C ette invitation à montrer son intimité dans un contexte professionnel est de nature à créer une gêne importante pour des personnes qui souhaitent établir une séparation stricte entre leurs vies privée et professionnelle. D’une façon symbolique, elle vise à mettre en avant un modèle familial normatif hétérosexiste auquel chacun se doit d’adhérer. Bernard est délégué médical pour un groupe pharmaceutique. Grâce à ses excellents résultats commerciaux, Bernard gagne un voyage offert par son entreprise. Il décide d’effectuer ce séjour avec son ami. Cette décision n’est apparemment pas du goût de tout le monde dans sa hiérarchie : il est licencié quelques semaines plus tard pour perte de confiance.
Par ailleurs, le fait de répondre ou non à des invitations privées entre collègues, pour des dîners par exemple, peut être lié à l’orientation sexuelle et donner suite à un ressentiment défavorable.
l’intrusion de l’intime dans la vie professionnelle est institutionnalisée
Au-delà des pratiques du monde du travail, l’intrusion de l’intime
dans la vie professionnelle est ainsi institutionnalisée. C’est une donnée que les DRH doivent véritablement prendre en compte dans l’organisation sociale de la vie de l’entreprise, que ce soit dans le secteur public ou privé.
L’intime en opposition avec les exigences administratives A u delà de l’habitude de mentionner son état marital et ses responsabilités familiales sur son curriculum vitae, la loi ou les conventions obligent souvent à faire état de son statut marital ou familial dans le cadre de son contrat de travail. Il faut rappeler que l’usage des titres “ mademoiselle ” et “ madame ”
crée une intrusion évidente de la vie privée et affective des femmes et que l’habitude ne permet pas à contrario à une lesbienne pacsée d’officialiser l’usage de “ madame ” si elle souhaite rendre publique son union. Par ailleurs, comme nous l’explique Armand Homintsky du Caritig
la loi ou les conventions obligent souvent à faire état de son statut marital ou familial
“ de façon involontaire, l’administration et notamment la Sécurité Sociale revient en arrière, modifie le numéro provisoire ‘8’ obtenu préalablement par un transexuel dans son numéro d’immatriculation. ”
D ans le cas où une personne assume pleinement son homosexualité, cela ne pose pas problème. Elle peut déclarer comme bénéficiaire de son capital-décès, de sa mutuelle ou autre, la personne de son choix. Encore faut-il préciser que ceci n’est valable que dans le secteur privé, puisque dans le secteur public, un conjoint de même sexe ne peut en aucun cas être bénéficiaire du capital-décès de son conjoint, celui-ci revenant à ses héritiers légaux. Dans les autres cas, et notamment si la personne souhaite protéger sa vie privée, vivre avec un conjoint de même sexe impose de renoncer à des droits. Il en va de même pour les ayant droits de mutuelles, puisque le fait de déclarer une personne de même sexe peut sembler difficile, impossible, voire être refusé (en dépit de la loi). S ouvent, lors du choix des dates de vacances, une priorité est accordée aux couples ayant des enfants, puis aux autres couples, puis aux “ célibataires ” parmi lesquels figurent souvent des homosexuels qui se retrouvent exclus de fait de ce choix. Une jeune femme, ayant le chiffre ‘8’ sur sa carte de Sécurité Sociale, s’est vue “ dévoilée ” lors d’une modification administrative transmise à son entreprise. Le ‘8’ avait été remplacé par le chiffre ‘1’, puisqu’elle était encore de sexe masculin aux yeux de l’administration. Après de nombreuses brimades, elle a été licenciée.
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L’homophobie au travail : ça existe encore ?
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