FNH N° 1133

C ULTURE

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FINANCES NEWS HEBDO

JEUDI 14 DÉCEMBRE 2023

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Exposition

◆ Bouchta El Hayani, né en 1952 à Taounate, est une figure incontournable de la scène artistique marocaine. ◆ Pour la première fois, il investit la galerie d’art L’Atelier 21 à Casablanca, jusqu’au 5 janvier 2024, avec une exposition rétrospective couvrant 50 années de création. États d’homme

affirmation, loin d'éclaircir, intensifie le mystère. Notre peintre serait-il réellement cet être décharné, immo- bile, aveugle, sourd, figé, chauve ? À propos de cet homme, El Hayani explique qu'il « ferme les yeux pour méditer sur sa condition », mais les signes inquiétants émergent de cette méditation : triangles, croissants inversés, cercles, demi-cercles, rayons lumi- neux mais mouillés, et un nombre hermétique -867-, énigmatique dans son appa- rition, sans explication. La toile devient ainsi un rébus visuel, invitant le spectateur à participer à une interpréta- tion personnelle de ces sym- boles, créant une connexion intime entre l'œuvre et son public. Chaque série de Bouchta El Hayani est nourrie, de manière plus ou moins directe, par un contexte spécifique. Le choix du noir et des couleurs brutes reflète initialement le désir de défier les conventions et de rompre avec les ensei- gnements des cours d'arts plastiques, où le noir est souvent catégorisé comme une non-couleur. La pra- tique de la calligraphie, quant à elle, trouve son ori- gine dans la rencontre avec les peintres irakiens lors de la biennale organisée aux Oudayas à Rabat en 1977. Les teintes terre émanent de la découverte de l'art africain à Paris en 1998. Par

exemple, la représentation de l’«homme nu» de profil découle d'une réflexion liée à la guerre du Golfe, tandis que l'apparition d'anges est le fruit d'une rencontre avec l'écrivain A. Khatibi. Bouchta peint exclusive- ment à la lumière du jour dans son atelier au deu- xième étage d'un immeuble, dont la fenêtre ouvre sur un petit morceau de l'océan Atlantique, quelques rues plus bas. Comment peut- il peindre une telle quan- tité de toiles, de surcroit de dimensions de plus en plus grandes, dans un espace aussi restreint et encombré ? Il s'adapte et tire parti de ces contraintes. En jouant avec le manque de recul, il crée des tableaux qui s'agencent en diptyques ou triptyques, les dimensions des toiles variant considéra- blement, allant du très petit au très grand. Son désir profond et expérimenté de peindre transcende les limites spatiales, démon- trant une créativité qui défie les contraintes physiques. Son parcours artistique, jalonné de moments clés et d'évolutions, offre une méditation visuelle profonde sur l'énigme de l'existence. Chaque toile, empreinte de mystère et de symbolisme, témoigne de l'engage- ment passionné de l'artiste envers son art, invitant les spectateurs à explorer les profondeurs de son univers créatif complexe. ◆

d'épurer les surfaces, ten- dant parfois vers les mono- chromes, annonce une recherche constante de la quintessence artistique. En 1998, son séjour à la Cité internationale des arts de Paris marque un tournant décisif, aussi bien en termes de forme que de densité, dans sa démarche picturale. Sa peinture évolue vers une matière intense, son geste devenant plus libéré, révé- lant un vocabulaire archéty- pal immémorial. Cette trans- formation se cristallise dans sa série de l'«Homme nu», initiée au début des années 2000, où figuration frontale et réflexion métaphysique fusionnent magistralement. Bal d'attitudes L'énigme persistante dans les œuvres d'El Hayani est soulignée par ses propres déclarations sur l'acte créa- tif, évoqué par sa phrase «il y a moi et le diable». « Cet homme, c'est moi », déclare-t-il à A. Khatibi. Cette

Par R. K. Houdaïfa

D iplômé de l'Ecole des arts appliqués de Casablanca en 1972, il se dis- tingue rapidement en tant qu'enseignant en arts plastiques au CPR de Rabat et à l'Ecole nationale d'architecture. Cependant, sa renommée ne se limite pas à son rôle pédagogique, car il se fait remarquer en tant que peintre dès les années 70, exposant ses œuvres caractérisées par une abstraction lyrique aux contours imprécis mais sai- sissants. Influencé par sa formation graphique, El Hayani connaît un succès croissant dans les années 80 et 90, moyennant des peintures acryliques à l’abstraction plus lyrique que géométrique (quoique) : d'audacieux aplats sombres striés en diagonale, rehaus- sés de touches de cou- leurs franches. Sa volonté

La toile devient ainsi un rébus visuel, invitant le spectateur à participer à une interpré- tation per- sonnelle de ces symboles, créant une connexion intime entre l'œuvre et son public.

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