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SANTÉ

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FINANCES NEWS HEBDO LUNDI 30 SEPTEMBRE 2025

lièrement signalées.

F. N. H. : Pour beau- coup, le Ramed a contri- bué à affaiblir le secteur public en augmentant la demande sans renforcer les moyens. Aujourd’hui, avec l’AMO Tadamon, pensez-vous que les hôpitaux publics sont mieux préparés ? A. B. : Le Ramed a constitué un apport social majeur, en élargissant l’accès aux soins pour les populations les plus démunies. Mais il a aussi généré une pression insoute- nable sur les hôpitaux publics, qui n’étaient pas préparés à absorber une telle demande. L’inclusion massive de plus de 11 millions de citoyens (chiffres de 2017) a provoqué une explosion de la demande, sans hausse proportionnelle des ressources humaines ou des équipements hospita- liers. Les structures publiques étaient déjà en nombre insuf- fisant et inégalement répar- ties sur le territoire, concen- trées principalement dans les grandes villes. Le fait que les bénéficiaires du Ramed ne puissent être pris en charge dans le secteur privé, même en cas d’urgence ou d’absence de spécialité dans le public, a aggravé la situation. Cela a réduit l’efficacité du régime. Par ailleurs, le Ramed a eu un impact négatif sur les finances des hôpitaux publics, en rai- son d’un financement insuffi- sant, mal structuré, reposant sur des sources publiques dispersées, sans mécanismes évidents de compensation. Résultat : des soins gratuits assurés à perte par les hôpi- taux. Ce manque de durabilité a motivé le basculement vers l’AMO Tadamon, gérée par la CNSS depuis 2022. F. N. H. : Les dysfonction- nements au Centre hos- pitalier régional Hassan II d’Agadir ont entraî- né des sanctions, mais aussi des annonces de réforme. Ces mesures

rage, un audit approfondi pour diagnostiquer les causes, et des solutions adaptées. Cela nécessitera aussi d’impor- tantes ressources financières et humaines. Et surtout, il faudra affronter la corruption, devenue structurelle dans le système de santé. Une véri- table pieuvre, aux tentacules multiples, touche tous les niveaux: médecins, chirur- giens, infirmiers, agents de sécurité… Certains peuvent même «trouver un lit» contre paiement. Sans généraliser ce constat, il faut reconnaître que ces pratiques sont malheureu- sement répandues et que peu de personnes y échappent. Il faudra aussi s’attaquer aux causes les plus visibles, à savoir la présence effective et l’assiduité des professionnels de santé. Cela passe par la lutte contre l’exercice illégal dans les cliniques privées par des médecins fonctionnaires, et l’évaluation des rende- ments, avec des rémunéra- tions indexées sur la perfor- mance. Concernant les équipements, la maintenance doit être assu- rée par des contrats solides, avec des délais de réparation stricts. Enfin, l’achat des médi- caments devrait être décentra- lisé au niveau de chaque hôpi- tal pour gagner en réactivité et efficacité. ◆  Le Maroc présente actuellement un déficit de 32.000 médecins et de 65.000 infirmiers (e)s pour répondre à ses besoins sanitaires.

abandonnent leurs services fréquemment, pour aller exer- cer dans les cliniques privées. Ce problème est d’ailleurs récurrent. Raisonnablement, il faut attendre les résultats des enquêtes initiées par le minis- tère de la Santé pour détermi- ner clairement les responsa- bilités. F. N. H. : Le ministère prévoit, dès septembre 2025, des commissions de terrain pour améliorer la performance des hôpi- taux. Ce dispositif peut- il transformer la qualité des soins ou risque-t-il de rester un projet de plus ? A. B. : C’est en tout cas la promesse du ministre. Mais la mise en œuvre sera longue et difficile, car elle implique de corriger des dysfonction- nements enracinés depuis plu- sieurs décennies. S’attaquer à ces problèmes demande d’abord une forte volonté politique, du cou-

vous paraissent-elles suffisantes pour res- taurer la confiance des citoyens envers les hôpi- taux publics ? A. B. : Les mesures prises par le ministre de la Santé, à la suite du drame des 6 à 8 décès de femmes venues accoucher à l’hôpital d’Agadir, sont peut- être nécessaires, mais cer- tainement pas suffisantes. Il s’agit de réactions d’urgence, destinées à éteindre un incen- die, sans résoudre les dys- fonctionnements profonds qui touchent tout le système. Les problèmes ne sont pas propres à ce CHR; ils sont sys- témiques, anciens, profonds, et multifactoriels. Certes, les responsables limogés peuvent avoir failli, mais il est aussi pos- sible qu’ils aient été démunis face au manque criant de res- sources humaines, de médica- ments et d’équipements. D’autres hôpitaux font réguliè- rement l’objet de signalements similaires, dans la presse ou sur les réseaux sociaux. Cela donne l’impression que c’est toute la chaîne de la santé publique qui est malade, et incapable de répondre à la demande en soins de la popu- lation. D’autant qu’à chaque fois on parle de médecins spécialistes non affectés dans ces structures ou d’ab- sentéisme de médecins qui

Il faudra lutter contre l’exercice illégal de la médecine dans les cliniques privées par des médecins fonctionnaires, évaluer les rendements réels de chaque professionnel de santé et prévoir une rémunération indexée sur la performance.

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