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CHAPITRE 1 • Histoire et évolution de la mode
La fragmentation de la chaîne de valeur , caractéristique des pays asiatiques, notamment de la Chine, n’entre pas dans le modèle économique des grands groupes français peu flexibles. Certains groupes, comme Léon Cligman, se sont toutefois adaptés à la concurrence asiatique. Ils ont délocalisé leur production en Chine afin de pouvoir réduire les coûts, être compéti- tifs quand d’autres, par exemple l’empire vosgien Boussac 30 , n’ont pas su ou pu s’adapter ou le faire « à temps ». La classe de l’« aisance modeste » porte les idéaux de tempérance et de frugalité du juste milieu, vertus qui res- semblent à une nouvelle élite « dépouillée des oripeaux de l’ancienne aristocratie. En réalité, cette classe moyenne qui combine une puissante éthique du travail et une formidable assiduité à l’épargne, et qui nourrit les ambitions les plus hautes, est en train de devenir... la classe supérieure 31 ! » Le poste « vêtements » , qui représentait dans les années 1980 30 % du budget des ménages, est aujourd’hui de 5 % pour les cadres comme pour les ouvriers 32 .
Les grands groupes étaient également peu flexibles : les styles étaient standardisés et ne changeaient pas fréquemment, en raison des lignes de production difficiles et coûteuses à faire évoluer 29 . À l’inverse, en Chine, l’industrie est fragmentée avec une multi- tude de petits ateliers qui travaillent pour d’autres sous-traitants, qui eux-mêmes travaillent pour d’autres sous-traitants, etc. Les entreprises chinoises de textile, autrement dit les donneurs d’ordres , mettent une pression forte sur les fabricants chinois pour servir au plus vite le marché. La fragmentation de la production est telle qu’un vêtement peut être pensé dans un pays, fabriqué dans de multiples ateliers dans d’autres pays, avant d’être finalisé dans un autre encore. 30 Au fond, à partir de la fin de l’AMF en 2005, trois voies se sont déga- gées pour les entreprises du textile en France (et plus largement en Europe) : ● se spécialiser dans le luxe (se développe alors LVMH grâce à la compétitivité hors prix, voir chapitre 7) ; ● se désengager du textile-habillement et se spécialiser dans le textile technique , destiné à l’industrie (hôpitaux, bâtiments et travaux publics, métiers de la sécurité, etc.) ; ● vendre de la fast fashion . On assiste ainsi à un démantèlement de la filière textile en France. Du côté des consommateurs, ces textiles font toutefois le « bonheur » des classes moyennes, qui accèdent à une mode jolie et pas chère. 2.2.2. Des raisons sociologiques : montée de la classe moyenne C’est dans la seconde moitié du XVIII e siècle que s’impose l’idée de catégories intermédiaires. Ces classes étaient composées pour l’essen- tiel d’indépendants et de petits et moyens entrepreneurs du commerce, de l’artisanat et des professions libérales, ainsi que de gros paysans propriétaires. 3132 L’explosion de la classe moyenne n’est bien entendu pas qu’un phé- nomène français ou européen. Dans les pays dont l’économie est en voie de développement, comme le Brésil, la Russie, l’Inde et la Chine (BRIC), la demande globale en habillement ne fait qu’augmenter 33 . L’Inde est le pays qui prospère le plus rapidement avec une croissance du PIB de 8 % par an entre 2018 et 2022, suivi par la Chine avec une
29 Brooks C. (1979). 30 Tluczykont K. (2018), « Richesse et déclin de l’empire textile Boussac », www.vosgesmatin.fr. 31 Pech T. (2011), p. 36. 32 Centre d’observation de la société (2022), « Entre les cadres et les ouvriers, la consommation classe énormément », www.observationsociete.fr. 33 Coface France (2022) ; www.coface.fr/actualites-economie-conseils/tableau-de-bord-des-risques-economiques/ fiches-risques-secteurs/textile-habillement.
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