14
PARTIE I • CARACTÉRISER LA MODE ET SES ENJEUX
des vêtements plus simples et pratiques, portés par des femmes plus dynamiques et actives dans l’espace public. Après la Seconde Guerre mondiale, alors que la haute couture est encore toute puissante et que le prêt-à-porter peine à prendre son envol en France, le couturier Christian Dior remet au goût du jour la femme-fleur corsetée et portant une jupe ample autour d’une taille de guêpe. Ce corps contraint, rappel des années d’avant-guerre, est habillé par le tailleur Bar créé en 1947. En réaction, la mode des années 1960 valorise un corps « différent », qui bouge, danse et fait du sport. La mode, dynamisée par le développement du prêt-à-porter aux formes et aux couleurs plus variées, devient une seconde peau valorisant le corps qui se révèle sous un nouveau jour 20 . La minijupe, le pantalon et les collants, notamment, habillent et dessinent le corps. Ils ne le cachent pas, mais au contraire le mettent en valeur, traduisant la révolution stylistique, sociétale et politique alors en cours. La mode du prêt-à-porter est plus largement une mode-mode de vie, qui se veut à l’unisson des nouvelles activités professionnelles des femmes (qui ont obtenu le droit de vote en 1944), des nouvelles revendications sociales et manières de vivre exprimées par les baby- boomers qui rejettent le carcan de la haute couture. Les années 1980, marquées par le mythe de la superwoman et du power dressing 21 , célèbrent les corps sportifs, minces et musclés. Les collants, leggings, ainsi que les guêtres de danseuses allongent ce corps « idéal », tandis que Thierry Mugler, pour ne citer que lui, sculpte le corps féminin en exagérant les formes, célébrant une hyperféminité sans complexe. Le corps est le support de tenues ostentatoires et déstructurées, reflet d’une époque excentrique et insouciante. Du côté des hommes, la mode est également à l’opulence, marquée par une créativité renouvelée passant par des couleurs vives et des motifs variés, et caractérisée notamment par des costumes aux épaules surdimensionnées. Aujourd’hui, le nouveau regard que l’on pose sur la diversité des corps ainsi que l’essor de nombreuses nouvelles marques de mode, dont l’offre de vêtements est plus variée (lignes « petite taille », « grande taille »), expliquent qu’il n’y a plus un seul modèle de beauté, mais plusieurs. Dans une époque marquée par les mouvements en faveur de l’acceptation et l’appréciation de tous les types de corps humains, peut-on imaginer que la mode permettra à un plus grand nombre de s’habiller ? Sophie Kurkdjian, professeure en histoire, American University of Paris
<!\BX1!>
2. Évolution de la mode vers la fast fashion : définition et facteurs explicatifs 2.1. Définition de la fast fashion Du côté des marchés, la mode est « hiérarchique » selon la qualité et les prix proposés. À la base de la hiérarchie, on trouve la consommation de masse , dont la fast fashion et au sommet, les marques de luxe (voir figure 1.4). 20 Ruffat M. et Veillon D. (2007). 21 Expression popularisée dans les années 1980 pour désigner comment les femmes, majoritairement, adoptèrent des vêtements (tailleur pantalon, épaulettes, cravate, larges cols, etc.), accessoires (foulards, broches, ceintures...) et coupes de cheveux imposantes afin d’asseoir leur autorité et leur pouvoir dans les milieux des affaires, alors largement dominés par la gent masculine.
Copyright Pearson France 2024 - Tous droits réservés
Made with FlippingBook - professional solution for displaying marketing and sales documents online