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PRÉCIS D’ÉCONOMIE COMPORTEMENTALE
1 Plutôt que d’organiser une simulation des décisions économiques, les expériences de terrain visent quant à elles à observer les décisions prises en situation réelle, en se plaçant au plus près des conditions économiques, sociales et psychologiques dans lesquelles les décisions qui sont étudiées se prennent habituellement. L’expérience est contrôlée, au sens où certains aspects de la décision sont modifiés de manière expérimentale pour en mesurer les effets sur les décisions. L’objectif de ce type d’expérience est moins d’étudier les fondements des décisions, comme c’est le cas en laboratoire, que d’évaluer la généralité des résultats expérimentaux et la robustesse
Encadré 1
Le « jeu de la fraude fiscale »
Comme toute activité illégale, la fraude fiscale est particulièrement difficile à mesurer car ceux qui la pratiquent cherchent à se dissimuler des autorités et échappent par là même à l’observa tion. Le laboratoire est donc un environnement adapté pour comprendre empiriquement les déterminants de la fraude fiscale et les outils permettant de lutter contre cette pratique. C’est à cette fin qu’a été développé le « jeu de la fraude fiscale ». Le protocole de cette expérience consiste à verser un revenu aux participants, à leur annoncer le taux de taxation qui s’applique à ce revenu, puis à leur demander quelle part de leur revenu ils souhaitent déclarer, part sur laquelle ils devront payer l’impôt annoncé. La référence à un exercice de simulation fiscale est souvent explicite, afin d’activer les déterminants du comportement spécifiques à cette décision. Dans certaines expériences, la fraude est associée à un contrôle fiscal (un « audit »), dont la probabilité et le montant de l’amende infligée sont connus d’avance. Ce protocole fournit une mesure empirique directe de la décision de fraude, qui correspond au ratio entre le revenu dont dispose un participant et le montant qu’il déclare. Il permet ainsi de relier les caractéristiques individuelles des participants à leurs décisions, mais aussi de faire varier l’environnement dans lequel les décisions sont prises. Ces variations permettent de tester différentes hypothèses sur les déterminants des comportements de fraude, et de tester l’effet de différents outils de politique fiscale. Pour mesurer les conséquences de la variation du taux de taxe, ou de la probabilité de contrôle, sur les comportements de fraude de l’ensemble des contribuables, il suffit par exemple de comparer les résultats de deux versions de l’expérience qui sont en tous points identiques à l’exception soit du taux de taxe, soit de la probabilité de contrôle. L’un des avantages des expériences en laboratoire est qu’elles peuvent facilement être répliquées dans le cadre de différents travaux de recherche afin de vérifier la robustesse des résultats et d’en évaluer la réalité dans différents types de population. Dans la mesure où le protocole utilisé est suffisamment homogène, l’ensemble d’études qui en résulte fournit un panorama empirique du problème étudié qui permet de mesurer finement l’effet sur les décisions de l’ensemble des variations de protocole mises en œuvre dans ces différentes études 1 . La Figure I.1 présente par exemple les résultats issus d’une méta-analyse mesurant l’effet sur la fraude fiscale des variations du taux d’imposition et de la probabilité de contrôle. La figure présente la variation en pourcentage de l’évasion fiscale qui a pu être observée lorsque le taux de taxe (à gauche) ou les chances d’être contrôlé (à droite) atteignent les niveaux présentés en abscisse en comparaison d’une situation de référence où le taux de taxe est inférieur à 10 % et où la probabilité de contrôle est nulle.
1 Ce type d’étude repose sur les outils statistiques de méta-analyse, qui portent sur une large collection d’études individuelles dont les résultats constituent un méta-échantillon ; voir Davis et al. (2014) pour une introduction.
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