C . Choisir la visibilité
Q u’ils soient ou non en couple, de nombreux homosexuels se posent la question de l’opportunité ou non d’être visibles, c’est-à-dire d’assumer explicitement leur choix de vie, dans leur environnement professionnel. De nombreuses objections ou craintes personnelles viennent souvent s’opposer à une telle décision : • Peur d’une réaction homophobe, d’hostilité, pouvant conduire à un licenciement ou à une • Peur d’être considéré comme militant, voire prosélyte, de la cause homosexuelle, et donc de ne pas avoir l’image d’une personne pleinement investie dans ses missions professionnelles; • Peur de préjugés relatifs aux homosexuels tels que l’instabilité; • Peur que cette franchise soit perçue comme une provocation, un acte d’insoumission; • Volonté de ne pas nuire à d’éventuels collègues homosexuels. L ’évolution récente du droit fait néanmoins de la question de la visibilité une affaire stratégique. En effet, la plupart des homosexuels qui déclarent avoir été victimes d’homophobie (harcèlement) n’avaient pas fait le choix de la visibilité sur leur lieu de travail. En cas de licenciement, beaucoup n’ont pas non plus osé évoquer leur homosexualité devant le médecin du travail ni les Prud’hommes. absence d’évolution professionnelle; • Choix de préserver son intimité; Le contexte actuel rend parfaitement compréhensible leur réticence à parler de ce qui leur semble être la cause de leur problème professionnel. Il s’avère cependant que cela contribue à maintenir le silence, et donc l’impunité, sur des actes homophobes qui auraient pu être reconnus. Les pressions qui empêchent le choix de la visibilité au niveau individuel, notamment lors d’un licenciement où la publicité qui pourrait être faite servirait la cause mais nuirait à l’avenir professionnel de la victime, ont ainsi pour effet direct de limiter fortement la reconnaissance de l’égalité de droits entre homosexuels et hétérosexuels. Dans un cas de figure opposé, des témoignages d’homosexuels devenus visibles avec succès, et reconnus pour leurs qualités personnelles et professionnelles montrent que ces situations peuvent concourir à la diminution des préjugés et de l’homophobie. Certains considèrent que le fait de se dévoiler dès le début peut protéger le salarié car cela deviendrait opposable à l’employeur en cas de risques de tentative de harcèlement ou de discriminations. Cela reste à démontrer, compte tenu de la difficulté récurrente de la charge de la preuve et de la subtilité dans la manifestation effective de l’homophobie.
C e type d’argumentation ne doit toutefois pas faire oublier qu’une personne qui choisit de parler avec naturel de son conjoint de même sexe doit souvent faire preuve d’audace, voire de courage.
le souci du politiquement correct peut inciter certains managers à une tolérance de façade
Cette personne peut aussi craindre, à juste titre, de se trouver prise au piège du rôle de vitrine ou de faire valoir étant donné que le souci du politiquement correct qui prévaut peut inciter certains managers à une tolérance de façade. Dans un cas extrême, la présence d’un homosexuel parfaitement intégré peut servir de paravent en cas de discrimination à l’embauche ou à l’encontre d’employés homosexuels ayant choisi de demeurer non visibles (pour des raisons qui leur sont propres). Aucune donnée chiffrée ne permet de connaître le nombre d’homosexuels visibles et sereins vis-à-vis de leurs collègues et de leur hiérarchie, mais il est certain que la transparence de leur vie privée va très probablement influer sur les évolutions législatives et sociétales.
Cela devra s’accompagner d’une remise en cause fondamentale de l’organisation sociale dans l’entreprise.
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L’homophobie au travail : ça existe encore ?
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