À l’heure actuelle, ils ne disposent pas de textes explicites pour juger de l’existence d’actes de harcèlement. Ceux-ci ne sont définis que par leurs conséquences. Or, le juge prud’homal n’a pas à se substituer au législateur. Il ne fait pas la loi, il l’applique strictement.
La défense de l’employeur
Avec le renversement de la charge de la preuve opérée par la loi FILLON de janvier 2003, l’employeur se retrouve aujourd’hui dans une situation plus “ confortable .” Sa démarche ne consiste plus, aujourd’hui, à rapporter les éléments matériels concrets et objectifs mais plutôt de dresser un portrait spécifique du salarié en lui accolant des attributs psycho-sociologiques susceptibles de dépeindre une personnalité contestatrice, castratrice, voire paranoïaque. Cela permet de légitimer un certain nombre d’actes dénoncés par la victime, en arguant d’une interprétation ma- lencontreuse de cette dernière du fait de son comportement psychologique. Cette fragilité “ psychique ” de la victime est ainsi souvent mise en avant pour démontrer que d’autres salariés ne réagissent pas de cette manière, appuyée par les attestations de moralité des subordonnés ou cadres dirigeants explicitement mis en cause. Parce que cela remettrait en cause le fonctionnement même de l’institution, on assiste, dans de nombreux cas, à une formidable mobilisation de la Direction Générale lorsque l’un de ses employés est désigné comme harcèleur, afin de le protéger coûte que coûte. Par ailleurs, lorsque le salarié prend l’initiative de solliciter la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur, ce dernier s’attaquera curieusement au fond même du travail du salarié, alors que, jusqu’alors, aucun avertissement ne lui avait été adressé et il tentera de légitimer un licenciement hors procédure et à posteriori. La vigilance de l’avocat ou du conseil de la victime doit être donc de mise, face à une stratégie de défense souvent prévisible et stéréotypée.
Quelques pistes pour l’avenir
Il semble en premier lieu impératif, de familiariser, voire de “ former ”, les différents intervenants juridico-judiciaires, sur les dimensions psychosociales de l’homophobie. Des séminaires et des rencontres avec des associations spécialisées dans la lutte contre l’homophobie pourraient ainsi être organisés par le Ministère de la Justice, à la fois pour les avocats, les magistrats et les juges prud’homaux. Il serait également utile de donner aux juges prud’homaux, des moyens d’investigation beaucoup plus larges telles que des mesures d’instruction précises de type expertise psychologique ou enquête sociale. L’élargissement du champ du domaine de la preuve dans la mesure où celle-ci est bien délicate à établir, serait également nécessaire. Un dispositif spécifique au niveau du droit du travail, susceptible de protéger les éventuels témoins dans la poursuite de leur activité professionnelle, serait également à mettre en place quitte à favoriser les témoignages anonymes.
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L’homophobie au travail : ça existe encore ?
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