Précis d’économie comportementale

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PRÉCIS D’ÉCONOMIE COMPORTEMENTALE

impliquant du risque par exemple, l’effet de dotation reste également particulièrement prégnant, même en présence d’une plus forte implication. 1.2.2 La grande illusion : les leurres et l’effet de menu Les effets de référence dans les comportements ne se limitent pas à l’effet de dotation et peuvent être particulièrement importants lorsque de nombreuses propositions sont faites et qu’une seule doit être sélectionnée. Cette configuration de choix se produit notamment lorsqu’un menu d’op- tions est proposé 11 . Un exemple typique est l’ effet dit de leurre (ou effet de dominance asymé- trique) qui montre qu’il est possible d’augmenter l’achat d’un bien (la cible) en introduisant un leurre permettant de le valoriser, au détriment de son ou de ses compétiteurs. À titre d’exemple, considérons le cas d’un individu qui souhaite acheter une bouteille de vin 12 . Supposons que des vins de qualités variables soient disponibles à des prix différents : un vin de qualité moyenne est proposé à 20 euros et un vin de bonne qualité à 30 euros. Supposons au départ que le choix se fait uniquement entre le vin moyen et le bon vin, et que le consommateur préfère le vin moyen car son rapport qualité/prix est supérieur à celui du bon vin. Si l’indice de qualité du bon vin est égal à 30 et si l’indice de qualité du vin moyen est égal à 20, le choix du consommateur révèle qu’il préfère une baisse de 10 points de l’indice de qualité plutôt que de payer 10 euros : dans l’arbitrage, le bon vin est désavantagé par son prix. Supposons que le vendeur souhaite attirer le consommateur vers le bon vin, qui constitue sa cible, et utilise à cette fin des « leurres ». Une première solution consiste à placer un leurre encore moins désirable que la cible dans la dimension où elle est la plus désavantagée, qui est ici le prix. Ce leurre « bas » est présenté dans le Tableau 1.1. Lorsque ce leurre bas est introduit, la qualité du bon vin devient plus saillante et le rapport qualité-prix du bon vin plus attractif, puisqu’il est alors pos- sible d’avoir un vin de même qualité que le leurre mais pour 10 euros de moins. Par l’introduction d’un leurre équivalent en qualité, mais dominé, l’effet de menu ainsi créé gomme les différences de prix et met l’accent sur la qualité. Une deuxième solution consiste à placer un leurre « haut » dans la dimension où la cible est la plus intéressante. Dans notre exemple, le leurre haut offre la même qualité que le vin moyen mais au prix du bon vin. Ce dernier, qui constitue la cible, offre alors une qualité bien supérieure (10 points de plus) pour le même prix que le leurre. La troisième solution, plus subtile, consiste à jouer dans ces deux dimensions, en proposant un leurre qui est dominé en prix comme en qualité. C’est l’exemple typique des contenants de soda dans les chaînes de fast-food : en proposant une taille médiane de gobelet à un prix proche de la grande taille, le leurre pousse à choisir la grande taille (la cible) plutôt que la petite taille (le compétiteur), qui serait pourtant certainement préférée si le choix se faisait uniquement entre grande et petite taille. L’effet de leurre est présenté dans la Figure 1.2 en termes de courbes d’indifférence 13 . Dans la Figure 1.2(a) se trouve une alternative entre deux options que le consommateur peut s’offrir (elles se trouvent sur la contrainte budgétaire) et le consommateur préfère alors le compétiteur, qui est le plus en phase avec ses préférences. Les leurres peuvent être placés dans la zone des leurres où se trouvent les options dominées par la cible, soit dans la dimension 1, soit dans la dimension 2. La 11 Le mode de présentation des menus est en lui-même susceptible d’impacter les choix. Dans le domaine alimentaire, les plats situés au début ou à la fin d’un menu ont en général plus de chances d’être sélectionnés. Cependant, parfois, ce sont les items placés au milieu d’un menu qui recevront le plus d’attention, de sorte qu’il est difficile de tirer de ce genre de résultats des conclusions sur la pertinence de la théorie du choix rationnel. Les choix effectués dans des menus révèlent cependant des informations intéressantes sur l’attention qui est portée aux différentes propositions. 12 Cet exemple est celui présenté par Bordalo et al. (2013) pour illustrer la manière dont la salience d’un attribut peut générer des effets de leurre. 13 La représentation du choix à l’aide de courbes d’indifférence est présentée dans le Chapitre 9, Section 9.2.

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