FNH N_ 1218

ECONOMIE

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FINANCES NEWS HEBDO JEUDI 4 DÉCEMBRE 2025

procédures collectives cesseront d’être perçues comme un fac- teur de risque et deviendront, au contraire, un instrument de confiance et de stabilité au ser- vice du marché. F. N. H. : Dans quelle mesure la réorganisation récente de la profession de syndic judiciaire (décret de septembre 2025) complète et renforce l’action du pro- cureur du droit dans les procédures collectives ? Pr S.E.H.S. : Pour le dire sim- plement, le syndic est l’acteur de terrain dont dépend l’exécution concrète des procédures collec- tives. Or, nous avons longtemps travaillé avec un vide juridique étonnant; aucun statut, ni exi- gence professionnelle, encore moins une structuration réelle. Le décret publié en septembre dernier comble enfin une partie de ce manque, mais il reste très en deçà des attentes. Certes, il clarifie la rémunération, mais il s’avère insuffisant sur les questions essentielles, à savoir la formation, le statut, les com- pétences et l’indépendance. La fonction est désormais réservée aux experts judiciaires spéciali- sés en comptabilité - et parfois aux greffiers en liquidation-, mais cela ne règle pas le problème de fond. Si l’on se réfère au modèle fran- çais, qui inspire largement notre Livre V, les professionnels des difficultés des entreprises (admi- nistrateurs et liquidateurs judi- ciaires) suivent un parcours exi- geant, sélectif et encadré par un ordre professionnel doté de règles strictes de déontologie. On y distingue les métiers du redres- sement et ceux de la liquidation, ce qui élève considérablement la qualité du traitement. En comparaison, notre décret reste trop centré sur la rémunéra- tion, alors que l’enjeu majeur est ailleurs. Il consiste à profession- naliser la fonction, garantir l’indé- pendance et élever le niveau de compétence. Sans cette évolu- tion, l’efficacité des procédures collectives et la protection des créanciers resteront limitées. ◆

 Le ministère Public redéfinit l’équilibre des procédures collectives en renforçant la protection des créanciers et la trans- parence dans la gestion des entreprises en diffi- culté.

institutions financières internatio- nales ne s’exerce jamais direc- tement sur le parquet, mais elle agit de manière décisive à travers leurs évaluations du climat des affaires, en particulier l’indicateur Resolving Insolvency du rapport Doing Business. Lorsque cet indi- cateur a enregistré un recul pour le Maroc en 2017, il a révélé des faiblesses structurelles, notam- ment la lenteur des procédures, le taux de recouvrement insuf- fisant, la faible protection des créanciers et l’efficacité limitée des sanctions à l’encontre des dirigeants de mauvaise foi. Plusieurs choix opérés dans la loi 73-17 réformant le livre V du Code de commerce en 2018 doivent d’ailleurs être lus à la lumière de ces critiques formulées par la Banque mondiale, qui insistait sur la nécessité d’un cadre plus protecteur pour les créanciers. L’introduction de l’assemblée des créanciers et le renforcement des mécanismes de prévention en sont des illustrations directes. À l’inverse, la sauvegarde peut susciter des inquiétudes, car elle accorde au chef d’entre- prise une marge de manœuvre importante. Là encore, le rôle du ministère Public est déterminant. En effet, la loi lui donne la pos- sibilité de s’opposer à l’ouver- ture d’une sauvegarde (art 762)

fournisseur, d’un banquier ou d’un investisseur, constate que ses droits ne sont pas suffisam- ment protégés et qu’on le laisse désarmé face à un débiteur de mauvaise foi, cela crée un effet systémique tel que la frilosité des investisseurs, assèchement des circuits de financement, hausse des taux d’intérêt et réorientation des capitaux vers des secteurs de rente au détriment de l’écono- mie réelle créatrice d’emplois et de valeur partagée. Or, nous vivons aujourd’hui un momentum exceptionnel. Le pays bénéficie d’une dynamique économique très positive portée par la vision clairvoyante de Sa Majesté le Roi et par le reposi- tionnement stratégique du Maroc au sein des chaînes de valeur mondiales. Il serait dommage que cet élan soit freiné par des dys- fonctionnements systémiques dans l’application du droit des entreprises en difficulté. Le ministère Public doit occuper pleinement la place que la loi lui attribue dans ces procédures. C’est à cette condition que les

lorsqu’il estime qu’elle consti- tue une manœuvre dilatoire ou qu’elle risque d’aggraver le passif au détriment des créanciers. On voit donc comment le déploie- ment intelligent et impliqué des fonctions du parquet peut servir de facteur d'équilibre pour l'en- semble du droit des entreprises en difficulté. Il faut imaginer le Livre V comme un édifice com- plexe; lorsque le parquet rem- plit pleinement son rôle de pilier, toute la structure se stabilise au profit des créanciers et de l’entre- prise. F. N. H. : Cette réactivation du ministère Public contri- bue-t-elle à renforcer la confiance des investisseurs et à améliorer le climat des affaires au Maroc ? Pr S.E.H.S. : Indiscutablement. L’intervention pondérée et vigi- lante du ministère Public dans les procédures de difficultés des entreprises joue un rôle détermi- nant dans la consolidation de la confiance entre les opérateurs économiques, et donc dans le dynamisme de l’investissement. Un déploiement laxiste des pro- cédures collectives produit, au contraire, des effets délétères sur tout le marché. De nombreuses études montrent que lorsqu’un créancier, qu’il s’agisse d’un

Plusieurs choix opérés en 2018 dans la loi 73-17 sur le Livre V méritent d’être lus à l’aune des recommandations de la Banque mondiale, pour un cadre plus protecteur des créanciers.

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