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CHAPITRE 1 • Des choix sous influence ?
livres). Dans ce type d’expérience 14 , ces biens qui ont pratiquement le même prix de détail (envi- ron 70 dollars) sont présentés à des participants à qui il est demandé s’ils achèteraient chaque bien pour un prix égal aux deux derniers chiffres de leur numéro de sécurité sociale. Après cette tâche d’ancrage, les participants sont invités à indiquer leur disposition à payer pour chaque bien. Les résultats montrent que pour tous les biens proposés, la disposition à payer est significativement corrélée avec le numéro de sécurité sociale utilisé comme point d’ancrage. Les participants dont les derniers chiffres de sécurité sociale étaient compris entre 80 et 99 présentaient ainsi des dis- positions à payer trois fois plus importantes que ceux dont les derniers chiffres de sécurité sociale étaient compris entre 00 et 19. Ces résultats suggèrent que les évaluations absolues des biens par les dispositions à payer semblent dans une large mesure arbitraires. Cependant, les résultats de cette expérience montrent également que les individus ne se comportent pas pour autant au hasard et que pour bon nombre de participants la valeur d’un clavier sans fil est deux fois plus élevée que celle d’une souris sans fil, et le vin millésimé présente une valeur bien supérieure à celle du vin moyen. Les évaluations relatives sont donc cohérentes avec les courbes de demande dérivées de préférences rationnelles. Ces résultats suggèrent ainsi que les évaluations économiques combinent à la fois une part d’arbitraire (dans les dispositions à payer susceptibles d’être influencées par des « ancres ») et une part de cohérence (dans les valeurs relatives qui restent stables). La Figure 1.3(a) illustre ce phénomène à l’aide de courbes d’indifférence 15 . L’option A est choisie lorsqu’une ancre « haute » est utilisée, tandis que l’option B est choisie lorsqu’une ancre « basse » est utilisée. Si l’influence de l’environnement se situe entre ces deux ancres, alors toutes les options comprises entre A et B peuvent être choisies et la sélection se fera suivant l’influence, aléatoire dans l’expérience présentée ci-dessus, de l’ancre en vigueur au moment du choix. Cette indétermination implique que les options existantes entre A et B ne sont pas informatives pour révéler les préfé- rences. Par ailleurs, les dispositions à payer et à recevoir et les mesures de bien-être associées, tout comme les variations équivalentes ou compensatrices, diffèrent en conséquence suivant l’ancre utilisée 16 . La Figure 1.3(b) présente l’impact sur le bien-être d’une hausse de prix lorsque l’ancre haute est utilisée, tandis que la Figure 1.3(c) présente l’impact lorsque l’ancre basse est utilisée. La comparaison des parties b et c de la Figure 1.3 montre que la présence d’une ancre génère une large ambiguïté sur la vraie valeur de la variation compensatrice. Suivant l’ancre utilisée, l’impact sur le bien-être peut être, prétendument, révélé faible (ancre A ) ou important (ancre B ). Cette ambiguïté remet en cause la pertinence des mesures de bien-être lorsque les choix sont sous influence. 1.3 Un éléphant dans la pièce : la dépendance au point de référence 1.3.1 Coûts-bénéfices ou gains et pertes ? La théorie de la dépendance au point de référence repose sur l’hypothèse selon laquelle les préfé- rences, loin d’être indépendantes du contexte, sont fortement dépendentes du point de référence utilisé pour prendre une décision. Plutôt qu’une relation de préférence unique, cette hypothèse im- plique qu’il existe une relation de préférence différente pour chaque point de référence et ainsi une fonction d’utilité spécifique à ce point de référence. Ce modèle, proposé par Tversky & Kahneman (1991), occupe une place centrale en économie comportementale : les termes de l’échange sont
14 L’expérience présentée ici a été proposée par Ariely et al. (2003). 15 La Figure 1.3 se fonde sur les préférences quasi linéaires proposées par Bernheim & Rangel (2007) afin de repré- senter les résultats d’Ariely et al. (2003), à savoir U x x d u x x , 1 2 1 2 ( ) ( ) = × + , où le paramètre d représente l’influence d’une ancre, par exemple le numéro de sécurité sociale. 16 Les mesures de bien-être classiques en économie sont présentées dans le Chapitre 9, Section 9.3.
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