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SANTÉ

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FINANCES NEWS HEBDO LUNDI 30 SEPTEMBRE 2025

Hôpitaux publics «S’attaquer aux dysfonctionnements hospitaliers suppose une forte volonté politique et du courage»

accuse un déficit de 32.000 médecins et 65.000 infirmiers (e)s. Les principales plaintes des citoyens vis-à-vis du secteur public concernent l’absence ou l’absentéisme des méde- cins, notamment des spécia- listes. Le personnel médical et paramédical disponible dans ces structures subit une importante pression du fait de l’énorme afflux d’une population dont les effec- tifs dépassent largement les capacités humaines et maté- rielles de ces établissements de santé publique. Ce per- sonnel fait également face à l’agressivité d’une population frustrée et insatisfaite, d’où un risque accru de burn-out ou de démoralisation. À cela, s’ajoutent des délais interminables pour obtenir un rendez-vous avec un spé- cialiste hospitalier. L’accès aux équipements de dia- gnostic (radiologie, échogra- phie, scanner, IRM, etc.) est également problématique. La qualité du matériel et les insuffisances en matière de maintenance expliquent les pannes fréquentes de ces équipements techniques, ce qui allonge encore les délais. La propreté laisse souvent à désirer, malgré de coûteux contrats avec des sociétés de nettoyage. Certaines vidéos partagées sur les réseaux sociaux par des patients ou des soi- gnants montrent des mater- nités envahies par des chats. Enfin, les pénuries en équi- pements, consommables et médicaments, y compris les plus stratégiques, sont régu-

Dans un contexte de généralisation de la couverture médicale, les hôpitaux publics restent confrontés à des dysfonctionnements criants et peinent à répondre aux besoins croissants des citoyens marocains. Dans cet entretien, Abdelmajid Belaiche, expert en industrie pharmaceutique et chercheur en économie de la santé, dresse un état des lieux sans concession du système public et évoque les réformes structurelles à mener.

Propos recueillis par Ibtissam Z.

une demande en soins de plus en plus forte. Et ce, mal- gré une mobilisation significa- tive de ressources financières dans les Lois de Finances post-Covid, notamment pour la mise à niveau des infras- tructures hospitalières et la rétention des médecins fonc- tionnaires, grâce à des reva- lorisations salariales impor- tantes Les ressources humaines demeurent le défi majeur pour la mise en place de la réforme de la santé. Malheureusement, beaucoup de médecins conti- nuent de quitter le secteur public pour un secteur privé plus attractif en termes de rémunérations. Le privé offre de meilleures conditions de travail et dispose des pla- teaux techniques des plus performants. Ce qui explique

le fait que l’essentiel des pro- fessionnels de santé exerce dans le privé, de manière per- manente ou partielle, y com- pris des médecins fonction- naires. Plus préoccupant encore, chaque année, de nombreux médecins quittent le Maroc pour aller exercer à l’étranger. Résultat : une carence natio- nale en personnel médical et paramédical (médecins, infir- miers, sages-femmes, etc.). Malgré la création de nom- breuses facultés de médecine et de centres de formation pour infirmiers, notre pays a atteint à peine un ratio de 1,74 personnel de santé pour 1.000 habitants, contre un objec- tif de 2,4 pour 2025, alors que l’OMS recommande 4,45 pour assurer une couverture optimale. À ce jour, le Maroc

Finances News Hebdo: Le secteur privé prend de plus en plus de place, tandis que l’hôpital public traverse des difficultés. Pensez-vous que le sys- tème de santé public est en train de s’éloigner de sa mission de service pour tous ? Abdelmajid Belaiche : Oui, effectivement. Alors que le secteur privé connaît une expansion fulgurante et un développement aussi bien quantitatif que qualitatif, le secteur public peine à suivre

Le Ramed a constitué un apport social majeur en élargissant l’accès aux soins, mais il a généré une pression insoutenable sur les hôpitaux publics, qui n’étaient pas préparés.

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