Mais ce principe connaît des limites et donc des exceptions dont l’étendue varie en raison de l’activité ou des conditions de son exer- cice. Toutefois, elles ne sont possibles que si elles sont légitimes et proportionnées par rapport au but recherché. Cette idée émanant de la CJCE a d’ailleurs été reprise par la Directive 2000 / 78 / CE du Conseil du 27 novembre 2000 portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail. Il appartient à l’État de démontrer par des éléments concrets la nécessité de créer ou de ne pas corriger des inégalités, notamment en comparant la situation avec celles d’autres pays ou en produisant des études. D ans un arrêt récent, Fretté c/ France du 26 mai 2002, qui concernait une personne homosexuelle désireuse d’adopter un enfant, la Cour a préféré laisser une large marge d’appréciation aux autorités de chaque État, au regard des divergences existantes entre les législations nationales en vigueur sur la délicate question du droit de l’enfant et du droit à l’enfant. Force est de constater que les restrictions, voire les crispations, qui existent encore reposent sur le postulat généreux que c’est bien le premier droit qui doit primer sur le second. Il faut affirmer que le respect de l’un n’est pas incompatible avec le respect de l’autre. Dans les deux cas, il s’agit de créer un foyer, une famille, susceptibles de participer à l’épanouissement des enfants comme des couples homosexuels eux-mêmes. I l est probable que cette jurisprudence ne marque pas un point final à la question tant on constate une évolution positive mais surtout rapide de l’appréciation de la question de l’orientation sexuelle et du principe de non-discrimination dans tous les états membres, et ce d’autant que la marge de manœuvre de ces derniers se révèle de plus en plus réduite. Il convient ainsi de noter que le conseil en matière de discrimi- nation a encadré le pouvoir des États par la directive 2000 / 43 du Conseil du 29 juin 2000 relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d’origine ethnique. Ce texte définit, pour la première fois, la notion de discrimination indirecte comme une situation apparemment neutre qui entraîne ou pourrait entraîner un déséquilibre particulier pour un certain type de personne. Au surplus, il assimile le harcèlement moral à une véritable discrimination. Il est vrai qu’il en est le complément naturel et l’un des outils. M ais plus important encore, cette directive renverse la charge de la preuve. En effet, classiquement et conformément aux dispositions de l’article 1315 du code civil, il appartient à la personne qui allègue les faits d’apporter la preuve de leur réalité.
Interview
• Amand Hotimsky • Transsexuels et discriminations
Autre Cercle: Comment intervient CARITIG pour épauler les personnes transsexuelles victimes de discrimination? Armand Hotimsky: Tout dʼabord CARITIG a une mission au delà des transsexuels. Il soutient lʼensemble des personnes qui sont confrontées à des interrogations par rapport à leur identité de genre. Cela concerne les trans- sexuels, les travestis, les transgendéristes, les intersexuels, les bigenres... En effet, nombre de transsexuels ne peuvent pas -ou ne souhaitent pas- se faire opérer et pourtant ils sont terrible- ment laissés de côté par notre société. Quand on pense que lʼOrdonnance Lépine du 27 jan. 1907 permet toujours de dresser des contraventions à lʼencontre des travestis et des transsexuels dans la capitale. On est vraiment très loin des directi- ves européennes ! AC: Quʼest ce que lʼEurope peut apporter dans ce domaine? AH : Outre le fait que la Commission des péti- tions du Parlement européen a stipulé dès 1989 quʼelle invitait “la Commission et le Conseil à préciser que la directive communautaire re- lative à la non-discrimination entre hommes et femmes sur le lieu de travail interdit aussi tout traitement discriminatoire des transsexuels ” plus récemment en 1996 , la Cour de Justice a estimé que le licenciement dʼune transsexuelle pour des motifs uniquement liés à son chan- gement de sexe était contraire à la directive 76/207/CEE du Conseil du 9 fév. 1976. Je suis sûr que si les DRH étaient au courant de ces dé- cisions en matière de non-discrimination, on éviterait beaucoup de souffrance et dʼincompré- hension de part et dʼautre. AC: Est-ce que cette directive a déjà produit des effets positifs en France? AH : les 3 personnes qui se sont récemment adressées à CARITIG et que nous avons con- seillées parce que nous considérions quʼelles avaient un dossier solide ont toutes gagnés aux Prudʼhommes grâce à la mise en évidence de cette directive européenne ! Cette transphobie est parfois aussi le fait involontaire de lʼad- ministration. Cʼest ainsi quʼun grand de la distribution alimentaire en France a perdu contre une salariée transsexuelle en raison des brimades quʼil subissait suite au changement de codification de la sécurité sociale. Dʼautres discussions relevant de la commission internationale de lʼétat civil sont en cours, com- me par exemple la question de la pertinence du maintien de la notion de sexe sur lʼétat civil au vu notamment des thèses comme celle sur le continuum du genre. Lʼexemple dʼintégra- tion professionnelle réussie de Priscilla, ancien homme docker à Anvers montre que cʼest pos- sible et que nos voisins européens peuvent nous montrer lʼexemple. [ Armand Hotimsky est Président Fondateur de CARITIG - Centre d’Aide, de Recherche et d’Information sur la Transsexualité et l’Identité de Genre ]
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L’homophobie au travail : ça existe encore ?
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