Mode durable

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PARTIE I • CARACTÉRISER LA MODE ET SES ENJEUX

Figure 1.2 Jaquette de la revue Galerie des modes et costumes français 6

Du côté de la haute couture, Charles Frederick Worth, jeune couturier d’origine anglaise, crée le principe de « maison de couture », en ouvrant d’ailleurs la sienne à Paris 7 . Avant lui, le couturier est une personne qui répond aux commandes de la clien- tèle : c’est un artisan, il exécute. Worth crée au contraire des modèles, il impose son style et sa vision de la mode, c’est un artiste. Ce n’est donc plus la clientèle qui décide ce qu’elle veut porter (excepté les couleurs ou encore le type de tissu) ; c’est le couturier qui va imposer la tendance. Worth aurait en outre le premier eu l’idée, vers 1858, de faire défiler ses modèles sur de vraies femmes dans des salons où les clientes venaient choisir (voir figure 1.3). C’est la naissance des collections . Worth est également à l’origine de la création, en 1868, de la première Chambre syndi- cale de la confection et de la couture pour défendre la grande couture française. Cette ins- titution permet aux couturiers de déposer leurs modèles et de bénéficier d’avocats en cas de procès. Elle permet aussi de protéger les salariés (régulation des salaires, notamment) et apporte un soutien commercial pour s’organiser et lutter contre la contrefaçon étrangère. Le XX e siècle caractérise notamment la volonté de l’industrie de la mode de se pro- téger contre la concurrence étrangère. Durant et après la Première Guerre mondiale , l’industrie de la mode se mobilise pour sauver la réputation de la mode parisienne : les ouvrières acceptent une réduction de leur salaire. Le maintien de la mode est vital d’un point de vue économique et surtout politique. Les acteurs de la mode s’unissent dans un

élan patriotique et se montrent sur la scène internationale. Ils parti- cipent alors aux différentes expositions universelles à travers le monde pour montrer que Paris est et reste la « capitale de la mode ». Pendant la Seconde Guerre mondiale , la place de Paris comme capitale de la mode est fragilisée. Les textiles sont rationnés, destinés prioritairement à l’industrie de l’armement, les ateliers sont perqui- sitionnés, la main-d’œuvre manque, le commerce avec le monde est interdit en 1940. Malgré ces difficultés, les femmes rivalisent d’ingénio- sité pour rester élégantes : par exemple, elles transforment des rideaux en robe, se teignent les jambes au thé pour imiter les bas en soie. 8

En 1920, la mode est au deu- xième rang des industries exportatrices françaises. « Hitler veut faire de Berlin la capitale de la mode, c’est dire combien la mode se trouve au cœur même de la géo- politique du Führer et est perçue comme un élément essentiel de son rayonnement 8 . »

6 « La Galerie des modes et costumes français », gallica.bnf.fr. 7 En 1900, Paris compte à peine une vingtaine de maisons de haute couture. Il y en aura une centaine en 1946, et à peine 15 au tournant du XXI e siècle. 8 Kurkdjian S. (2021).

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