Vivre son homosexualité au quotidien U ne personne mal à l’aise avec sa vie privée a souvent tendance à ne voir que l’affichage de leur vie par ses collègues. Il est néanmoins possible de rester discret par rapport à sa vie privée sans que cela n’attise les curiosités. Le fait de ne pas évoquer sa vie privée avec ses collègues n’est donc pas nécessairement “ suspect. ” Par ailleurs, il existe dans la société une homophobie larvée qui s’exprime le plus souvent par l’utilisation d’un vocabulaire homophobe composé d’expressions insultantes ou de plaisanteries. Le fait de vivre sa vie professionnelle dans un tel cadre pour un homosexuel peut causer de nombreuses souffrances personnelles. Loin de toute forme de harcèlement, un homosexuel peut ressentir une “ désapprobation ” de sa vie dans le regard d’un collègue, il peut se savoir l’objet de moqueries, même bénignes, qui peuvent l’affecter durement. Puisque de telles situations ne peuvent concerner la médecine ni la loi, le conseil adressé par les mé- decins aux homosexuels est de s’aguerrir face à cela. Savoir si s’aguerrir peut se confondre avec s’affirmer revient à poser la question de la visibilité. (cf. Chapitre 5-C “ Choisir la visibilité ?)
B . Quelle place pour le médecin du travail
L e médecin du travail peut tenir une place importante en cas de harcèlement professionnel, en tant que médecin et en raison de sa place et de ses attributions dans le milieu de travail. Il est en effet dans une position stratégique, entre le salarié et la direction bien sûr, mais aussi en communication avec les instances représentatives du personnel, les CHSCT et l’Inspection du travail. Cette position est aussi particulièrement inconfortable, puisque la crainte des informations qui pourraient être livrées à l’em- ployeur peut empêcher le salarié de s’exprimer auprès du médecin. Elle l’est aussi parce que la direction peut juger la position de ce dernier trop proche du salarié (action trop centrée sur la santé du salarié au détriment de la société). Le médecin du travail peut donc être lui-même sujet aux pressions. Si le médecin du travail a un vrai rôle en cas de harcèlement professionnel, il faut cependant rappeler les limites de son métier : - Prévention (conditions de travail, visites d’embauche et de reprise…) et proposition auprès des employeurs (aménagement de poste par exemple), avec une méconnaissance ou un déficit d’image concernant son rôle dans la prévention, la détection des risques sur la santé mentale des salariés et les possibilités d’aide en cas de harcèlement professionnel. - Force ou faiblesse, le médecin du travail est de plus en plus “ inter-entreprises ” : n’étant pas employé par une seule société, il est à la fois moins proche du terrain, et peut-être donc moins à même de “ sentir ” les tensions, mais il est par ailleurs plus indépendant de la société. - Comme tout autre médecin (cf. Chap. 6-C Quel rôle pour le médecin traitant et le psychiatre ), il ne peut en aucun cas établir un lien d’imputabilité à un harcèlement qu’il constate. Il n’est, en effet, pas témoin des faits ni du vécu professionnel de son patient, et ne peut par conséquent se prononcer que sur son état de santé. - En ce qui concerne le personnel intérimaire et les salariés à contrats de travail multiples, le délai de rencontre avec le médecin du travail peut varier de plusieurs mois à deux ans. Il faut recommander à toute personne qui se sent harcelée en raison de son homosexualité de s’en ouvrir au médecin du travail, tenu au secret médical. Ceci peut permettre à la fois de mieux évaluer à long terme l’impact de l’homophobie sur les souffrances au travail et éclairer le médecin dans l’élabo- ration de son diagnostic. Toutefois, avec l’accord de la personne, un médecin du travail peut engager une discussion avec les responsables d’une entreprise, notamment sur l’existence d’un climat (ou d’un groupe) homophobe en son sein.
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L’homophobie au travail : ça existe encore ?
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