FNH N_ 1209

ECONOMIE

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FINANCES NEWS HEBDO LUNDI 30 SEPTEMBRE 2025

à la dépendance vis-à-vis du marché mondial. D’autre part, elle réside dans la struc- ture interne du marché, qui reste fragmentée, marquée par une forte présence infor- melle et par une traçabilité encore incomplète des flux. Cette configuration amplifie les chocs. En effet, quand les prix internationaux augmen- tent, la hausse se transmet de manière souvent dispro- portionnée au consomma- teur marocain. En somme, l’absence de mécanismes de régulation et la prépon- dérance de l’informel accen- tuent la sensibilité du mar- ché marocain aux fluctuations mondiales. F. N. H. : Comment expliquez-vous que cette flambée coïncide avec des soupçons de spéculation sur le mar- ché local? Le manque de transparence peut- il réellement aggraver l’impact pour le consom- mateur marocain ? M. B. : En effet, un mar- ché peu transparent favorise mécaniquement les compor- tements spéculatifs. Lorsqu’il n’existe pas de prix de réfé- rence officiel et actualisé, les intermédiaires disposent d’une marge de manœuvre pour fixer des prix qui ne reflètent pas fidèlement l’évo- lution internationale. Dans un tel contexte, les rumeurs, la rareté perçue ou même la rétention volontaire de stocks peuvent suffire à alimenter une hausse artificielle des prix. Pour le consommateur, cela se traduit par un sur- coût injustifié et une perte de confiance. De plus, le carac- tère informel d’une partie importante du commerce de l’or au Maroc empêche l’État de suivre avec précision les volumes et les transactions, ce qui rend la régulation plus difficile. L’absence de trans- parence est donc un facteur aggravant qui peut transfor- mer une hausse mondiale iné-

forçant la confiance dans la filière. • Encadrement des pratiques commerciales : fixer des normes sur l’information don- née aux clients (poids, carats, marges appliquées) et impo- ser des sanctions en cas de pratiques trompeuses. • Protection des petits acteurs : accompagner les bijoutiers et artisans en faci- litant leur accès à l’or via des canaux officiels, en leur offrant des formations sur la gestion des risques et en encoura- geant leur intégration dans des coopératives ou associa- tions professionnelles. • Innovation financière : développer des produits d’épargne-or accessibles en petites coupures pour éviter que l’or ne devienne inacces- sible aux classes moyennes. • Concertation public-privé : mettre en place un cadre institutionnel de dialogue réu- nissant les autorités, les fédé- rations professionnelles et les associations de consomma- teurs pour assurer un suivi régulier du marché. En combinant ces mesures, le Maroc pourrait réduire la spéculation, protéger les consommateurs, renforcer la transparence et moderniser une filière qui reste essentielle à la fois économiquement et culturellement. ◆  L’or 18 carats se négocie aujourd’hui entre 900 et 950 dirhams le gramme au Maroc contre moins de 500 dirhams il y a quelques années.

vitable en une flambée locale disproportionnée.

produits financiers adossés à l’or permettent d’investir de petites sommes. L’enjeu est de maintenir l’accessibilité de l’or comme valeur refuge démocratique, et non pas de le laisser devenir un instru- ment exclusivement réservé aux grandes fortunes. F. N. H. : Quelles mesures pourraient être mises en place pour réguler le marché marocain de l’or et protéger à la fois les consommateurs et les petits acteurs du sec- teur ? M. B. : Plusieurs pistes concrètes peuvent être envi- sagées, à savoir : • Transparence et prix de référence : la publication quo- tidienne d’un cours officiel de l’or en dirhams permettrait aux consommateurs de com- parer et de limiter les abus. • Traçabilité et formalisa- tion : instaurer un système de certification et d’étiquetage des produits, afin de lutter contre la contrebande et la contrefaçon. Cela protégerait le consommateur tout en ren-

F. N. H. : L’or est souvent perçu comme une valeur refuge, notamment en période d’inflation. Avec la hausse actuelle, ne risque-t-il pas de devenir un actif réservé à une certaine élite ? C’est une ques- tion centrale. Historiquement, l’or a toujours été un moyen d’épargne accessible, même pour les ménages modestes, à travers la bijouterie ou de petites unités d’investisse- ment. Mais avec la flambée actuelle, la quantité d’or que peut acquérir une famille de la classe moyenne se réduit considérablement. M. B. : Pour donner un ordre d’idées, l’or 18 carats se négocie aujourd’hui entre 900 et 950 dirhams le gramme au Maroc, alors qu’il valait moins de 500 dirhams il y a quelques années à peine. Cela pose le risque que l’or devienne un actif de plus en plus élitiste, réservé à ceux qui ont une capacité d’épargne importante. Toutefois, ce risque peut être atténué si le marché propose des produits adap- tés. Par exemple, des lingo- tins de quelques grammes, des bijoux d’investissement standardisés ou même des

L’enjeu est de maintenir l’accessibilité de l’or comme valeur refuge démocratique, et non pas de le laisser devenir un instrument exclusivement réservé aux grandes fortunes.

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