FNH N_ 1218

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FINANCES NEWS HEBDO JEUDI 4 DÉCEMBRE 2025

Putsch en Guinée-Bissau

L’éternelle querelle entre casernes et palais

Par D. William E n Guinée-Bissau, la démocratie ne gouverne que par intérim. L’armée a débranché le président avant qu’il ne perde l’élection, dans ce que d’aucuns qualifient d’opération de maintenance politique. En Guinée-Bissau, la démocratie a la vie courte, mais les putschs, eux, ont la peau dure. A Bissau, les urnes n’ont même pas eu le temps de respirer que les militaires avaient déjà sorti les treillis et verrouillé les bâtiments stratégiques. Mercredi 26 novembre, en une heure, l’armée a décidé qu’elle pouvait mieux compter les voix que la commission électorale. On appelle ça, dans ce coin d’Afrique, un chapitre classique de l’histoire politique nationale.

Mais cette tragédie bissau-guinéenne n’est pas qu’un drame local. Elle pose une question plus large et plus dérangeante : pourquoi dans tant de pays africains les armées restent-elles les gardiennes jalouses du pouvoir politique ? Pourquoi les généraux pensent-ils être les seuls à savoir ce qui est bon pour la nation, même quand la nation n’a rien demandé ? Parce que le pouvoir en Afrique donne droit à des privilèges indus (impunité, clientélisme, caisses noires…). Parce que l’appétit des élites pour le fauteuil présidentiel dépasse rarement leur intérêt pour le bien-être du peuple. A Bissau comme ailleurs (Bamako, Niamey, Ouagadougou, Conakry), les citoyens sont les grands absents des décisions des hommes en tenue. Ils regardent, subissent et s’adaptent. Ils savent que les putschs nourrissent les putschs. Ils savent que les coups d’Etat ne sont pas un accident, mais un système. Un mode de gouver- nance. Une façon de régler les dettes politiques, de fermer les bouches trop bavardes et, surtout, de piétiner la démocratie. Ce qu’il y a de tragiquement ironique, c’est d’ailleurs le fait que les armées disent toujours vouloir sauver la démocratie… en y mettant fin, à chaque fois, souvent à coups de fusil. Elles évitent les crises en les créant. Parce que dans les pays où les présidents sont remplacés par des présidents, il y a de la démocratie. Dans les pays où les présidents sont remplacés par des généraux, il y a du provisoire éternel, donc de l’instabilité politique permanente. Bref, l’Afrique a besoin de dirigeants capables de perdre sans incendier le pays. Elle n’a pas besoin de nouveaux sauveurs en treillis. Encore moins de dirigeants qui prétendent incarner la souveraineté, l’ordre et le respect de l’Etat et des institutions, mais règnent souvent comme si le peuple était une variable gênante. Ces dirigeants qui s’oublient dans des querelles partisanes. Ces dirigeants qui oublient d’être au service de la collectivité. Ces dirigeants qui oublient qu’ils sont juste des locataires de fauteuils qu’il faudra, un jour ou l’autre, rendre au peuple. Volontairement. Ou, comme dans d’autres pays, par la force. Et ça, ce n’est pas une affaire militaire. C’est une affaire de maturité politique. Et surtout d’hon- nêteté envers les citoyens, les grands oubliés de cette éternelle querelle entre casernes et palais. ◆

Combine grotesque ? Mais ce coup-là n’a pas seulement le parfum de la cocaïne. Il pue la «combine», comme l’a affirmé sans détour le Premier ministre séné- galais, Ousmane Sonko. Goodluck Jonathan, ancien président nigé- rian, préfère l’expression «coup d’Etat céré- moniel», car c’est un pouvoir fragilisé qui aurait orchestré sa propre chute pour éviter une défaite électorale annoncée. En effet, la présidentielle du 23 novembre avait une dynamique claire. L’outsider Fernando Dias était donné en tête. L'équipe Embaló le savait. Le scénario du chaos aurait donc été activé. A Bissau, quand les urnes parlent trop fort, ce sont toujours les généraux qui coupent le son. Aujourd’hui, une junte s’installe, suspend les institutions, nomme un Premier ministre et un président de transition, tous des proches… de l’ancien président. Dans d’autres pays, on parlerait de continuité du pouvoir. En Guinée- Bissau, on parle de continuité du désordre organisé.

Evidemment, les militaires ont parlé d’une opéra- tion noble : sauver la démocratie contre les «tra- fiquants» et les «menaces contre l’ordre public». Sauf que dans ce pays, tout le monde sait que la cocaïne a plus de pouvoir que la Constitution et qu’elle est une invitée permanente des réunions du haut commandement. Cela fait des années que le pays sert de hub aux trafiquants latino- américains et que les armes sortent chaque fois qu’une élection menace de déséquilibrer cer- tains arrangements silencieux. Cette fois, la nuance était presque théâtrale : des militaires proches d’Umaro Sissoco Embaló ont évincé… Umaro Sissoco Embaló. Et l’ont exfiltré d’abord vers Dakar, puis vers Brazzaville, où il retrouve son vieil ami et «papa», Denis Sassou Nguesso.

Dans les pays où les présidents sont remplacés par des généraux, il y a du provisoire éternel, donc de l’instabilité politique permanente.

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