FNH N_ 1218

SOCIÉTÉ

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FINANCES NEWS HEBDO JEUDI 4 DÉCEMBRE 2025

Peines alternatives «L’objectif des sanctions pénales est avant tout dissuasif et non répressif»

sociable. L’entrée en vigueur du texte a réduit la pression sur l’administration carcérale, tout en préservant la dignité de la popu- lation cible. Elles sont préconi- sées, par exemple, pour les pères de familles qui ne s’acquittent pas des allocations familiales ou les personnes qui ont émis des chèques sans provision, à la condition de réparer le préjudice subi par les victimes. Ces per- sonnes seraient, si elles étaient emprisonnées, perturbées dans leur vie privée et professionnelle, ce qui impacterait leurs familles. Par contre, les peines alternatives sont déconseillées pour les cri- minels récidivistes, les crimes de viol, de terrorisme ou encore de traite d’êtres humains. Le Conseil du pouvoir judicaire a publié un guide qui détaille avec précision les dispositions à respecter pour bien appliquer la loi. Le document définit clairement les attributions de chaque acteur judiciaire dans tout le système. F. N. H. : Quel rôle joue la défense dans les peines alternatives ? N. H. : La défense a un rôle fon- damental. En plus de la garantie des droits des prévenus, elle doit veiller à la bonne application de la peine pour qu’elle soit juste, adaptée et équitable. Si la peine est trop sévère, elle doit la contes- ter et demander sa révision. Elle peut négocier aussi cette peine en proposant une sanction spéci- fique. Par exemple, choisir entre le bracelet électronique et le tra- vail d’intérêt général. Enfin, la défense doit s’assurer que les obligations imposées soient réali- sables et respectées. Par la suite, elle doit veiller à la réinsertion des condamnés dans la vie sociale. ◆

Les peines alternatives constituent un tournant historique dans le système judiciaire national. En plus de la réduction de la pression sur l’univers carcéral, elles visent à assurer une meilleure réinsertion des condamnés dans la vie active. Entretien avec Nabil Haddaji, avocat au barreau de Casablanca.

Propos recueillis par C. Jaidani

Finances News Hebdo : Quelques mois après l’appli- cation des peines alterna- tives, comment jugez-vous cette expérience ? Les peines alternatives sont opérationnelles depuis août 2025, conformément à la loi 43/22. Et depuis, de plus en plus de juridictions dans le Royaume prononcent ces juge- ments. C’est une grande réforme du secteur de la justice, et plus précisément du code pénal maro- cain. Même si ces peines étaient demandées par différents interve- nants, notamment les juristes, les sociologues et les associations des droits de l’Homme, le point déterminant qui a poussé à la réforme est l’incapacité de l’appa- reil carcéral à contenir le nombre de détenus de plus en plus crois- sant. Cela crée des contraintes majeures en matière de gestion de cette population, tant au niveau du financement des centres péni- tenciers que de la logistique. Nabil Haddaji : Cependant, on s’interroge aujourd’hui sur la capacité réelle des forces de l’ordre à gérer l’exé- cution des peines alternatives.

Sont-elles suffisamment prépa- rées, par exemple, pour assurer le suivi et la géolocalisation de personnes condamnées à por- ter un bracelet électronique? Les outils numériques utilisés à cette fin offrent-ils un niveau de sécurité satisfaisant face aux risques de piratage ? Par ailleurs, durant l’exécution de ces peines, les condamnés bénéficient-ils d’une protection adéquate contre d’éventuels dommages collaté- raux, tels que les accidents ou les agressions ? Il est donc clair qu’il faut des sessions de formation et de pré- paration pour les agents qui sont appelés à exécuter ces peines. Il faut rappeler que les peines alter- natives sont réparties entre les activités d’intérêt général, la mise sous surveillance électronique ou encore la restriction de certaines libertés, comme celle de circuler. Et c’est au juge de définir le péri-

mètre à ne pas dépasser.

F. N. H. : La perception par l’opinion publique de l’im- punité des condamnés est l’un des points négatifs des peines alternatives. Quel est votre avis ? N. H. : Effectivement, c’est un sentiment que peuvent exprimer bon nombre de citoyens, parti- culièrement ceux qui ont été vic- times d’un délit ou un crime et dont l’auteur a été condamné à des peines alternatives. Je dois rappeler que le but du code pénal n’est pas uniquement répressif, mais avant tout dissuasif. Les sanctions sont un moyen préventif pour lutter contre la criminalité et la délinquance. Les peines alternatives ont mon- tré leur efficacité partout dans le monde, en permettant une meil- leure réinsertion des condamnés et en rendant le code pénal plus

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