LIVRE BLANC

L’Autre Cercle

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www.autrecercle.org ISSN : en cours

© Le Livre Blanc 2003

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Sommaire

1 Préambule . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11

2 L’Autre Cercle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12

3PourquoiunLivreBlanc? .......................15 Notre démarche . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15

4 La lutte contre les discriminations : un impératif démocratique 16

A.Clarifierlesdéfinitions ............................ 16 Homophobie, lesbophobie, transphobie, discriminations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16

B . Une lutte démocratique contre toutes les discriminations. . . . . . . . . . 18

5 Pour une dynamique nouvelle dans le monde du travail . . . . . 21

A . La réalité du monde du travail, préjugés et discriminations . . . . . . . . . 21 La liberté de s’exprimer . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23 B . Vie sociale et vie professionnelle : Comment les concilier ? . . . . . . . . . . 24 L’intime en opposition avec les exigences administratives . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25 Quelques situations professionnelles particulières . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26

C . Choisir la visibilité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 27

D . L’ouverture à la diversité, un avantage pour les organisations . . . . . . . . 28 L’épanouissement des individus dans leur cadre professionnel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 28

6 La solidarité face aux discriminations . . . . . . . . . . . . . . . . 30

A . Homophobie et harcèlement moral . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30 Le mécanisme du harcèlement moral . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30 Organisation du travail et harcèlement moral . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 31 Le harcèlement moral et l’homophobie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 31 Comment sanctionner le harcèlement homophobe? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 32 Vivre son homosexualité au quotidien . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 33

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LE LIVRE BLANC de l’ Autre Cercle

B . Quelle place pour le médecin du travail . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 33 L’écoute . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 34 La nomination et le témoignage . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 34 Le conseil . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 34 Un rôle préventif . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 35 C . Quel rôle pour le médecin traitant et le psychiatre . . . . . . . . . . . . . 36 Un diagnostic est-il possible . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 36 Que peut proposer le psychiatre en cas de harcèlement professionnel . . . . . . . . . . . . . 36 Leslimitesducertificatmédical ............................................. 36 D . Le rôle des syndicats et des représentants des salariés . . . . . . . . . . . 37 Une prise en compte récente . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37 L’égalité au travail . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37 Enattendantuneréelleefficacité ............................................ 38 Les objectifs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 38

7 Le droit garant des libertés et protecteur des individus . . . . 40

A . Philosophie de la loi relative à la lutte contre le harcèlement moral . . . . 40 Insuffisancedudroitapplicable .............................................. 40 Prise en compte par la jurisprudence . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 41 Instauration d’une législation spécifique au harcèlement moral . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 41 Etlajurisprudencerécentedanstoutcela?.................................... 43 Réflexionspourlelégislateur ............................................... 43

B.Spécificitésdelafonctionpublique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 44

C . Le parcours du combattant de la victime d’actes de harcèlement moral. . . 45 Les manifestations concrètes du harcèlement, sous toutes ses formes . . . . . . . . . . . . . 46 La difficile verbalisation des agissements récriminés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 47 Les étapes précontentieuses . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 48 La victime face à la constitution d’un dossier probatoire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 49 La trop grande impartialité de la Médecine du travail.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 50 L’intervention de la représentation du personnel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 51 Le rôle psychologique de l’avocat et du délégué syndical . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 52 La phase de jugement proprement dite. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 52 La défense de l’employeur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 53 Quelques pistes pour l’avenir . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 53

D . Le principe de non-discrimination au niveau Européen . . . . . . . . . . . 54

8 LES RECOMMANDATIONS DE L’AUTRE CERCLE . . . . . . . . . 59

9 REMERCIEMENTS . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 62

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L’homophobie au travail : ça existe encore ?

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LE LIVRE BLANC de l’ Autre Cercle

1 Préambule

A près des mois de travail collectif, voici le premier Livre Blanc de l’Autre Cercle. Si nous devions trouver un mot pour qualifier cette présente édition, ce serait ouverture. Ouverture , car si nous avons fait le choix de mettre en évidence les dysfonctionnements de notre société, les bonnes pratiques déjà en vigueur dans tous les univers professionnels et les témoignages positifs recueillis au sein de notre association nous confortent dans l’idée qu’il est possible de créer les conditions favorables à la reconnaissance pleine et entière de toutes et de tous. Ouverture car cet ouvrage est le résultat de la mobilisation d’un grand nombre de personnes et d’asso- ciations impliquées dans la lutte contre les discriminations en général, et l’homophobie, la lesbophobie et la transphobie en particulier. Il se veut avant tout le support de ceux et de celles qui souhaitent faire évoluer les comportements dans l’univers professionnel. Ouverture aussi car ce Livre Blanc est le point de départ d’une démarche. Il nous faut le faire vivre et l’utiliser pour ce qu’il est : un outil pour aider à lutter contre les discriminations fondées sur l’orienta- tion ou l’identité sexuelle. C’est seulement ainsi que cet ouvrage prendra son épaisseur, en s’inscrivant pleinement dans les débats et dans les combats qui s’y déroulent. Ouverture enfin car ce Livre Blanc 2003 ouvre la porte à d’autres éditions. Nous savons que nous n’avons pu traiter tous les aspects des discriminations pour orientation ou identité sexuelle, comme nous savons que nous n’avons pas pu aborder toutes les facettes du monde du travail, riche de diversités. Ce Livre Blanc a les défauts de son jeune âge et son inachèvement d’aujourd’hui est l’appel à une plus grande exhaustivité demain. L a lutte contre les pratiques discriminatoires ne peut se résumer à une seule et unique action, mais doit opposer durablement à la haine et au mépris, le droit au respect, à l’égalité et la reconnaissance de la richesse des différences.

Catherine Tripon

Coordinatrice de la commission Livre Blanc de l’Autre Cercle

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L’homophobie au travail : ça existe encore ?

2 L’Autre Cercle

C onstitué en fédération selon la loi de 1901, forte de plus de 550 adhérents, l’Autre Cercle est une expérience innovante d’action citoyenne. C’est un véritable laboratoire d’idées, œuvrant pour la bonne intégration des homosexuels hommes et femmes dans leur environnement professionnel. C’est aussi un réseau d’entraide, de convivialité, de solidarité, riche de ses diversités. Diversité géographique : Créée en 1998 comme une simple association parisienne, l’Autre Cercle a rapidement essaimé sur tout le territoire. Si bien que la Fédération Nationale de l’Autre Cercle a vu le jour le 12 octobre 2002 à Dijon. Avec ses adhérents répartis en 10 Régions sur tout le territoire national, la Fédération Nationale de l’Autre Cercle compte parmi les plus grandes, si ce n’est la plus grande association gay de France. La diversité des sexes des opinions et des croyances : un des moteurs du dynamisme de l’Autre Cercle , est sa totale mixité avec une forte implication des femmes à certains postes clés (Une Secrétaire Générale Nationale, la Présidente de la Région IDF, ainsi que de nombreuses responsables dans les Régions.) Les autres atouts de l’Autre Cercle sont un total détachement en ce qui concerne les tendances politiques, l’appartenance ethnique et les convictions religieuses de ses membres. Diversité sociale : la qualité des adhérents de l’Autre Cercle et la richesse de l’éventail socioprofessionnel qu’ils représentent, lui confèrent une ouverture de dialogue encore rarement trouvée dans une association. Au-delà de l’échelle des âges, pratiquement toutes les branches professionnelles sont représentées, ce qui lui assure une formidable capacité de dialogue face à tous types d’interlocuteurs. Ces diversités, l’Autre Cercle les fédère par un projet politique : voir disparaître l’homophobie dans la vie professionnelle. L orsqu’à cet énoncé, on nous répond “mais pourquoi vous limiter à la vie professionnelle ”, notre réponse est simple, invariable : pour tous ceux de nos concitoyens qui ont la chance d’avoir un emploi, la vie au travail représente plus de 50 % du temps. Pour certains, ce temps est stimulant, enrichissant, épanouissant. Pour d’autres, il s’agit d’un temps “ hors de soi ”, où leur identité est masquée, voire niée, par honte et par peur. Cette honte, cette peur, n’ont aucune raison d’être et cela, l’Autre Cercle s’est donné pour tâche de le faire comprendre aussi bien aux homosexuels(les) qu’à l’ensemble de la société. N ous, adhérents de l’Autre Cercle , partageons la conviction que pour arriver à changer des attitudes et des comportements, édicter ou faire appliquer des lois est indispensable. Mais il faut avant tout modifier les états d’esprit, agir sur les croyances et les valeurs, ne pas s’arrêter aux apparences. Certes des lois viennent maintenant réprimer les propos et insultes homophobes mais par delà les mots, il y a les actes et parfois le silence. Une discrimination latente et sournoise est toujours de mise dans certaines professions ou dans certaines entreprises - dont certaines sont respectables et respectées- et c’est le rôle d’associations comme la nôtre que de contribuer à faire disparaître cette discrimination.

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LE LIVRE BLANC de l’ Autre Cercle

L oin de nous l’idée de victimiser les homosexuels(les). Notre ambition réside beaucoup plus dans le fait d’être respectés pour ce que nous sommes. Les luttes des femmes pour l’égalité de leurs droits face à ceux des hommes ont été longues et difficiles et ne sont certainement pas terminées, en particulier dans le monde professionnel. Comme celui des femmes, le combat des homosexuels(les) pour une réelle intégration dans la société est ancien, les progrès sont terriblement lents, et les retours en arrière toujours à craindre. Pour participer, aux côtés des autres associations, à cette lutte pour le droit à l’existence, à l’indifférence , la Fédération Nationale de l’Autre Cercle a voulu tout d’abord utiliser ses atouts et ses savoir-faire. Implantée sur tout le territoire, forte de la diversité de ses adhérents et de leur implication dans le monde professionnel, l’Autre Cercle a pu se doter d’outils, en créant et en animant des commissions et des groupes de travail. A vant de faire des propositions, notre première tache était évidente : réaliser un “ état des lieux ” des pratiques, en recherchant la matière à exposer dans le Livre Blanc de l’Autre Cercle, contri- bution à la lutte contre les discriminations fondées sur l’orientation et l’identité sexuelle dans l’univers professionnel. L’équipe, qui a travaillé sur le sujet et qui signe aujourd’hui cette première édition, a fourni un effort considérable. Obtenir des témoignages sur un sujet encore tabou, le plus souvent minoré par les acteurs, faire s’exprimer les décideurs et les partenaires sociaux, finaliser en moins d’un an cet ouvrage, ex-nihilo, a été un défi relevé avec beaucoup de courage. P arallèlement à l’état des lieux, une autre tâche que s’est assignée la toute jeune Fédération Nationale de l’Autre Cercle au lendemain de sa création a été l’organisation d’un colloque sur le thème “ Le Monde du Travail et les homosexuels(les). ” Labeur tout aussi ardu et ingrat mais qui, à la veille de son aboutissement, prouve les qualités professionnelles et l’énergie des adhérents de l’Autre Cercle . À eux deux, ces événements démontrent que les homosexuels(les) ne se résument pas à des joyeux fêtards qui défilent ou s’amusent sous des bannières multicolores. Ils appartiennent à la vie de tous les jours. Au-delà du pays et de ses institutions, ils constituent les forces vives du monde professionnel. Vous avez entre les mains le premier Livre Blanc de l’Autre Cercle. Nous espérons que sa lecture vous intéressera et sera pour vous le point de départ d’actions et d’initiatives. Pour nous, la publication de ce Livre Blanc, puis des actes du Colloque de septembre 2003 seront le signe d’une nouvelle étape dans la vie de l’Autre Cercle . Désormais, l’Autre Cercle sera encore plus présent dans le monde professionnel, comme partenaire actif, pour sensibiliser tous les acteurs de la société et rendre illégales l’homophobie et toutes ses composantes.

La Fédération nationale de l’Autre Cercle

Claude Roulet

Frédérique Anne

Président

Secrétaire générale

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L’homophobie au travail : ça existe encore ?

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Avertissement : Pour des facilités de lecture, nous n’utilisons pas systématiquement le vocable “ homophobie, lesbophobie et transphobie.” Le fait d’employer le terme générique d’homophobie, ne veut pas dire que nous oublions la lesbophobie et la transphobie, bien au contraire. Nous parlons spécifi- quement de lesbophobie, transphobie, lesbienne et transgenre lorsqu’il nous semble important de souligner des points particuliers de discrimination à leur encontre.

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LE LIVRE BLANC de l’ Autre Cercle

3 Pourquoi un Livre Blanc?

Notre démarche A yant pour objectif de combattre l’homophobie dans le monde du travail, ainsi que les pratiques discriminatoires qui parfois en découlent, il nous fallait trouver un outil adéquat. Cet outil devait pouvoir sensibiliser les professionnels sur ce thème peu abordé et leur donner des pistes pour les ac- compagner dans la lutte contre les discriminations fondées sur l’orientation ou l’identité sexuelle. C’est dans cette optique que nous avons opté pour l’élaboration d’un Livre Blanc. La rédaction d’un tel document, facilement diffusable, nous permet en effet de traiter sur un même support plusieurs problématiques liées à l’homophobie. De plus, nous pouvions compter sur l’expérience de gays, lesbiennes et sur l’éclairage de chercheurs pleinement impliqués dans le traitement de ces sujets, pour esquisser un panorama non réducteur de l’homophobie dans le monde du travail, sans oublier les discriminations à l’encontre des transgenres. Enfin, en plus de nous offrir l’opportunité d’éclaircir des mécanismes générant des pratiques discrimina- toires fondées sur l’orientation et l’identité sexuelle, le Livre Blanc est pour nous l’occasion de proposer nos recommandations concrètes dans plusieurs domaines (managérial, social, politique et juridique). L ’homophobie ne se laisse pas cerner facilement. C’est une notion difficile à identifier et à isoler. C’est ce que nous précisons dans le chapitre 4. Pour cela, nous avons travaillé avec SOS homophobie , qui nous a permis l’accès à un certain nombre de témoignages de personnes victimes de pratiques discriminatoires fondées sur leur orientation ou leur identité sexuelle. Ces témoignages, ainsi que ceux recueillis au sein de L’Autre Cercle par son réseau national, sont autant d’illustrations de ce qu’est l’homophobie, avec son corollaire de difficultés, de hontes et de colères. Ils se retrouvent dans le Livre Blanc, comme autant de rappels à l’évidence de la nécessité d’agir. Devant la complexité de l’homophobie et dans notre souci d’apporter un certain nombre de recom- mandations facilement opérationnelles pour lutter contre cette forme de discrimination, nous avons choisi de nous concentrer sur les aspects qu’elle peut revêtir. Ceux-ci concernent les pratiques en entreprises et l’aspect juridique que nous avons développé dans les chapitres 5 et 7 avec un volet important sur le harcèlement moral, comportement aujourd’hui le plus fréquent pour exprimer son homophobie et le plus difficile à cerner et à combattre. Enfin, il nous a semblé pertinent d’élargir notre propos au travers des pratiques solidaires. Car face à l’homophobie et les discriminations qui en résultent, il y a la solidarité des uns avec les autres, mais aussi des syndicats et des institutions sociales, qui sont autant d’éléments au travers desquels l’égalité des homosexuels, des lesbiennes et des transgenres peut se construire. C’est l’objet du chapitre 6. Enfin, pour donner à notre propos de plus amples perspectives, nous avons demandé à un certain nombre de personnalités (chefs d’entreprise, juristes, universitaires, chercheurs, responsables associatifs…) d’apporter leurs éclairages. Ces interviews se retrouvent dans le Livre Blanc et permettent à chacun d’entre nous de mieux comprendre les phénomènes contre lesquels nous luttons.

Nous tenons à préciser que le fait d’avoir participé à l’élaboration de ce Livre Blanc n’implique pas que ces contributeurs soient nécessairement homosexuels, lesbiennes ou transgenres.

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L’homophobie au travail : ça existe encore ?

4 La lutte contre les discriminations : un impératif démocratique

A . Clarifier les définitions

Homophobie, lesbophobie, transphobie, discriminations C es termes désignent toute manifestation, avouée ou non, de discrimination, d’exclusion ou de violence à l’encontre d’individus, de groupes ou de pratiques, homosexuels ou transgenres. L’homophobie, qui pourrait être mise en parallèle avec d’autres formes d’exclusion, peut être définie comme l’hostilité globale, psychologique et sociale, à l’égard de celles et ceux supposés désirer des individus de leur propre sexe ou avoir des pratiques sexuelles avec eux. Forme spécifique du sexisme, l’homophobie rejette également tous ceux qui ne se conforment pas aux rôles sociaux prédéterminés par leur sexe biologique. Un acte homophobe consiste à refuser dans les actes quotidiens, un droit, un bien, un service à une personne, homme ou femme, en raison de son homosexualité avérée ou supposée. Un acte homophobe peut être ainsi une agression physique, écrite ou verbale, la tenue de propos diffamatoires à l’égard de personnes, hommes ou femmes, au seul motif d’une homosexualité vraie ou supposée. L’homophobie est présente dans les insultes, les plaisanteries, les représentations caricaturales et le langage courant. L’injure peut constituer une “ agression verbale qui marque la conscience ” (Didier Eribon)¹, et entraîner des traumatismes ou un malaise psychologique durable.

Relève aussi de l’homophobie, l’incitation à la haine, à la violence ou à la discrimination. En dehors des réactions virulentes envers les gays et les lesbiennes, l’homophobie quotidienne revêt aussi la forme d’une violence de type symbolique, plus diffuse. L e terme “ homophobie ” apparaît en anglais pour la première fois en 1971. Si le mot est récent, le phénomène est ancien, et il résulte de la production culturelle de nos sociétés. Quant au terme “ lesbophobie ” et “ transphobie ”, ils n’apparaissent guère dans les dictionnaires. Pourtant ces termes se font bel et bien l’écho d’une réalité concrète, d’une réalité qui se détache - tout en la prolongeant- de l’homophobie. Elle révèle un certain comportement, une forme spécifique d’agression à l’égard des lesbiennes et des transgenres. L’homophobie revêt des dimensions affectives, de rejet “ phobique ” des homosexuels, et des dimensions sociales : dans ce dernier registre, nul ne rejette les homosexuels mais on s’accommode très bien du fait qu’ils ne jouissent pas des mêmes droits que les hétérosexuels.

Selon un sondage Sofrès pour Adia Interim, un actif sur cinq estime avoir été victime de dis- crimination liée à son apparence dans le cadre de son travail. 82% ju- gent que l’apparence per- sonnelle et la façon de se présenter jouent un rôle de plus en plus im- portant. Parmi les sondés qui disent avoir été vic- times de discriminations, 31% pensent que celles- ci ont porté sur leur “ look ”, 28% sur leur apparence physique géné- rale, 17% sur leur façon de parler, leur accent, 11% citent la couleur de la peau, 10% un handicap ou une caractéristique physique rare et 4% une allure efféminée ou trop masculine.

1. ERIBON Didier, Réflexions sur la question gay , Fayard, Paris, 1999, page 29.

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LE LIVRE BLANC de l’ Autre Cercle

C omme l’illustre ironiquement Éric Fassin : “ dans ce monde social, personne n’irait jusqu’à croire en l’égalité des sexualités, pro- position radicale qui heurte le sens commun : l’homosexualité n’a rien d’anormal, mais le mariage ou la filiation ouverts aux couples de même sexe, chacun sait que cela ne serait pas normal. ” 2 L’homophobie ne s’attaque pas seulement aux homosexuels, mais également à l’ensemble des individus considérés comme non conformes à la norme sexuelle. Ainsi, dans les sociétés profondément marquées par la domination masculine, l’homophobie organise une sorte de “ surveillance du genre ”, car la virilité se structure à la fois sur la dépréciation du féminin et le refus de l’homosexualité. D ans le langage courant, discriminer, c’est “ séparer un groupe social des autres en le traitant plus mal ” (dict. Robert) . Si on a pu parler aux États-Unis de “ discrimination positive ” à partir des années soixante, en incluant volontairement dans les programmes éducatifs les groupes sociaux défavorisés, c’est bien parce qu’a priori, toute discrimination est négative. L’homophobie ne fait pas exception, et s’inscrit dans le domaine plus vaste des discriminations fondées sur l’orientation ou l’identité sexuelle. On fait souvent la distinction entre “ gayphobie ” et “ lesbophobie. ” Ces notions désignent les déclinaisons possibles de cette discrimi- nation. L a lesbophobie constitue une spécificité au sein d’une autre : une femme homosexuelle souffre en effet d’une violence particu- lière définie par le double mépris du fait d’être femme et d’être homosexuelle. Comme l’explique Jocelyne Fildar de Jocelyne Fildar CQFD-Fierté Lesbienne “ parce qu’elles appartiennent au groupe social femmes, les lesbiennes sont

Interview

• Louis-Georges Tin • Homophobie et hétérosexisme Autre Cercle: Comment définiriez-vous lʼhomophobie ? Louis-Georges Tin: Cʼest lʼensemble des violences physiques, morales ou sym- boliques ayant pour cible des personnes homosexuelles ou réputées telles, les re- lations entre personnes de même sexe, ou encore de manière plus générale les com- portements qui relèvent des transgressions de genre. AC: Que pensez-vous de la situation de lʼhomophobie actuellement? L-G T : La lutte contre lʼhomophobie en est encore à ses débuts. Il est intéressant de constater que le débat se déplace de lʼho- mosexualité vers lʼhomophobie. Face à cela, deux préjugés restent tenaces: un pre- mier selon lequel lʼhomosexualité serait de nos jours plus libre que jamais, un second qui envisagerait avec fatalité lʼhomophobie comme ayant toujours existé. Ces deux préjugés ont une conséquence commune: lʼinaction, soit quʼil nʼy ait plus rien à faire, soit que toute action soit vaine. Or la si- tuation nʼest pas aussi simple: sʼil y a des avancées dans certains pays de lʼUnion Européenne, dans de nombreuses régions comme lʼAfrique ou lʼAmérique latine on voit des tendances rétrogrades. De plus, même dans les pays avancés en termes de législation, on observe encore fréquem- ment des comportements homophobes. AC: Quelles sont vos attentes en matière de lutte contre lʼhomophobie? L-G T : Il faut prendre à mon avis le problème sous deux aspects, théorique et pratique. Sur le plan théorique, il est important dʼarticuler lʼhomophobie et lʼhétérosexisme, cʼest à dire le fait de penser que lʼhétérosexualité est le seul horizon possible de vie sociale. Cʼest important de faire cette nuance, car beaucoup de personnes, notamment les parents de jeunes homosexuels, ne se considèrent jamais comme homophobes, mais lʼhétérosexisme dont ils peuvent faire preuve peut être tout aussi décourageant et dramatique pour leurs enfants que lʼhomophobie. Au plan pratique, il y a de nombreuses actions à mener, notamment auprès des entreprises, pour quʼelles impulsent des actions et des réglements contre lʼhomophobie. Ce qui est important, cʼest quʼil y ait une prise de conscience du problème dans le milieu professionnel. Par ses contacts auprès des entreprises, lʼAutre Cercle devrait être en mesure de favoriser cette prise de conscience. [ Louis-GeorgesTin enseigne à l’Université de Paris X, et a dirigé un Dictionnaire de l’Homophobie publié en 2003 aux Presses Universitaires de France ]

touchées par les mêmes sortes de sexismes que l’ensemble des femmes. Elles sont concernées direc- tement ou symboliquement par les mêmes discriminations. Elles vivent les mêmes violences.

une femme homosexuelle souffre d’une violence particulière définie par le double mépris du fait d’être femme et d’être homosexuelle.

À la différence des hommes gays, elles cumulent la discrimination portée sur le genre et celle portée sur la sexualité non conforme à l’image stéréotypée de ce genre. ” L a transphobie constitue encore un autre cas, car si l’homosexualité ne concerne que l’orientation sexuelle, la transsexualité est un choix de genre qui impose de vivre un changement radical tout autant physiologique que social et qui intervient sur l’identité.

2. E. FASSIN, le outing de l’homophobie est-il de bonne politique? Définition et dénonciation, in L’homophobie, comment la définir, comment la combattre? (collectif sous la dir. de D. Borillo et P. Lascoumes), Paris, 1999.

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L’homophobie au travail : ça existe encore ?

L es discriminations liées à l’orientation sexuelle ne peuvent pas être considérées indépendamment de l’ordre sexuel à partir duquel s’organisent les rapports sociaux entre les sexes et les sexualités, à l’origine de la justification sociale des rôles attribués aux uns et aux autres. Le sexisme se définit dès lors comme l’idéologie organisatrice des rapports entre les sexes, au sein de laquelle le masculin domine par son appartenance à l’univers extérieur et politique, tandis que le féminin renvoie à l’intimité et à l’infériorité. Cet ordre sexuel hétérosexiste implique non seulement la subor- dination du féminin au masculin, mais également la hiérarchisation des sexualités, fondement de l’homophobie. L’hétérosexualité apparaît ainsi comme l’aune à partir de laquelle toutes les autres sexualités doivent se mesurer. C’est cette qualité normative, et l’idéal qu’elle incarne, qui est cons- titutive de la forme spécifique de domination de l’hétérosexisme.

Interview

• Vincent de Gaulejac • Les hontes sociales

Autre Cercle: Lʼhomophobie renvoie souvent aux homosexuels, aux trans- sexuels ou aux bisexuels une perception dévalorisante de leur orientation sexuel- le qui est souvent une source de honte. Quels sont les mécanismes de la honte? Vincent de Gaulejac: Dans la honte, il y a de multiples dimensions, mais la honte est fondamentalement sociale, elle est liée à lʼautre, qui renvoie une image dépréciée liée à une différence exprimée. Lʼarticulation avec la sexualité est intéres- sante, car la honte peut provenir de ce que lʼintime est dévoilé au regard des autres. Cʼest dʼailleurs une idée ancienne: dans la Genèse, cʼest en étant chassés du paradis terrestre quʼAdam et Eve éprouvent leur nudité, et se cachent. AC: Que faire face à ces situations de honte ? VdG : Il y a globalement deux formes de comportement: soit des réactions défensi- ves, soit des mécanismes de dégagement. Les réactions défensives, cʼest par exem- ple de “vivre avec” mais sans résoudre le problème, de se réfugier dans des com- portements addictifs (boisson, etc...) ou en essayant dʼeffectuer un retournement, en revendiquant de manière paradoxale ce qui est stigmatisé. Les réactions défensives sont probléma- tiques, car elles ont pour effet indirect dʼentretenir la perception de lʼagression. Les mécanismes de dégagement prennent plusieurs dimensions. Cela peut consister à adhérer à des col- lectifs où se développent de nouvelles normes, qui vont invalider les normes clas- siques, invalidantes. Cela peut prendre la forme dʼun travail sur soi et sur son histoire, où lʼon va chercher à “reconfigurer” les moments difficiles pour se les “réapproprier” , “déconstrui- re” les normes et les jugements que lʼon a connu et subi. Cela peut prendre aussi la forme de lʼhumour, de lʼesprit, ce qui permet de transformer lʼhumiliation en processus de communication. [ Vincent de Gaulejac est professeur de sociologie à l’université de Paris 7 et a publié un ouvrage intitulé Les sources de la honte ]

B . Une lutte démocratique contre toutes les discriminations

D ans une société démocratique, le respect, la reconnaissance et la possibilité pour chacun de s’exprimer sans contraintes constituent des éléments-clé de la vie sociale. Ce respect et cette reconnaissance ne doivent pas exister seulement pour ceux qui se sentent semblables à l’intérieur d’un sous-groupe, mais, aussi et surtout, pour “ tout un chacun ” au sein de la société, en tant que personne singulière et différente. U ne société démocratique doit donc avoir le souci d’inclure l’autre en tant qu’autre, quel qu’il soit, non pas pour forger des identités nouvelles et standardisées, mais pour permettre que ceux qui sont ou se sentent différents puissent avoir naturellement leur place dans la société, avec leurs différences. La tentation “ communautariste ”, par ses risques de fragmentation sociale et de ghettoïsation, ne constitue pas à notre sens une alternative satisfaisante à un vrai fonctionnement démocratique.

Pour l’Autre Cercle , il s’agit de revendiquer le droit à l’indiffé- rence pour toutes les différences, et l’exigence du respect de l’orien- tation sexuelle de chacun.

une société développée ne peut accepter de fermer les yeux sur les discriminations

On considère de plus en plus qu’une société développée ne peut accepter de fermer les yeux sur les discriminations dont elle a con- naissance et contre lesquelles elle a les moyens d’agir.

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LE LIVRE BLANC de l’ Autre Cercle

L a création de la Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations laisse entrevoir une perspective nouvelle. Il faudra pour cela qu’elle soit dotée de réels moyens d’action, financiers et humains, qu’elle soit soutenue par une décision politique forte et une campagne de sensibilisation et de pédagogie en direction de cibles multiples, telles que les enseignants, les professionnels de la justice, le secteur socio-professionnel ainsi que l’environnement médico-social, afin de ne pas exclure les motifs liés au handicap et à l’état de santé. Il faudra également qu’elle ait un réel pouvoir d’investigation et de sanction. L’efficacité d’autorités administratives indépendantes créées antérieurement (CSA, CNIL, ART…) montre que cela est possible si les autorités politiques lui confèrent un mandat adéquat.

Interview

• Natacha Taurisson • Transphobie et homophobie

Autre Cercle: Transphobie et homophobie: quelles sont les différences? Natacha Taurisson: En simplifiant on pourrait dire quʼavec la transphobie on cumule deux discriminations: celle sur lʼorientation sexuelle dʼune part et celle sur le sexisme dʼautre part. Plus concrètement, le transsexualisme, qui est la conviction que lʼon nʼappartient pas au sexe de son apparence, provoque des bouleversements et des questionnements chez lʼautre. Il touche à des fondamentaux comme: quʼest-ce quʼun homme, quʼest-ce quʼune femme ? Cette transphobie se manifeste dʼailleurs parfois chez les homosexuels à lʼégard des transsexuels. Par ailleurs, un(e) homosexuel(le) nʼest pas contraint(e) de faire son coming-out. Un transsexuel nʼa pas le choix. Entamer son processus de transformation physique, cela veut dire se révéler aux yeux des autres. Cʼest pour cela quʼil faut expliquer le long et douloureux processus que les transsexuels affrontent pour mettre en adéquation leur apparence physique avec leur sexe psychologique. AC: Pensez-vous que les transexuels sont mieux intégrés actuellement? NT : En bonne intelligence tout peut bien se passer: intégrer une différence cʼest valoriser lʼentreprise, la personne. À con- trario discriminer, cʼest nier lʼindividu, faire émerger le conflit. Même si certains métiers, où il y a notamment une tenue professionnelle sexuée, compliquent cette métamorphose, aujourdʼhui en France il y a de plus en plus de cas dʼintégration réussie: On peut citer le cas de ce patron de PME en province dans lʼagro-alimentaire qui embaucha sans problème une transsexuelle parce que pour lui ce qui compte par dessus tout ce sont les qualités professionnelles de lʼindividu. Mais on est encore loin de la perception quʼont les pays anglo-saxons de la transsexualité, qui reconnaissent généralement la valeur humaine quʼil y a à faire ce parcours de métamorphose et, par conséquent, la grande qualité professionnelle des individus qui ont surmonté toutes ces phases de difficulté. Mais hélas, de longues luttes sont encore à mener. Nous constatons encore beaucoup trop de cas où, par méconnaissance de la question, préférant rejeter que comprendre, nombre dʼemployeurs préfèrent se démet- tre de la personne ou ne pas lui donner sa chance en lʼembauchant. [ Natacha Taurisson est ancienne Présidente de l’ASB (Association du Syndrome de Benjamin) et permanente à la Fédération SGEN-CFDT ]

Extrait du projet de Plate-forme des associations • Source Inter-LGBT 1 • (Avril 03)

Une Autorité accessible

Mettre en place un(e) délégué(e) local(e) de lutte contre les discriminations. Correspondant(e) de l’Autorité nationale dont il (elle) dépendrait, il (elle) contribuerait au niveau local : ➙ à délivrer une première information aux victimes ; ➙ à les orienter vers les ressources de conseil juridique déjà existantes au plan départemental ou local (Maison de la Justice et du Droit, consultations initiées en Mairie ou par les barreaux ) ; ➙ à rendre visible en un lieu unique et dans une documentation accessible à tous, l’ensemble des ressources juridiques disponibles dans le département dans le cadre de la lutte contre les discriminations ; ➙ à transmettre à l’Autorité nationale toutes les situations dont il(elle) a connaissance ; ➙ à contribuer à la rédaction du rapport annuel sur les discriminations. La saisine de l’Autorité nationale pourrait se faire directement ou indirectement par les organisations de la société présentes sur le terrain (syndicats, associations…) ou par des élus.

1. Inter-LGBT : Interassociative lesbienne, gaie, bi et trans qui regroupe une soixantaine d’assocations, organisatrice de la Marche des Fiertés à Paris.

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L’homophobie au travail : ça existe encore ?

Une Autorité dotée de réels pouvoirs

➙ Pouvoir de recenser les études menées en France en matière de discriminations, de conduire elle-même ou de faire réaliser de telles études, pour contribuer notamment à la mise en lumière des discriminations systémiques ; ➙ Fonction d’aide aux victimes, de conseil, d’orientation et de médiation ; ➙ Pouvoir d’investigation sur les situations concrètes dont elle est saisie ; ➙ Pouvoir de recommandation pour des actions correctives et de prévention auprès des organismes publics et privés, assorti d’une obligation de réponse ; ➙ Pouvoir de sanctionner, le cas échéant, le non-respect des règles établies par l’Autorité elle-même ; ➙ Pouvoir de saisine du Parquet en cas d’actes discriminatoires ; ➙ Pouvoir d’auto-saisine pour émettre des avis ; ➙ Pouvoir de réglementation par la création de codes de bonne conduite anti-discriminatoires ; ➙ Pouvoir de proposition de réforme des textes législatifs et réglementaires en vigueur ; ainsi que des pratiques administratives et de suppression des discriminations légales encore en vigueur ; ➙ Fonction de conseil pour les pouvoirs publics ; ➙ Remise d’un rapport annuel devant le Parlement sur les discriminations, intégrant les observations des associations et devant porter sur l’ensemble des discriminations ; ➙ Rôle de sensibilisation, de communication et d’alerte de l’opinion publique.

Conformément à la plate-forme des associations sur ce thème, l’Autre Cercle défend l‘idée de l’inclusion de la lutte contre l’homophobie dans la lutte contre toutes les discriminations, et ce, afin de mieux traiter les cas de cumuls de discriminations.

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LE LIVRE BLANC de l’ Autre Cercle

5 Pour une dynamique nouvelle dans le monde du travail

Interview

A . La réalité du monde du travail, préjugés et discriminations

• Christophe Falcoz • Virilité et management

Autre Cercle: Comment expliquez vous la “virilisation” du monde du travail et de lʼentreprise? Christophe Falcoz: Le développement dʼune représentation particulière de la viri- lité à la fin du 18 e siècle conduira à établir un véritable stéréotype de lʼhomme, vala- ble dans lʼensemble des sphères sociales. Si la domination du principe viril a connu quelques remises en question depuis 30 ans, elle reste encore bien présente dans nos so- ciétés occidentales, en particulier dans le monde du travail. Un contrôle social sʼexer- ce en effet au sein des organisations dans le but de vérifier la conformité aux modèles hétérosexuel et masculin surtout lorsque la personne occupe des statuts et des positions hiérarchiques conférant du pouvoir. AC: Existe-t-il des travaux sur le sujet? C.F. : Nous avons mené une enquête à la- quelle 194 cadres homosexuels ont répondu afin de mieux cerner dʼune part le poids de lʼhétéronormalité et de la virilité dans la représentation quʼils se font du rôle dʼen- cadrement. Cela nous a permis de voir comment les pratiques de GRH et, plus lar- gement, les pressions au dévoilement de la vie privée sur le lieu de travail permettent dʼassurer la conformité au modèle viril pour toutes les personnes souhaitant accéder à des postes à responsabilité. AC: Avez-vous des exemples de té- moignages qui reflètent cette vision de lʼencadrement ? C.F.: Oui, plusieurs: “Le cadre homosexuel apparaît aux yeux de certains comme moins apte à diriger une équipe à cause dʼune force de caractère supposée moindre”. “En six ans, jʼai pu constater le virage; lorsque mes collègues ont appris ce que jʼétais vraiment, jʼai été exclu définitivement du cercle décisionnaire auquel jʼappartenais”. “Je me souviendrai toute ma vie de ses propos [ceux de son supérieur hiérarchique, ndlr] lors dʼune réunion: on va demander lʼavis aux deux filles , je rétorque nous ne sommes pas deux mais trois femmes , sa réponse fut cinglante je ne te considère pas comme telle , [femme cadre qui a gagné en appel pour licenciement abusif]. “Person- nellement, des collègues et amis connaissent mon homosexualité et mʼont clairement dit que ma hiérarchie ne voulait pas me faire progresser à cause de mon homosexualité. ”

P our ceux qui exercent des responsabilités, ce sont des pairs ou ceux qui ont un pouvoir formel dans le jeu de l’évolution pro- fessionnelle et de l’attribution des postes, qui sont les plus “ tentés ” d’utiliser l’argument homophobe et la possible réaction des clients pour écarter un homosexuel. Il ne faut pas oublier le cas, certes marginal, du comportement homophobe d’un homosexuel cherchant à se protéger d’une éventuelle révélation de sa propre situation. U ne enquête réalisée en 1987 par le Wall Street Journal indique que 66 % des dirigeants des plus grandes firmes américaines refuseraient de nommer une personne homosexuelle dans leurcomité de direction. ³ L e monde du travail est le lieu par excellence où se déploient les manifestations d’homophobie et de discrimination fondée sur l’orientation ou l’identité sexuelle. C’est pourquoi l’Autre Cercle considère que c’est le domaine sur lequel doivent porter en priorité les actions de lutte contre l’homophobie. Sans oublier les spécificités de la lesbophobie et de la transphobie, nous utiliserons dans cette partie le terme plus générique d’homophobie, afin d’en faciliter la lecture. Certaines entreprises fondent leur recrutement sur une adéquation forte par rapport à une norme, qui correspond à ce qu’elles considè- rent comme reflétant le mieux “ l’esprit maison ” ou la “ culture de l’entreprise. ” Ce qui a pour conséquence de stigmatiser tout écart par rapport à cette norme. Quelquefois, cette standardisation des profils (mêmes études, même mode de fonctionner) se double d’une allégeance à l’hétérosexisme ambiant. Ainsi, un grand cabinet d’audit américain avait pour devise “ think straight ” , qui signifie tout autant “ penser droit, aller directement au but ” que “ penser comme un hétéro. ” Dans cette entreprise, le rapport de force et le refus de la différence était la norme. L’homophobie ressentie ou subie provient souvent plus des collègues et des supérieurs hiérarchiques que des subordonnés ou des clients…

3. C. Falcoz, communication à la 5ème journée de recherche du Groupement de Recherche CNRS CADRES organisée par le GDR CNRS MAGE à l’IRESCO à Paris, 20 juin 2003. C. Falcoz est docteur en sciences de gestion, directeur du cabinet RC Management

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L’homophobie au travail : ça existe encore ?

Le management a certes évolué, mais il reste beaucoup à faire. Il ne faut pas perdre de vue que l’entreprise est centrée sur le profit et que l’épanouissement de ses acteurs n’apparaît que de manière secondaire, quand il apparaît.

O., après 6 mois de présence, entend le PDG dire au directeur commercial “Avez-vous vérifié que ce commercial que vous voulez recruter n’est pas homosexuel. Il a 40 ans et il est célibataire” Le stress que mon employeur découvre mon homosexualité était quotidien.

L es formations, qu’elles soient professionnelles ou universitaires, ont dans ce domaine un rôle majeur à jouer. Les diplômés de l’enseignement supérieur, bien que ne constituant qu’une minorité, comparé à la population totale des actifs, sont très souvent largement associés au processus de recrutement des entreprises auxquelles ils appartiennent. Leurs représentations des “ différences ” de l’autre trouvent directement leur expression concrète dans leurs choix de management. Le statut de dirigeant, de cadre ou d’agent de maîtrise, entraîne des responsabilités civiques non- négligeables, notamment en ce qui concerne la lutte contre les pratiques discriminatoires. A ujourd’hui, il ne semble pas que les établissements de formation en aient pris la juste mesure. La discrimination en entreprise n’est pas abordée dans les parcours des élèves, apprentis et étudiants, et encore moins la discrimination basée sur l’orientation et l’identité sexuelle. Bien sûr, des associations étudiantes gays et lesbiennes se développent sur certains sites. S’il faut saluer cette évolution, il serait simpliste d’y voir un engagement clair des directions dans la lutte contre les discriminations. En effet, laisser libre l’espace associatif étudiant ne soustrait pas d’engager des actions de sensibilisation et de lutte contre les discriminations à tous les niveaux de la formation et ce, dès l’enseignement primaire et secondaire. A.N. enseigne l’histoire dans un lycée. Elle demande à une association de défense des droits humains de venir faire une intervention, dans l’une de ses classes, sur les discriminations. Un accord est pris avec l’intervenant qui ne parlera pas d’em- blée de l’homophobie. A.N. lui posera une question à ce sujet. Quelques jours après, dans son casier de prof. elle trouve une belle enveloppe, papier de qualité, écritu- re de qualité puisqu’il s’agit d’un poème; toutefois, au milieu de rimes habilement composées, elle lit “ Toi la gouine qui nous enquiquine. ”.. Déstabilisée, elle n’en dira rien à la direction de l’établissement. Certains faits lui donnent la certitude qu’il s’agit d’un acte émanant de parents d’élèves. De plus, si de nombreuses entreprises se présentent comme “ gay-friendly ”, notamment pour des raisons d’image, cela ne signifie pas pour autant qu’il n’y pas d’homophobie dans certains services de ces mêmes entreprises puisqu’il n’y a pas de sensibilisation de l’amont vers l’aval. Enfin, certaines structures, comme les PME ou les entreprises familiales par exemple, semblent encore peu soucieuses de lutter contre l’homophobie. D ans la fonction publique, ce n’est pas la notion de profit qui prévaut, mais celle de réponse efficace à une mission confiée par les pouvoirs publics. Si l’organisation de la fonction publique est en apparence très rationalisée et si leur statut protège les fonctionnaires de la perte d’emploi, il s’avère que de par la stricte hiérarchisation et le souci de certains cadres de la fonction publique de mener une carrière valorisante, un impératif de performance se substitue souvent à cette notion de profit. Cela génère des tensions identiques à celles rencontrées dans le secteur privé et les conséquences humaines sont les mêmes pour l’ensemble des salariés.

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LE LIVRE BLANC de l’ Autre Cercle

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