Quelques situations professionnelles particulières L a manière dont s’est organisé le début de reconnaissance du couple homosexuel génère des situations particulièrement inconfortables pour certaines personnes. Pour un magistrat, un greffier ou autre salarié du tribunal, se pacser revient à s’afficher devant l’institution et relève de la bravoure ou de l’inconscience. Le microcosme professionnel que forment les gens de loi étend ce problème aux avocats. La réaction supposée de l’environnement professionnel conditionne dans ce cas un choix qui devrait ne concerner qu’un seul couple. Comme le disait récemment un magistrat “ le législateur en obligeant les pacsés à passer devant le T.G.I. contraint les magistrats homosexuels à faire un “ coming-out ” ¹ forcé avec tout ce que cela signifie en terme de répercussions possibles sur la carrière dans une institution qui n’est pas la plus progressiste : si nous nous pacsons, nous n’avons plus le droit au respect du secret sur notre vie privée. C’est pour cette raison que de nombreux magistrats ont choisi de ne pas se pacser actuellement tant que la loi ne leur assure pas la même possibilité de confidentialité qu’à l’ensemble des citoyens. ” Dans de grandes entreprises, par ailleurs, le nombre important de collaborateurs peut créer un certain anonymat. Un homosexuel prendra alors plus aisément la décision de désigner son partenaire comme ayant droit social, s’il n’est pas en contact permanent avec le service du personnel. À contrario, dans le cas où une personne travaille pour la DRH de son entreprise, faire valoir les mêmes droits suppose de révéler sa vie privée à son environnement professionnel immédiat. U n dernier cas particulier est celui des personnes disposant d’un logement de fonction, tels que militaires, personnels expatriés... Cela peut imposer de vivre au quotidien juste à côté de ses collègues, de sa hiérarchie ou de ses subordonnés, mais dans tous les cas il y a obligation (pour des raisons d’assurance ou autre) de faire savoir à son administration avec qui l’on vit. Pour conclure ce chapitre, il semble clair que travailler ne consiste pas à être un opérateur déper- sonnalisé apportant ses seules compétences pour un poste donné. Au contraire, la vie privée s’invite très fréquemment dans diverses composantes de la vie professionnelle, réfutant l’argument utilisé par certains sur une soi-disant “ rupture nette entre les deux. ” C’est donc bien la persistance de préjugés homophobes dans la société qui fait que l’incitation à dévoiler son intimité - comprise comme son hétérosexualité - porte si souvent atteinte à la sérénité et la spontanéité des homosexuels dans leur cadre professionnel. L ’impossibilité de faire valoir ses droits (liés au PACS ou à l’union libre) crée une inégalité de fait entre les couples. Enfin, on peut par ailleurs, citer les cas du droit à l’information et du droit de visite, en cas d’accident du travail qui ne sont pas automatiquement réservés au conjoint pacsé. L a recommandation qui peut être faite aux homosexuels de ne pas mêler leur vie privé à leur vie professionnelle afin de préserver leur intimité ne peut être systématisée, car cette position de “ menteur par omission ” peut se révéler très inconfortable. Le fait de ne pas faire état de son conjoint de même sexe (pacsé ou non) revient de plus à se priver de droits récemment acquis. Pour beaucoup d’homosexuels, résoudre cette question impose un arbitrage douloureux entre sa fierté, ses droits et sa tranquillité.
1. coming-out: (anglicisme) Révélation au public par soi-même de sa sexualité.
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LE LIVRE BLANC de l’ Autre Cercle
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