POLITIQUE
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FINANCES NEWS HEBDO LUNDI 30 SEPTEMBRE 2025
cette thèse, la France aurait pu monnayer sa reconnaissance pour obtenir des réformes palestiniennes, des garanties sécuritaires ou un accord sur les otages. Mais c’est oublier deux choses. D’abord, Paris a expressé- ment posé des conditions à l’ouverture d’une Ambassade en Palestine, notamment la libération des otages et un cessez-le-feu. Cela entre dans le cadre d’un dispositif plus large, en l’occurrence un plan de paix, une force internatio- nale de stabilisation à Gaza évoquée par plusieurs médias et un soutien à l’Autorité pales- tinienne. Ensuite, la recon- naissance tente de corriger un hiatus devenu intenable : alors que l’on prône la solution à deux Etats, les Israéliens accélèrent la construction de colonies en Cisjordanie. Quid, alors, de l’effet sur le conflit en cours ? Diplomatiquement, la Palestine marque des points, mais mili- tairement, la tragédie peut se prolonger si rien ne vient cas- ser les logiques de représailles et de siège israéliennes dans les territoires palestiniens. C’est dire que la route reste encore minée. Sans cessez-le- feu, sans libération des otages, sans mécanisme de gouver- nance crédible pour Gaza, sans réformes palestiniennes et sans gel des colonies, toute velléité de paix est illusoire. ◆
L’élan de reconnaissance de la Palestine tente de corriger un hiatus devenu intenable : alors que l’on prône la solution à deux Etats, les Israéliens accélèrent la construction de colonies en Cisjordanie.
rale de l’ONU. • Secundo : la reconnais- sance redonne du crédit à une Autorité palestinienne margi- nalisée et en perte de légiti- mité. Le message sous-jacent des capitales occidentales est uniforme : pas de rôle pour le Hamas dans un gouverne- ment de l’Etat reconnu. Dans ce cadre, Mahmoud Abbas, empêché de se rendre à New York, a promis des réformes et réaffirmé que le Hamas devait se désarmer et se retirer. Il s’agit d’un véritable test, car sans changements internes, la reconnaissance risque de se muer en symboles. • Tertio : Dans les démo- craties occidentales, l’opinion publique, émue par la tragédie de Gaza, réclame des actes. La reconnaissance est un pre- mier pas posé dans ce sens. En Israël, à l’inverse, nombre de citoyens perçoivent l’ini- tiative française comme une gifle adressée en pleine guerre et une faute morale et straté- gique. Reste l’argument du «levier gaspillé», brandi par l’ambas- sadeur d’Israël à Paris. Selon
A New York, Emmanuel Macron a prononcé ces mots simples : «La France reconnaît aujourd’hui l’Etat de Palestine».
L’Europe, elle, avance en ordre dispersé. La France prend la tête d’un peloton occidental qui s’élargit, tan- dis que l’Espagne plaide pour l’adhésion pleine et entière de la Palestine à l’ONU. D’autres capitales restent prudentes, à l’instar de Berlin pour qui la reconnaissance doit intervenir «à la fin du processus». Ce clivage intra-européen n’est pas nouveau. La nouveauté tient au fait que des poids lourds (Paris, Madrid, Londres, Ottawa, Canberra…) ne se contentent plus d’un soutien oratoire au «deux Etats », mais l’adossent à un acte juridique et politique. Enfin, le monde arabe et plu- sieurs autres pays voient dans cette bascule un chan- gement d’approche. Depuis des décennies, ils reprochent à l’Occident d’exiger des
Palestiniens une patience infi- nie face à des faits accomplis qui rétrécissent chaque année un peu plus la géographie et la démographie d’un futur Etat. La reconnaissance, pour eux, est donc un début de cohé- rence.
Macron, Trump et Gaza
Qu’est-ce que ça va changer ?
A New York, au sein de l’ONU, Emmanuel Macron a sorti une carte inattendue : défier Donald Trump de mettre fin à la guerre à Gaza s’il ambitionne réellement de décrocher le prix Nobel de la paix. L’image est forte. D’un côté, un président français qui vient de reconnaître un Etat pales- tinien, au prix de vives critiques israéliennes. De l’autre, un président américain qui brandit sa proximité avec Israël comme une évidence stratégique, tout en laissant planer l’idée qu’il pour- rait, lui seul, faire cesser le conflit. Macron sait qu’aucun accord durable n’est possible sans la Maison Blanche et veut démontrer que reconnaître un Etat palestinien n’est pas «récompenser» le Hamas, mais au contraire isoler dura- blement le mouvement islamiste. Trump, lui, campe sur une ligne inflexible : céder aujourd’hui serait un affront aux victimes du 7 octobre 2023. Mais Macron insiste, soulignant que la solution militaire a éliminé des dirigeants du Hamas mais n’a pas démantelé l’organisation. «Cela ne fonctionne pas», martèle-t-il, en plaidant pour un processus politique global. Trump, plus évasif, promet une issue «très rapidement», tout en rappelant ses succès autoproclamés : «sept conflits réglés». Derrière ces postures, il y a quand même une vérité : chacun a besoin de l’autre. Paris sait que sans l’appui américain, le plan franco-saoudien à deux Etats restera lettre morte. Washington, de son côté, mesure que l’inflexibilité israélienne l’isole diplomatiquement. Pendant ce temps, à Gaza, la tragédie continue, alors que le Hamas rejette les accusations améri- caines d’entrave au cessez-le-feu, renvoyant la responsabilité à Benjamin Netanyahu.
Sur le champ de bataille, cette vague de reconnaissance ne va pas empêcher ou freiner les exactions et injustices dont sont victimes les Palestiniens. Toutefois, elle modifie quelques paramètres. • Primo : la reconnaissance par des Etats majeurs conforte l’argument selon lequel la Palestine peut invoquer et user du droit international devant la Cour internationale de justice, la Cour pénale internationale ou encore l’Assemblée géné-
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