peu de valeur à cela et on ne considère que les prestations en lien avec le travail. Beaucoup voient la maternité uniquement comme un rôle secondaire. C’est dommage ! De plus, je respecte les femmes qui s’engagent pour Jésus depuis des années sans mari et qui ont pour cela dû mettre leurs besoins personnels en retrait, ou même les « enterrer ». Martha : Durant toutes les années passées ici, j’ai fait la connaissance de très, très nombreuses femmes vraiment courageuses et qui respectent Dieu. Nous ne pouvons même pas imaginer ce que la plupart d’entre el- les ont dû subir dans leur vie. Je suis convaincue que les femmes ne sont pas le « sexe faible », mais qu’elles ont besoin dans leur vie de protection, d’amour et de reconnaissance afin de pouvoir s’épanouir là où elles ont été implantées. Selon moi, pour nous les femmes, cet endroit ne peut se trou- ver au final qu’auprès de Dieu. Nous sommes des filles aimées, à l’image de Dieu et nous osons devenir la personne qu’Il a voulu que nous soyons.

Martha

Quels sont pour toi les avantages et inconvénients d’être femme dans ton pays d’engagement ?

Rahel : En tant que mère, je suis naturellement plus proche des autres familles. Dans un pays tel que le Sri Lanka, où on accorde une grande importance au réseau familial et au rôle que chacun y joue, je profite en tant que mère (Amma) d’un certain statut. Mais en général, les femmes ici ont moins de poids que les hommes et doivent davantage se battre pour se faire entendre. Cornelia : Comme j’ai déjà 53 ans et qu’en Afrique, on respec- te les plus âgés, je ne vois en réalité pas d’inconvénient à être ici en tant que femme. En général, on me respecte beaucoup et on m’appelle « Maman » ou « Tante ». J’ai cependant dû m’habituer à ce qu’on me nomme souvent « Madame Pierre » (le nom de mon mari) plutôt que mon propre prénom ! Il est important d’avoir un comportement culturel correct, particu- lièrement envers les hommes musulmans, ce qui veut dire que je ne dois pas les regarder dans les yeux. De plus, il est sou- vent peu convenable de serrer la main ou même d’adresser la parole à un homme. Parfois, il est également agréable de pouvoir s’appuyer sur son mari et de ne pas devoir prendre soi-même des décisions importantes. Martha : Peu importe qu’on soit femme ou homme : je crois que si je sais exactement que je suis à la place que Dieu a vou- lue pour moi, j’oublie la liste des avantages et inconvénients. Daniela : Dans mon pays d’engagement, ce sont souvent les hommes qui ont le droit de parole. En tant que femme, et bien plus encore pour une femme célibataire, il faut lutter pour se faire respecter et reconnaître. Le fait de vieillir est un avantage : des enfants et des adultes viennent maintenant régulière- ment me trouver parce qu’ils ont besoin d’un conseil ou d’une aide quelconque. Quelle influence a ton état-civil sur la façon dont tu es perçue ? Rahel : Le fait d’être mariée représente une protection. Sou- vent, on évite ainsi de se faire draguer et d’entendre certai- nes phrases. Mais en tant que femme mariée, on a également moins de liberté. Il y a des choses qui ne se font plus quand on est mariée, par exemple chanter dans le chœur des jeu- nes, même si on pourrait y être un bon modèle. C’est parfois dommage. Cornelia : Le fait d’être une femme mariée plus âgée et qui a eu des enfants n’a en fait que des avantages ici, car ce sont deux choses très positives dans cette culture. Ainsi je ne res- sens pas d’inconvénients au fait d’être une femme.

Daniela

Rahel

De quoi rêves-tu ? « Mon rêve est de devenir enseignante pour aider les enfants du Cambodge. J’aimerais avant tout soutenir les enfants de la campagne, car les possibilités de formation n’y sont sou- vent pas très bonnes. C’est mon plus grand souhait ! » Minea, 20 ans, travaille comme stagiaire à Lighthouse Battambang, Cambodge

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