A u total, la difficulté principale pour le médecin du travail est d’agir malgré le décalage de plus en plus grand entre ce qu’il pensait faire, ce qui lui est demandé même de façon implicite et ce qu’il peut effectivement mettre en place. Ainsi, les demandes faites au médecin du travail, en raison de sa position dans la société, de son rôle attendu d’expert, impliquent en fait souvent une prise de position dans un rapport de forces (entre le salarié et le harceleur ou le groupe, entre le salarié et la direction qui devrait agir …) L’action du médecin du travail passe avant tout par un positionnement médical qui s’articule autour de quatre types d’action. L’écoute E lle permet de reconnaître et ainsi de faire reconnaître au sujet, la réalité du harcèlement. En revanche, se précipiter dans l’action peut entraver la perception des demandes sous-jacentes qui sont souvent des demandes de soutien social : être reconnu par un tiers dans sa souffrance, rôle de première importance pour le médecin du travail. Elle permet aussi de reconnaître et ainsi de faire reconnaître au sujet les conséquences du harcèlement sur sa santé. C’est l’étape du diagnostic. Là encore, se précipiter dans l’action fait courir le risque de passer à côté d’un trouble psychopathologique authentique, et par là même d’obérer les possibilités d’aide. L’écoute peut se faire alors plus directive. L’écoute, comprise dans ces deux étapes générales, peut avoir une fonction restauratrice, le sujet étant reconnu, accepté dans ce qu’il a d’unique et de nié par ailleurs. Correctement mené, elle permet une reformulation par le médecin de la situation et de ses conséquences, ce qui offre à la victime, et cela est capital, le sentiment d’être enfin entendue et comprise.
La nomination et le témoignage T ypiquement dans les situations de harcèlement, les collègues se mettent progressivement du côté du ou des harceleurs de façon à isoler la victime, qui se trouve alors dans l’obligation de s’interro- ger sur elle-même, dans l’incompréhension du fait de l’abandon de l’entourage, et de se vivre ainsi comme fautive de ce qui survient. Le médecin, en reformulant, mais aussi en nommant explicitement ce qui se passe autour de la victime, permet de mieux comprendre, de prendre de la distance, de ré-analyser la situation et ce qu’on ressent. La victime peut ainsi reconquérir un sentiment de maîtrise, ne plus subir passivement les événements. Cette étape est parfois suffisante pour qu’une victime reprenne confiance en elle et récupère ses défenses.
Modalités d’installation du harcèlement : la
victime ne comprend pas initialement ce qui lui arrive, ce qui affaiblit ses capacités de défense. Cela peut l’amener à rentrer dans le jeu du ou des harceleurs en tentant sans fin de chercher à s’expliquer, à prouver qu’elle fait bien, qu’elle est digne d’intérêt. Pour prouver sa bonne foi ou ses compétences, elle finira par s’épuiser à ce jeu pervers. Elle vivra ainsi une situation d’emprise psychique, n’ayant plus le choix qu’entre la révolte, la faute, ou la soumission.
Le conseil
Auprès de la victime : - Le médecin du travail doit progressivement permettre au salarié harcelé de communiquer à l’intérieur de l’entreprise (employeur, institutions représentatives du personnel, collègues de travail, mé- decin du travail, syndicats) et à l’extérieur (proches, associations, 114 du GELD 1 , inspection du travail, avocat)
1. Groupe d’Étude et de Lutte contre les Discriminitations
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LE LIVRE BLANC de l’ Autre Cercle
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