ECONOMIE
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FINANCES NEWS HEBDO JEUDI 3 JUILLET 2025
Maroc Digital 2030 Construire un futur numérique inclusif Entre défis d’interopérabilité, de souveraineté numérique et d’inclusion financière, le Maroc doit actionner des leviers technologiques et humains susceptibles de faire de lui un véritable «player» numérique à l’horizon 2030. Par Désy M.
La dépendance aux acteurs tech- nologiques étrangers, notamment dans l’hébergement et les logi- ciels, expose le pays à des risques considérables, tant économiques que géopolitiques. Le panel n’a pas éludé l’aspect humain de cette révolution. Le digi- tal peut jouer un rôle déterminant dans la réduction des inégalités, notamment entre zones urbaines et rurales. Des outils basés sur l’IA commencent à être déployés pour accompagner les PME dans leurs démarches douanières, leur permettant de naviguer plus effi- cacement dans la complexité des procédures d’export. D’autres initiatives visent à automatiser certains services publics pour en accélérer l’accès. Mais pour que ces solutions portent leurs fruits, elles doivent s’accompa- gner d’une réelle démocratisation des compétences numériques. Le Maroc doit investir massivement dans la formation continue, la vulgarisation et la sensibilisation, sans quoi la fracture digitale pour- rait devenir une nouvelle ligne de faille sociale. En filigrane, une inquiétude s’est imposée : celle des menaces cyber. Les systèmes d’information publics, industriels ou même liés à la mobilité deviennent des cibles. Fatima Zohra El Ouerkhaoui, direc- trice des systèmes d’information à l’ONCF, a évoqué l’exemple d’aéroports européens récemment paralysés par des cyberattaques. Pour prévenir de tels scénarios, les intervenants ont plaidé pour une culture de la cybersécurité ancrée dans chaque projet digi- tal, dès sa conception, et pour le développement d’une doctrine cyber marocaine digne de ce nom. Les échanges se sont achevés sur une conviction selon laquelle, 2025 doit marquer le tournant. Le Maroc dispose d’un écosystème en ébul- lition, d’un vivier de talents et d’un tissu entrepreneurial innovant. Mais seule une volonté politique affirmée, articulée autour d’une stratégie claire et transversale, permettra de donner un élan déci- sif à la vision « Maroc Digital 2030». Comme l’a affirmé Houssaini, «le Maroc digital de demain ne se rêve pas, il se construit» . ◆
Panel sur les pers- pectives et orientations stratégiques pour un Maroc digitalisé lors de la 6 ème Conférence annuelle des femmes ingénieures du Maroc.
L
des données, le potentiel du digi- tal reste inexploité. Pourtant, les exemples concrets de réussite ne manquent pas. L’administration de l’Etat a vu ses recettes croître de 70% simplement en introduisant un système de paiement digital, réduisant ses délais de traitement de plusieurs jours à quelques heures. Pour les panélistes, cette réalité doit se pérenniser. «Le paiement digital, c’est comme une autoroute nationale. Sans elle, on ne circule pas» , a affirmé Samira Gouroum, Directrice géné- rale adjointe du Centre monétique interbancaire (CMI), appelant à démocratiser l’infrastructure de paiement électronique, y compris dans les régions les plus reculées. Mais la transformation digitale ne se résume pas à une moder- nisation technique. Elle engage des questions de souveraineté. Hicham Houssaini a insisté sur ce point : «Si nous voulons un Maroc digital souverain, il faut que les données critiques soient héber- gées localement, que nos talents soient formés, que nous déve- loppions nos propres plateformes africaines, et que la cybersécurité devienne une priorité nationale».
e Maroc s’est lancé dans une course contre la montre pour faire du numérique un levier de transfor- mation globale de son économie et de ses services publics. Mais à écouter les intervenants du pre- mier panel de la 6 ème Conférence annuelle des femmes ingénieures, tenue le 28 juin à Casablanca et portant sur «les perspectives et orientations stratégiques pour un Maroc digitalisé», le diagnostic est sans appel. Le pays reste encore à la périphérie d’une révolution qu’il aspire pourtant à conduire. Le numérique, loin d’être pleinement intégré à la dynamique nationale, demeure cantonné à des initia- tives éparses, fragilisées par un manque de coordination, des len- teurs structurelles et une gouver- nance en construction. Hicham Houssaini, expert en transformation digitale, plante le décor d’entrée de jeu : «Le Maroc a accompli des pas de géant dans des secteurs comme les énergies renouvelables ou l’automobile, mais dans le domaine du digital, nous ne sommes pas encore dans cette énergie» . Un aveu lucide, d’autant plus criant que l’édition 2024 de l’indice des Nations Unies
sur le développement numérique des gouvernements place le Royaume à la 90 ème position sur 193 pays. Bien loin de l’Estonie ou du Rwanda, où plus de 90% des services publics sont accessibles en ligne. Le principal nœud du problème, une administration encore trop fragmentée, où chaque entité développe ses outils en vase clos, sans réelle interconnexion. Youssef Ahouzi, Directeur général de Portnet, a décrit un «parcours digital» encore semé d’obstacles, où l’usager doit fournir à chaque administration des documents déjà numérisés ailleurs, faute d’échanges de données. Cette absence d’interopérabilité crée une rupture dans le parcours digi- tal du citoyen. Il a résumé l’ironie de la situation en une phrase : «Aujourd’hui, le citoyen est le seul lien entre deux administrations qui ne se parlent pas». Sans une archi- tecture unifiée, la promesse d’une administration électronique fluide reste lettre morte. À ce défi structurel s’ajoute celui, fondamental, de la gouvernance de la donnée. Sans cadre normatif clair, ni référentiel unifié de gestion
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