LIVRE BLANC

Prise en compte par la jurisprudence D ans un premier temps, les juges ont fait reposer leur réflexion sur le manquement de l’employeur à l’obligation d’exécuter de bonne foi le contrat de travail. La confirmation de l’illégalité de conduire son salarié à la faute a été obtenue sans ambiguïté dès les années 60 rappelant ainsi que l’employeur est tenu de fournir aux salariés les moyens normaux de remplir leurs missions (Chambre sociale de la Cour de cassation, 28 nov. 1963 et 23 nov. 1989). Pour autant, ce n’est que tout récemment que la notion de har- cèlement moral au travail a fait son apparition. On le constate ici, sont évoquées encore les questions liées aux licenciements abusifs et à l’existence d’une faute du salarié, notamment quant au fait de savoir si elle a été causée par son inaptitude et ses manquements ou par l’attitude de son employeur en violation de son obligation d’exécution de bonne foi du contrat de travail (art. 1134 du Code civil). I l reste que ceci impliquait la démonstration de la volonté de nuire ou à tout le moins de la mauvaise foi de l’employeur, ce qui était insuffisant pour protéger plus largement les pratiques de harcèlement. La définition d’une preuve a donc constitué la première et véritable difficulté dans l’appréciation du harcèlement moral. Longtemps le salarié a été une victime incapable de démontrer quoi que ce soit au sein d’une structure où, bien souvent, la solidarité ne règne pas. Les juges ont donc été amenés à raisonner sur la base de faisceaux d’indices tels que des attestations d’autres salariés, certificats médi- caux, échange de lettres entre le salarié et l’employeur. Mais force est de constater qu’il s’agit souvent de l’application de la règle : “ une parole contre une autre. ” Cependant, dès le stade du bureau de conciliation, le juge a la possibilité d’ordonner des mesures d’instruction s’il l’estime utile,

• L’article L. 241-10-1 relatif à la compétence du médecin du travail. • Article L. 422-1-1 re- latif aux droits d’alerte des délégués du per- sonnel. Si l’employeur ne réagit pas, soit à l’alerte qui lui est faite par le délégué du personnel, soit plus di- rectement à l’information qui lui est faite par la victime elle-même, sa responsabilité civile pourra être engagée si cette dernière parvient à apporter la preuve d’un préjudice subi du fait de l’inaction de son em- ployeur. • Article L. 236 - 2, qui met en avant le rôle du C.H.S.C.T en terme de protection du salarié, relayé par l’article L. 231- 8 du même code qui justifie son intervention en cas de motif raison- nable de penser que le salarié est confronté à un danger grave et im- minent. L’un des membres du C.H.S.C.T. peut égale- ment intervenir à titre individuel sur la base de l’article L. 231-9 du Code du travail.

notamment par la désignation d’un ou de conseillers rapporteurs (articles R. 516- 21 et R. 516- 23 du Code du travail). Il recherchera également la portée réelle de la pression exercée et dans quelle mesure la personne qui se prétend harcelée ne pouvait vraiment pas lutter contre les pressions exercées à son encontre. C’est en l’absence totale de preuves matérielles que la notion de faisceaux d’éléments prend alors toute sa dimension et son importance, d’où l’extrême difficulté à le démontrer dans le cadre d’un harcèlement pour homophobie. Il convenait donc de persuader les salariés qu’ils pouvaient se défendre, même en l’absence de preuves aussi solides que l’aveu pur et simple de l’employeur. C’est bien cette conviction qu’a voulu affirmer le législateur en 2000.

Instauration d’une législation spécifique au harcèlement moral

En mai 2000, à la demande du premier ministre, le Conseil économique et social a établi un rapport pour clarifier le concept de harcèlement moral au travail. De ces propositions est née la loi du 14 décembre 2000.

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L’homophobie au travail : ça existe encore ?

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