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MODE DURABLE
Définie comme passagère, la mode est à ce titre souvent réinterrogée. Elle est passée d’étoffes qui, au XIX e siècle, époque de la confection des vêtements à la main et en petite quantité, « devaient faire mal aux yeux des femmes 5 », sous-entendu leur faire envie, au prêt-à-porter, autrement dit à des modèles de production et de consommation intensifiés. La mode est, depuis les années 2000, tiraillée entre : ● Une mode vestimentaire dite de luxe , qui convoque des savoir-faire ancestraux, des gestes soignés, des matières nobles, mais pas toujours (par exemple, partici- pation à la disparition des espèces), une production pas souvent locale et donc polluante et génératrice d’envie, de mépris et de distinction sociale 6 . ● Une mode conventionnelle proposant des produits premium ou milieu de gamme. Cette mode est la plupart du temps, pour des raisons économiques et de concur- rence, produite « en masse » dans les pays asiatiques, là où les salaires sont bas, à partir de matières dérivées du pétrole ou incluant des produits chimiques (par exemple, pesticides, insecticides, etc.). ● Une mode pas chère , la fast et aujourd’hui l’ ultra fast fashion , avec la domina- tion d’acteurs comme Shein et la prépondérance du phénomène d’influence sur les réseaux sociaux. Il s’agit d’une mode produite dans les mêmes conditions que la mode conventionnelle, à ceci près qu’elle est bien plus rapide, à renouvellement quasi hebdomadaire (jusqu’à une cinquantaine de collections par an). ● Une mode durable , qui s’inscrit en faux par rapport aux autres modes, en prenant en compte les enjeux économiques, environnementaux et sociaux auxquels le sec- teur doit faire face. La mode durable est un modèle naissant en pleine structuration, en témoigne l’ins- tabilité des termes utilisés par les praticiens et les académiques. En France, si la « mode éthique » a pendant longtemps fait foi, une évolution vers la « mode durable » semble se dessiner, en vue notamment d’un alignement avec la terminologie anglo-saxonne « sustainable fashion ». Elle est encore très marginale, puisqu’en 2023, 58 % des Français n’achètent jamais de produits de la mode durable et seulement 4 % le font systématique- ment 7 . Entre ces deux extrêmes, la mode conventionnelle et surtout l’ ultra fast fashion continuent à dominer le marché. Et pourtant, la mode durable apporte des réponses, voire produit des savoir-faire pour répondre aux enjeux du secteur. La mode durable répond à des enjeux économiques . L’ ultra fast fashion menace, voire conduit à la fermeture des entreprises qui n’en relèvent pas. Ainsi, en 2023, l’actualité économique en France a été marquée par la multiplication des liquidations judiciaires : Camaïeu, Gap, Jennyfer, Kookaï, Pimkie, San Marina, etc. Des collectifs se forment alors pour contester l’invasion de cette mode rapide (par exemple, le collectif En Mode Climat). La mode durable offre à l’inverse la possibilité de créer des emplois locaux en France et en Europe, et donc de relancer une dynamique d’industrialisation et de relocalisation. La mode durable répond aux enjeux environnementaux . Parce que produites dans des pays moins investis dans la protection du vivant que l’Occident, et loin des lieux de consommation, la mode conventionnelle et la fast fashion polluent, détruisent les éco- systèmes. Les matières premières épuisent les sols (par exemple, la culture intensive du coton) et exigent des ressources importantes en eau (par exemple, la production d’un jean
5 Zola E. (1883). 6 Dion D. et Borraz S. (2017). 7 Guinebault M. (2021), « Mode durable : 51 % des Français ne font pas confiance aux marques », fr.fashionnetwork. com.
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