Restés par passion
Parfois, la passion est plus forte que le bon sens. Elle pousse les gens à prendre des décisions qui n’ont pas l’air sensées. Voici deux exemples de collaborateurs passionnés et courageux qui ont décidé, contre toutes les voix qui voulaient les ramener à la raison, de rester alors que des crises se- couaient le pays dans lequel ils travaillaient.
Renate et Emanuel Wieland ProTIM 2-2-2 Kissidougou, Guinée
leurs revenus à cause du confinement et d’au- tre part, les prix des aliments ont beaucoup augmenté car l’acheminement des marchan- dises n’était plus possible. Nous avons beau- coup investi dans l’agriculture et avons aussi encouragé d’autres personnes à être particu- lièrement impliquées pour produire elles-mê- mes leur nourriture et s’assurer un revenu. Nous avons soutenu la culture du maïs et attribué des petits crédits pour promouvoir celle des légumes et du riz. Dans l’intervalle, la première récolte de maïs a pu être faite. Nous resterons ici Grâce à Dieu, la Moyenne Guinée où nous habitons a été bien épargnée par le virus jus- qu’ici, et nous sommes contents d’avoir pu participer à cela par nos mesures de sensibili- sation. Nous ne pouvons toutefois pas encore savoir combien l’économie va souffrir de la si- tuation. Les experts pensent que des millions de gens vont tomber dans la pauvreté. De toute manière, la pandémie reste un très gros défi pour le système de santé fragile. Un triste exemple : un jeune couple est arrivé à l’hôpital car la femme allait accoucher. Or, ce matin-là justement, un homme avait été testé positif au corona. Tout s’est bloqué car le personnel a paniqué. Lorsque la femme a finalement été soignée vers 13h, les médecins ont vu qu’une césarienne était nécessaire. Il était toute- fois trop tard : le bébé était déjà mort. Il reste beaucoup à faire et pour nous une chose est claire : nous voulons rester ici pour partager la vie et transmettre l’espoir.
Le début de la crise du corona a été très agité à Kis- sidougou. Les événements se sont précipités. Nous nous sommes rapidement lancés dans un travail d’éducation et de sensibilisation. Nous avons com- mencé à informer nos collaborateurs, puis l’école bi- blique à Télékoro et les apprentis mécaniciens. Nous nous sommes ensuite réunis avec les personnes-clés de l’église pour leur montrer l’importance d’une uti- lisation judicieuse des aliments disponibles et de la culture de maïs, de riz et d’autres plantes. Et finale- ment, tous les pasteurs de la préfecture ont été invi- tés à Kissidougou afin que nous leur partagions éga- lement ces informations. Rester ou partir ? La question suivante s’est ensuite posée : rester ici ou retourner en Suisse ? Pour nous, il a tout de suite été clair que nous resterions. Nous serions utiles ici en Guinée et nous ne faisions pas directement partie d’un groupe à risque. Nous sommes ici à la maison. Beaucoup de choses pourraient nous arriver ici en Guinée sans que nous ayons la possibilité d’obtenir l’aide ou les soins que nous recevrions en Suisse, et cela même sans le coronavirus. C’est une chose avec laquelle nous vivons de toute manière, dans un pays comme la Guinée. Cela fait-il partie de l’appel, de la confiance en Dieu ou est-ce de l’insouciance ? En tous les cas, cela n’était pas une question pour nous, car nous avons vu l’urgence de rester et d’aider jus- tement dans une telle situation. Ces derniers mois, nous avons souvent entendu : « Merci d’être restés ici, de nous aider de manière très pratique, de partager notre vie et de prier pour nous ! » Problèmes complexes En plus du danger du virus lui-même, nous nous sommes trouvés confrontés à deux gros problèmes : d’une part beaucoup de personnes ont perdu tous
Comment je vois aujourd’hui ma décision d’alors ? Je me réjouis beaucoup de ce que Dieu m’ait appelée en Angola il y a presque 50 ans. Il m’a donné une passion pour ce peuple et avant tout pour les personnes invalides. Cette passion a pesé alors dans la balance. Je voulais être prête à accom- pagner la population et partager ses souffrances et ses joies, même lorsque cela devenait difficile et douloureux. Je n’ai jamais regretté ma décision d’alors. L’église locale a trouvé et trouve encore très significatif le fait que je sois restée à Kalukembe. Pourtant je sais que Dieu peut conduire d’autres personnes, ou même moi à un autre moment de ma vie, à prendre des décisions différentes. La passion reste Maintenant encore, alors que je vis une retraite active, je veux continuer à m’en- gager avec passion en Angola et pour ce pays, avant tout pour soutenir les gens qui se trouvent sur le côté sombre de la vie. Cette passion doit être communicati- ve et se transmettre à nos collaborateurs. Sans passion, la vie me semble fade. Res- ter passionné dans le service pour Jésus, c’est ce qu’il y a de plus beau dans la vie terrestre !
Elisabeth Gafner Angola
Régulièrement, mes pensées reviennent à une expérience déterminante de ma vie : en 1993 j’étais au lit avec l’hépatite A lorsque tous les collaborateurs interculturels ont reçu l’ordre de quitter immédiatement l’Angola en raison de la guerre. Les routes n’étaient plus utilisa- bles à cause des raids et des vols d’évacuation ont donc été organisés. Un grand conflit s’est déroulé dans mon cœur. Est-ce que ma vie avait plus de valeur que celle de mes collabo- rateurs angolais ? Dieu nous a-t-il promis de nous garder de tout danger dans notre service pour Lui ? Devions-nous fuir ces dangers ? J’ai répondu un « non » clair à ces questions. C’est pour cette raison que je me suis décidée à res- ter en Angola, malgré les consignes de SAM global. Mamère a commenté ainsi la situation : « Je savais qu’Elisabeth resterait ! » Mon église d’envoi m’a suivie dans ma décision et a con- tinué de me soutenir dans la prière et finan- cièrement. Une décision qui a des conséquences Exactement une année plus tard, j’ai dû fuir de Kalukembe avec la direction de l’église, le per- sonnel médical et la population. Deux mois et demi plus tard et après de nombreux détours, je suis arrivée en Suisse juste avant Noël. Ce temps en Europe s’est révélé un défi person- nel, presque plus difficile que de rester dans les confusions de la guerre et que la fuite elle- même, avec toutes ses incertitudes.
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