LIVRE BLANC

L a loi de modernisation sociale (loi n° 2002-73, 17 janvier 2002) a donc adopté pour le harcèlement moral le même mécanisme de la charge de la preuve qu’en matière de lutte contre les discri- minations. Le salarié qui s’estimait victime de harcèlement moral devait donc uniquement : “ présenter des éléments de fait laissant supposer l’exis- tence d’un harcèlement. ” Au vu de ces éléments, il incombait à la partie défenderesse de “ prouver que ses agissements ne sont pas constitutifs d’un tel har- cèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. ” Au juge ensuite de former sa con- viction “ après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. ”

• Dans un arrêt du 16 juillet 1987 la Cour de cassation a jugé qu’une véritable guerre des nerfs menée à l’encontre d’un salarié, avait en- traîné un état dépressif intense qui l’avait amené à cesser son travail. La rupture avait été recon- nue comme imputable à l’employeur. (Ch. Sociale de la Cour de cassation., Douchet c/ Patissou). • Dans une autre déci- sion, un employeur qui avait eu à l’égard d’une salariée un comportement manifestant sa volonté de la tourmenter en la soumettant à des harcè- lements insidieux, ren- dant ainsi intolérables les conditions d’exer- cice et d’exécution de son contrat de travail, avait été sanctionné (Ch. Sociale de la Cour de cassation 16 décembre 1993 - Baudeloque c/ Mal- mar – droit ouvrier mai / 2000). • La surcharge de tra- vail représente une at- teinte morale de nature à porter préjudice à la dignité du salarié. Il a été jugé qu’une salariée chargée de gérer, seule, un service, qui antérieu- rement avait été confié à quatre personnes, ne pouvait se voir reprocher quelques erreurs du fait de la lourdeur de son travail qui ne lui per- mettait pas de toujours faire face correctement à ses obligations (Cour d’appel de Toulouse 9 février 1996 Fédération des œuvres laïques c. / Cervantes et également TASS Epinal. Rousseau c/ CPAM des Vosges). Voir également cour d’appel de Reims 20 janvier 1999-SA Wagner et Bonnefois c/ Blanchegelay).

Principaux axes de la Loi du 14 décembre 2000

• Extension de l’article L. 230-2 du Code du travail afin d’intégrer la prévention du harcèlement moral dans l’obligation générale de l’employeur qui consiste à prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécu- rité et protéger la santé des travailleurs; • Élargissement de la notion de “danger grave et im- minent pour la vie ou la santé du salarié ” permettant aux salariés d’exercer son droit de retrait; • Renforcer la possibilité de déclencher le droit d’alerte par les représentants du personnel ouvrant notamment la possibilité de désigner un expert aux frais de l’entreprise et permettre ensuite au comité d’entreprise de saisir les organes de surveillance de la société (conseil d’administration et conseil de surveillance); • Intégration de la lutte contre le harcèlement moral dans les missions du C.H.S.C.T. Le projet de loi pré- voit d’ajouter dans l’article L. 231-9 du code du tra- vail un alinéa précisant que : “ peut également cons- tituer un danger grave et imminent pour la vie ou la santé du salarié un harcèlement par la dégradation délibérée des comptes. ” Ceci ouvrirait plus largement l’usage de leurs droits de retrait par les salariés; • Intégration dans la section du Code pénal consacrée “ aux conditions de travail et d’hébergement contraire à la dignité de la personne ” de l’article L. 225-5 : “ le fait de harceler un salarié dans le but de por- ter atteinte à sa dignité ou à son intégrité psychique est puni de deux ans d’emprisonnement et de 500.000 F d’amende. ”

Sans transférer sur le salarié la charge de la preuve du harcèlement, la nouvelle version de l’article L 122-52 du Code du travail le met davantage à contribution en lui imposant d’étayer ses allégations par des éléments de faits précis.

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LE LIVRE BLANC de l’ Autre Cercle

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