LIVRE BLANC

D ans des cas plus rares, on voit se dessiner un couple victime-bourreau. Dans ce cas, une personne (le bourreau, que les médecins décriront comme un pervers narcissique) va faire subir diverses humiliations à une victime dans le double but d’asseoir son autorité et de créer des souffrances. Le harcèlement moral ne se résume néanmoins ni à son mécanisme, ni aux souffrances qu’il cause, mais il est en réalité aussi lié au contexte actuel d’organisation du travail.

Organisation du travail et harcèlement moral L e souci productiviste caractérise l’organisation actuelle du travail. Celui-ci se manifeste par deux traits : l’hyper-rationalisation et l’exigence de très hauts rendements.

le monde professionnel se fait l’écho du climat d’agressivité qui existe dans notre société.

L’hyper-rationalisation consiste à chercher un meilleur rendement par l’application de principes managériaux issus de réflexions théori- ques qui sont parfois éloignés de la réalité de la vie professionnelle. Ces principes, parfois dictés par un cabinet extérieur, dépossèdent les cadres de certaines de leurs compétences organisationnelles et

leur application limite le recours aux relations interpersonnelles.

L’exigence de très hauts rendements crée une forte pression sur les salariés et peut les conduire à re- mettre en doute leur propre valeur, ce qui peut générer une forme de souffrance. Cette exigence réduit les rapports interpersonnels, par manque de temps, et ôte du recul à la personne sur son propre travail. C es deux éléments créent un terreau favorable à la mise en place du harcèlement moral. Le salarié sous pression et soumis à de fortes exigences, doute de lui-même et devient progressivement inaccessible à la souffrance d’autrui. La relative déshumanisation des rapports professionnels nourrit un réflexe individualiste qui réduit la possibilité de solidarité en cas de harcèlement moral. La dissolution des collectifs de travail (syndicats, voire simple appartenance ancienne et commune à une même structure) contribue de même à limiter les réflexes de soutien envers un collègue en difficulté. Ceci explique que, même involontairement, l’ensemble des collègues participe le plus souvent au harcèlement. C eci permet de montrer une caractéristique du harcèlement moral qui est une souffrance psychique induite par un contexte social. On peut même y ajouter que le monde professionnel se fait l’écho du climat d’agressivité et d’indifférence qui existe dans notre société. Le harcèlement moral et l’homophobie I l a été observé que toute personne ayant une caractéristique qui le distingue de ses collègues, telle que la couleur de peau, la religion, le physique ou l’orientation sexuelle, est plus susceptible d’être victime de harcèlement moral. Toute différence peut susciter au sein d’un groupe l’hostilité, puis l’exclusion. Il reste toutefois difficile dans la majorité des cas de savoir si une personne en est victime en raison de son homosexualité ou de son surpoids, par exemple, ou si elle en est victime pour d’autres raisons. En effet, le mécanisme même du harcèlement moral est souvent suffisamment subtil pour qu’aucun grief ne soit évoqué directement. D e plus, dans les cas peu fréquents où des allusions homophobes directes sont faites, rien ne permet a priori de savoir de façon certaine si l’homosexualité de la victime est à l’origine de son harcèlement et de la volonté de la voir quitter son poste, ou si elle n’est qu’une composante utilisée comme un élément supplémentaire pour susciter le rejet des collègues, toucher l’affect de la victime et l’affaiblir.

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L’homophobie au travail : ça existe encore ?

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