ECONOMIE
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FINANCES NEWS HEBDO JEUDI 13 FÉVRIER 2025
Médicaments Pourquoi les prix flambent et qui en pâtit ?
F. N. H. : En 2022, la CNOPS et l’Adminis- tration des douanes et des impôts indirects ont mené une étude sur 321 médicaments coûteux. Quelles sont les princi- pales conclusions de cette étude ? A. B. : Effectivement, la Caisse nationale des organismes de prévoyance sociale (CNOPS), qui gère l’assurance mala- die des employés du secteur public, avait mené une étude avec l’Administration des douanes et impôts indirects en 2022, en complément à d’autres études réalisées entre 2020 et 2021. Cette étude, portant sur 321 médicaments ayant le plus impacté les caisses de la CNOPS, a révélé, entre autres, d’importantes différences entre les prix publics de vente (P.P.V.) des médicaments et leurs prix déclarés à la douane. De même, elle a montré les différences importantes qui existent entre les prix publics de vente des médicaments pratiqués au Maroc et ceux en cours en France et en Belgique. Ce qui est étonnant si l’on considère que selon le décret n° 2-13-852 relatif à la fixation des prix des médicaments importés ou fabri- qués localement, le prix public des médicaments est fixé sur la base de leurs prix fabricant hors taxes (P.F.H.T) déterminé sur la base d’une comparaison des P.F.H.T dans 6 pays. Ce sont la France, la Belgique, l’Espagne, le Portugal, la Turquie et l’Ara- bie Saoudite; et éventuellement le pays d’origine s’il ne fait pas partie de cette liste, en prenant le P.F.H.T le plus bas de ces pays. Comment en est-on arrivé à une situation où les mêmes médi- caments ont des prix publics au Maroc qui sont beaucoup plus élevés que ceux de 2 pays faisant pourtant partie des pays
Les prix des médicaments représentent un enjeu majeur pour l’accessibilité aux soins, et leur hausse récente suscite de fortes inquiétudes. Les nouvelles institutions de gouvernance, telles que la Haute autorité de santé et l’Agence marocaine des médicaments et des produits de santé, ont un rôle déterminant à jouer dans la régulation des prix et du marché pharmaceutique. Entretien avec Abdelmadjid Belaïche, expert en industrie pharmaceutique, analyste des marchés et membre de la société marocaine de l’économie des produits de santé.
Propos recueillis par Ibtissam Z.
Finances News Hebdo : Le ministre délégué char- gé du Budget a évoqué la cherté des médicaments en mettant en avant cer- tains cas de hausse de prix atteignant jusqu’à 300%. Qu’est-ce qui explique cette hausse ? Et quels types de médi- caments sont particulière- ment concernés par cette problématique ? Abdelmajid Belaiche : Tout d’abord, il est important d’éviter tout amalgame ou toute confu- sion, en précisant les types de médicaments mis en cause. En effet, tous les médicaments ne sont pas si chers mais cer- tains le sont à coup sûr. Les médicaments mis en cause sont principalement ceux importés, et notamment ceux de la 4 ème tranche de prix. Autrement dit,
ceux dont les prix sont situés entre 2.101 et 130.600 dirhams par boîte. Il s’agit de médica- ments s’adressant aux mala- dies chroniques ou coûteuses, notamment les cancers. Ces médicaments sont essentielle- ment détenus par Big Pharma. Aujourd’hui, la situation des prix des médicaments est la sui- vante. D’une part, des listes de baisse des prix sont réguliè- rement publiées par le minis- tère de la Santé (une soixan- taine de listes ont été publiées au Bulletin officiel depuis avril 2014). D’autre part, de nouveaux médicaments sont introduits sur notre marché pharmaceutique à des prix astronomiques. Les effets des baisses réalisées principalement au niveau des médicaments de la 1 ère et de la 2 ème tranche de prix (autre- ment dit les médicaments dont les prix sont les plus bas) ont
été largement contrebalancés par les coûts exorbitants de ces nouveaux médicaments appartenant à la 3 ème et surtout à la 4 ème tranche de prix. Par ailleurs, la filière des médica- ments génériques et biosimi- laires, aux prix particulièrement avantageux pour les patients et pour les caisses de l’assurance maladie, n’est pas suffisamment développée. Pourtant, ces médicaments sont en mesure de faire réaliser de substantielles économies aux caisses de l’assurance maladie. L’ensemble des médicaments génériques et biosimilaires ont représenté en 2024 à peine 58% en volume et 49% en valeur du marché pharmaceutique privé marocain. Alors que le poten- tiel de leur développement est énorme, et on doit viser un taux allant de 70 à 80% de notre marché pharmaceutique.
Les soins et médicaments les plus coûteux ont joué un rôle déterminant dans les difficultés financières de la CNOPS.
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