FNH N_ 1212

Découvrez le numéro 981 de Finances News Hebdo, premier hebdomadaire de l'information financière au Maroc

Du 23 octobre 2025 - 8 DH - N° 1212

PREMIER HEBDOMADAIRE DE L'INFORMATION FINANCIÈRE AU MAROC

Directeur de la publication : Fatima Ouriaghli

Projet de Loi de Finances 2026 Des priorités recentrées sur la cohésion nationale P.7 à 9

Family Offices Le Maroc à la croisée d’une révolution patrimoniale

P. 15 à 17

● Revolut veut poser ses valises au Maroc. ● Face à elle, Bank Al-Maghrib avance avec prudence, décidée à accueillir l’innovation sans compromettre l’équilibre du système.

P. 10/11

Maroc-Algérie L’impossible réconciliation ? Investissements Le double pari de la performance économique et de la justice sociale P. 24 à 26 Dépôt légal : 157/98 ISSN : 1114-047 - Dossier de presse : 24/98 - Adresse : 83, Bd El Massira El Khadra, Casablanca - Tél. : (0522) 98.41.64/66 - Fax : (0522) 98.40.22 - Adresse web : www.fnh.ma P.42 «Le Maroc consolide un modèle de croissance endogène et exogène» Conjoncture  Entretien avec Abdelghani Youmni, économiste  S. Witkoff, envoyé spécial de D. Trump pour le Moyen-Orient P.18 à 20

SOMMAIRE

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FINANCES NEWS HEBDO JEUDI 23 OCTOBRE 2025

Voyons voir : Retraite : La réforme croise les légis- latives Ça se passe au Maroc 4 5 ACTUALITÉ

36 L'UNIVERS DES TPME

Editorial

Entretien avec Mohamed Essaroukh : Digisav, Réinventer le SAV pour booster la performance opérationnelle

BOURSE & FINANCES

Casablanca-Settat : La région qui veut conjuguer croissance et durabilité 38 DEVELOPPEMENT DURABLE

Point Bourse Hebdo : Équilibre de forces, déséqui- libre de convictions PLF 2026 : Des priorités recentrées sur la cohésion nationale Revolut : Un stress test grandeur nature pour les banques marocaines ? Buy Now, Pay Later : Une tendance mondiale qui prend racine au Maroc Bourse : Un marché en pause, mais toujours porteur à moyen terme Family Offices : Le Maroc à la croisée d’une révolu- tion patrimoniale Entretien avec Khalid Kabbadj : Family offices - Gestion de patrimoine, «Le Maroc doit passer d’une culture de possession à une culture patrimoniale»

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Fatima Ouriaghli Directeur général, Responsable de la publication

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L La refondation du pacte territorial

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es Programmes de développement territorial intégré (PDTI), annon- cés dans le projet de Loi de Finances 2026, traduisent l’un des tournants les plus importants de la politique d’aménagement du territoire du Maroc contemporain. Portés par la vision du Souverain, ils s’inscrivent dans la continuité d’un chantier royal : celui d’un développement équilibré, inclusif et profondément humain. Le Maroc se modernise et se développe certes, avec des investisse- ments publics qui sont passés de 182 à 340 Mds de DH entre 2020 et 2025, mais l’heure est désormais à l’efficacité, à la mesure d’impact et à la justice spatiale. Car, comme l’a rappelé le Souverain, « il n’y a pas aujourd’hui ni demain de place pour un Maroc à deux vitesses ». Ces nouveaux programmes se veulent donc une réponse à la persistance d’inégalités territoriales qui fragilisent le lien social. C’est pourquoi les PDTI reposent sur quatre axes majeurs : la promotion de l’emploi, le renforcement des services sociaux de base, la gestion durable de l’eau et la mise à niveau territoriale intégrée. A ces priorités s’ajoute une approche méthodologique innovante, qui combine diagnostic territorial précis et évaluation d’impact. Cette vision est d’autant plus pertinente que les besoins sont immenses : plus de 46 milliards de dirhams ont déjà été mobilisés depuis 2017 pour réduire les disparités territoriales, mais certaines zones, notamment rurales et mon- tagneuses, continuent d’accuser un retard criant en matière d’éducation, de santé et d’infrastructures. Le programme prioritaire 2026 illustre cette volonté d’aller vite et juste. Vingt milliards de dirhams seront consacrés à des actions à fort impact social : réha- bilitation d’écoles rurales, transport scolaire, unités mobiles de santé, réseaux d’eau potable, pistes rurales, électrification solaire et appui aux coopératives féminines et micro-entreprises locales. Cette orientation marque le passage d’une logique centralisée à une démarche pragmatique et territorialisée. En soutenant la création d’activités productives locales, les PDTI redonnent vie au tissu économique rural et périurbain, longtemps marginalisé. Au-delà de la dimension budgétaire, ces programmes reposent sur une exi- gence de gouvernance : contrats-objectifs territoriaux, suivi rigoureux, évalua- tion annuelle et reddition des comptes. L’amendement de la Loi organique des Finances, prévu pour accompagner les PDTI, va dans le même sens. Il s’agit de promouvoir la transversalité, briser les silos administratifs et renforcer la cohé- rence de l’action publique. C’est le prolongement institutionnel d’une approche royale de la performance. L’objectif étant de bâtir un pays où l’équité territo- riale devient le ciment de l’unité nationale. Comme l’a souligné le Souverain, « aucun niveau de développement économique et infrastructurel ne saurait me contenter s’il ne concourt pas effectivement à l’amélioration des conditions de vie des citoyens, de quelque frange sociale et de quelque région qu’ils appar- tiennent ». Cette phrase résume tout : le développement ne se mesure pas à la seule croissance du PIB, mais à la capacité d’un pays à rendre sa dignité à chacun de ses citoyens. u

40 5G : Le Maroc prêt pour le grand saut HIGH-TECH

ECONOMIE

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Conjoncture : Les indicateurs macroéconomiques se portent bien, mais les fragilités demeurent Entretien avec Abdelghani Youmni : Conjoncture, «Le Maroc consolide un modèle de croissance endo- gène et exogène» Industrie automobile : L’écosystème en voie d’inté- grer de nouveaux types d’équipementiers Stress hydrique : Les barrages face au mur de la rareté de l'eau Entretien avec Khalid Doumou : Investissements, Le double pari de la performance économique et de la justice sociale Capital humain : Un atout concurrentiel de l’attrac- tivité industrielle du Maroc Entretien avec Pr. Oussama Ritahi : Capital humain, «L’enjeu est de passer du modèle plate- forme au modèle de l’économie du savoir» Habitat et urbanisme : La nouvelle approche donne des résultats dans le monde rural WeXchange Forum 2025 : Le tiers-secteur marocain s’affirme comme pilier de développement écono- mique et social Filière avocatier : Le secteur peut-il concilier com- pétitivité et durabilité ? Amicales immobilières : Entre esprit coopératif et besoin de réforme

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42 Maroc-Algérie : L’impossible réconciliation ? POLITIQUE

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• Directeur des rédactions & Développement : David William • Journalistes : Charaf Jaidani, Leïla Ouriaghli, Adil Hlimi, Youssef Seddik, Khalid Aourmi, Ibtissam Zerrouk, Désy Mbakou • Révision : M. Labdaouat • Directeur technique & maquettiste : Abdelillah Chamseddine • Mise en page : Zakaria Beladal

• Assistantes de direction : Amina Khchai • Département commercial : Samira Lakbiri, Rania Benchaib • Administratif : Fatiha Aït Allah • Édition : JMA CONSEIL • Impression : Maroc Soir • Distribution : Sochpress • Tirage 5.000 exemplaires • Dépôt légal : 157/98 • ISSN : 1114-047 • Dossier de presse : 24/98 • N° Commission paritaire : H.F/02-05 • S.A.R.L. au capital de 5.000.000,00 DH - C.N.S.S. 600 50 62 I.F. 1022303 - Patente 35770001 - ICE N° : 001526693000021

• Directeur Général responsable de la Publication : Fatima OURIAGHLI Contact : redactionfnh@gmail.com

VOYONS VOIR

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Retraite

La réforme croise les législatives

D epuis plus d’une décennie, le Maroc s’essaie à la réforme du système de retraite sans jamais vrai- ment oser franchir le pas. Chaque gouvernement brandit l’urgence du chantier, puis l’enterre sous les contingences politiques du moment. Pourtant, il y a nécessité, et les chiffres parlent d’eux-mêmes. La Caisse marocaine des retraites (CMR) affiche un déficit technique de 9,24 mil- liards de dirhams en 2024, selon le rapport sur les établissements et entreprises publics accom- pagnant le Projet de Loi de Finances 2026. Les projections sont encore plus inquiétantes : en l’absence de réforme, les réserves de la CMR seront épuisées dès 2031, soit dans six ans. Par D. William

devra emprunter le chemin du Parlement en mai 2026. Sauf que mai 2026, c’est aussi la période où le pays aura la tête ailleurs : les élections législa- tives. Difficile d’imaginer un gouvernement qui défend, à 3 mois du scrutin, une réforme qui allonge l’âge de départ à la retraite, augmente les cotisations ou réduit les pensions. C’est poli- tiquement suicidaire. Et les syndicats l’ont bien compris. C’est pourquoi le calendrier choisi laisse son- geur. En programmant l’étape législative durant cette période, le gouvernement prend le risque d’une politisation extrême du débat. Le débat technico-économique se transformera donc en joute électorale où les élus seront plus enclins à compter les sièges que les dirhams des déficits. Et dans ce tumulte, la réforme pourrait bien être renvoyée… à la prochaine législature. Encore une fois. Or, tout le monde est d’accord sur un fait : le sys- tème est à bout de souffle. Alors, ce qui manque, c’est le courage politique. Le courage d’affronter une impopularité passagère pour éviter une fail- lite durable. Car, sans réforme, le système de retraite, dans sa forme actuelle, va droit au mur. ◆ oui , je souhaite m’abonner à cette offre spéciale pour 1 an BULLETIN D’ABONNEMENT Mon abonnement comprend : ❑ 48 numéros Finances News hebdo & 2 numéros du Hors-série. Voici mes coordonnées : ❑ M ❑ Mme ❑ Mlle Nom/Prénom : ................................................................................... Adresse : ............................................................................................ Ville : ............................. Code Postal : ............................................ Tél : ........................................ Fax : ................................................. E-mail : ............................................................................................. Mon règlement ci-joint par : ❑ Chèque bancaire ou virement bancaire à l’ordre de JMA Conseil : Banque Populaire, Agence Abdelmoumen, Compte N° 21211 580 5678 0006-Casablanca - (Maroc)

Marocains ont désormais plus de 60 ans contre 3,2 millions en 2014, d’après le dernier recense- ment de 2024. Et le ratio d’actifs par retraité s’est effondré : 12 actifs soutenaient un pensionné en 1986; il n’en y a plus que 1,7 aujourd’hui. C’est la mécanique d’un système qui s’épuise : moins de cotisants, plus de bénéficiaires et un déséqui- libre financier que les ajustements techniques ne peuvent plus masquer. Sur le papier, la feuille de route est claire : deux pôles (public et privé), pré- servation des droits acquis et renforcement de la gouvernance. Une architecture bipolaire plus lisible et potentiellement plus efficace. Officiellement, le gouvernement Akhannouch semble vouloir mener à terme cette réforme avant la fin de cette législature. A ce titre, une commission technique a été chargée de peau- finer le scénario avant avril 2026, puis le texte

Les revalorisations salariales issues du dialogue social de 2024 ont certes offert un sursis, mais pas une solution définitive. Et comme le souli- gnait dans nos colonnes l’économiste Hassan Edman, «face à l’augmentation du nombre de retraités et à la diminution de la population active, la capacité à financer les pensions devient un défi de plus en plus complexe…». Complexe, oui. Mais surtout urgent. Car la bombe à retardement continue de tictaquer. Le Maroc vieillit à grande vitesse : près de cinq millions de

En programmant l’étape législative en mai 2026, le gouvernement prend le risque d’une politisation extrême du débat sur la réforme du système de retraite.

ÇA SE PASSE AU MAROC

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FINANCES NEWS HEBDO JEUDI 23 OCTOBRE 2025

Akhannouch relance le chantier de la lutte contre la corruption avec l’INPPLC

L e chef du gouvernement, Aziz Akhannouch, a tenu une réunion, mardi à Rabat, avec le président de l’Instance nationale de la probité, de la prévention et de la lutte contre la corruption (INPPLC), Mohamed Benalilou, consa- crée à l'examen des dispositions et mesures gou- vernementales à même de donner un nouveau souffle au chantier de la lutte contre la corruption et de contribuer à la pleine mise en œuvre du rôle constitutionnel de l'Instance, en vue de consolider la résilience du Maroc en matière de prévention et de lutte contre la corruption.

Inflation

La réunion a permis d’examiner les défis liés à la corruption et d’améliorer l’efficacité des politiques publiques. Le chef du gouvernement a appelé à la tenue prochaine de la Commission nationale de lutte contre la corruption pour évaluer la stratégie nationale et définir une vision renouvelée. L’Instance prévoit aussi la création d’une académie et d’un laboratoire de la probité, ainsi que des clusters numériques pour renforcer les capacités des acteurs publics et privés, tout en impliquant la société civile dans la promotion d’une culture d’intégrité. ■

Hausse de 0,4% en septembre sur un an L’ indice des prix à la consommation (IPC) a progressé de 0,2% en septembre 2025 par rapport à août, selon le haut-commis- sariat au Plan (HCP). Cette hausse s’explique par une augmentation de 0,2% des produits alimen- taires et non alimentaires. Les principales hausses concernent les légumes (+2,6%), les fruits (+0,5%) et les viandes (+0,4%), tandis que les huiles et graisses reculent de 2,1% et les carburants de 2,2%. Les plus fortes hausses de l’IPC ont été relevées à Errachidia (+0,9%) et Laâyoune (+0,6%), contre des baisses à Al Hoceima (-2,4%) et Meknès (-0,4%). L e Groupe Cosumar, fort des résultats encourageants obtenus lors de la cam- pagne précédente, entame la nou- velle campagne sucrière 2025/2026 dans un contexte marqué par la persistance de la sécheresse. Les Comités techniques régio- naux du sucre ont arrêté un programme de 60.000 hectares de betterave à sucre et 8.000 hectares de canne à sucre, dont 3.000 hectares de nouvelles plantations, et ce en fonction de la disponibilité des ressources hydriques. En glissement annuel, l’IPC augmente de 0,4%, tiré par les produits alimentaires (+0,5%) et non alimen- taires (+0,4%). L’inflation sous-jacente reste stable sur un mois et en hausse de 0,3% sur un an. Dans ces conditions, l’indicateur d’inflation sous-jacente, qui exclut les produits à prix volatils et les produits à tarifs publics, aurait connu au cours du mois de septembre 2025 une stagnation par rapport au mois d’août 2025 et une hausse de 0,3% par rap- port au mois de septembre 2024. ■

Coupe du monde

Les patronats marocain, espagnol et portugais jouent leur partition L a Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM), la Confederación Española de Organizaciones Empresariales (CEOE) et la Confédération des entreprises de Portugal (CIP) ont convenu mardi dernier, lors d’une réunion

à Casablanca, de créer un comité chargé d’élaborer une feuille de route commune pour renforcer les par- tenariats entre les secteurs privés marocain, espagnol et portugais en vue de maximiser l’impact écono- mique et social de la Coupe du monde 2030. Un forum entrepreneurial Maroc-Espagne-Portugal se tiendra à Rabat début 2026. Les discussions ont porté sur la promotion des investissements croisés, notamment dans le tourisme, l’automobile, la durabilité ou les nouvelles technologies, ainsi que sur les opportunités d’accès aux marchés africains et ibéro-américains. ■

Cosumar : Lancement de la campagne sucrière 2025-2026

Il est à noter que les semis ont commen- cé dans l’ensemble des périmètres sucriers depuis le 10 septembre 2025. Afin d’assurer de bonnes conditions de culture, le Groupe a mis en place un dispositif complet allant de la sécurisation des intrants agricoles au déploiement renforcé d’un encadrement de proximité, en passant par le préfinancement des intrants à hauteur de 500 millions de dirhams et la reconduction de l’appui finan- cier aux agriculteurs partenaires. ■

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BOURSE & FINANCES

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Point Bourse Hebdo Équilibre de forces, déséquilibre de convictions

Après plusieurs semaines de tension, le marché casablancais parvient à limiter ses pertes, mais signe tout de même une quatrième semaine de repli.

Evolution de l'indice Masi depuis début octobre 2024

L Par Y . Seddik

es forces se sont finalement neutra- lisées à la Bourse de Casablanca. Après trois semaines de tension et de glissades successives, le mar- ché a fini par trouver un point d’équilibre. Les vendeurs ont levé le pied, sans que les acheteurs ne saisissent pour autant l’occasion de reprendre la main. Un tacite compromis entre les deux camps, qui a permis au marché de souffler, sans vraiment se détendre. Malgré ce «cessez-le-feu», les bais- siers ont gardé la pression néces- saire pour maintenir la tendance sous contrôle. Le Masi a terminé la semaine en léger retrait de 0,49% à 18.457 points (4e semaine de baisse consécutive), signe que les acheteurs manquent encore d’ar- guments solides pour reprendre l’avantage. Le niveau de participation des opérateurs a légèrement baissé à 1,65 milliard de dirhams échan- gés, dans les mêmes proportions de la semaine précédente. Akdital a concentré une large part des échanges (278 MDH, soit 17% du volume total), devant Attijariwafa bank (101 MDH) et Marsa Maroc

(125 MDH). En cumulé, la perfor- mance annuelle du MASI reste confortable à +24,94%. Pour les analystes de CFG Bank, cette consolidation s’apparente à une correction «saine» après plu- sieurs mois de forte progression. Elle ne remet pas en cause la tendance haussière de fond et offre même des points d’entrée intéressants pour les investisseurs patients. Les opérateurs étrangers, eux, n’ont pas déserté la place : ils demeurent acheteurs nets, portés par le retour du Maroc en catégorie Investment Grade, une économie stable et la visibilité accrue des grands chantiers liés au Mondial 2030. Sur le plan fondamental, la Bourse évolue dans une zone de valori- sation jugée cohérente. Avec un PER de 21,4x contre une moyenne théorique de 21,8x, le marché reste proche de sa juste valeur. Cette stabilité repose sur une croissance des bénéfices soutenue (+14% au premier semestre 2025) et un environnement de taux favorable. CFG anticipe d’ailleurs une détente monétaire progressive l’an pro-

TOP Performances

FLOP Performances

Rebab Company Fenie Brossette Rés. Dar Saada

-11,63%

+12,01% +12,01%

Stroc Industrie Auto Nejma Sanlam Maroc

-8,12%

-5,56%

+7,02%

chain, avec une inflation ramenée autour de 1 à 1,5% et un redres- sement des équilibres budgétaires, des facteurs qui devraient renforcer les valorisations à moyen terme. Par ailleurs, comme expliqué dans le précédent débrief, les catalyseurs de marché restent bien présents. Le pipeline d’introductions en Bourse demeure fourni, et plusieurs dos- siers sont sur le point d’aboutir. Ces opérations pourraient redonner du souffle au marché primaire et attirer de nouveaux flux, à condition que le climat social et politique reste stable. Pour l’heure, la place casablancaise

s’installe dans une phase de transi- tion. Ni véritable rebond, ni rupture franche : une zone d’attente où les investisseurs observent plus qu’ils n’agissent. Cet équilibre pourrait servir de point de départ à un nou- veau cycle, une fois l’incertitude dissipée. Autrement dit, le marché digère ses gains et reprend son souffle. Il reste ancré dans une tendance haussière, appuyée par des fonda- mentaux solides et des perspec- tives intactes. Reste à savoir si le marché recule pour mieux sauter ou s’il teste simplement les limites de sa confiance. ◆

JEUDI 23 OCTOBRE 2025 7 FOCUS LOI DE FINANCES 2026

FINANCES NEWS HEBDO

et du pouvoir d’achat ont fini par trouver écho dans la décision bud- gétaire. Le gouvernement y répond par un renforcement visible des moyens. Les secteurs de la santé et de l’éducation se partagent 140 milliards de dirhams, soit 21 mil- liards de plus qu’en 2025, accom- pagnés de 27.000 recrutements. Les CHU d’Agadir et de Laâyoune doivent entrer en service, tandis que celui d’Ibn Sina à Rabat sera achevé. Le réseau des écoles pion- nières s’étendra à de nouvelles régions, avec la généralisation du préscolaire comme objectif prio- ritaire. Côté social, l’État financera les cotisations AMO de 11 millions de bénéficiaires pour un coût de 10,5 milliards de dirhams, et mobilisera 14 milliards pour stabiliser les prix et soutenir le pouvoir d’achat. Le volet social du budget s’appuie aussi sur plusieurs fonds : 36,5 milliards pour la protection sociale et la cohésion, 2 milliards pour l’emploi des jeunes, autant pour le financement des équipements et la lutte contre le chômage, ainsi que 5 milliards pour le développement territorial intégré. L’effort est conséquent, mais l’en- jeu reste le même, à savoir passer du programme à la preuve. Une gouvernance publique en mutation Sur un autre volet, le gouvernement veut aussi faire évoluer les règles du jeu budgétaire. La réforme de la Loi organique des Finances vise à introduire davantage de transpa- rence, à améliorer la soutenabilité de la dépense et à renforcer le rôle du Parlement. Ce chantier s’inscrit dans une logique de performance publique et s’accompagne d’une digitalisa- tion accrue de la gestion adminis- trative. En toile de fond, un objectif: faire du budget un instrument de résultats, non plus seulement un cadre de dépenses. Au final, si les chantiers annoncés prennent corps, le gouvernement pourra revendiquer un virage social assumé. Dans le cas contraire, 2026 risque de ressembler à un exercice d’équilibre de plus, solide sur le papier, fragile dans la pra- tique. À suivre. ◆

 Nadia Fettah, ministre de l'Economie

et des Finances, présente devant les parlementaires les grandes lignes du PLF 2026.

PLF 2026 Des priorités recentrées sur la cohésion nationale

Le gouvernement a bâti le PLF 2026 autour de quatre priorités qui résument sa feuille de route : croissance, justice territoriale, État social et équilibre des comptes. L’investissement public reste l’arme principale du budget pour soutenir la croissance, avec une enveloppe record de 380 milliards de dirhams. Santé, école, emploi : le PLF tente de donner corps à des promesses devenues urgentes avec un effort de 140 milliards de dirhams.

E

Par Y. Seddik

n présentant le budget devant le Parlement en début de semaine, Nadia Fettah, ministre de l'Eco- nomie et des Finances, a défini les grands chantiers du prochain exercice. Le gouvernement mise sur la consolidation du tissu pro- ductif pour maintenir la dynamique d’émergence, tout en renforçant les programmes de développe- ment régional. Le budget intro- duit une nouvelle génération de projets territoriaux, inspirés de la régionalisation avancée, destinés à corriger les déséquilibres entre zones urbaines et rurales. Sur le plan social, la santé, l’éducation et la protection sociale concentrent une part croissante de la dépense publique. Le gouvernement veut

aussi moderniser la gestion de la dépense à travers la réforme de la loi organique des finances (voir plus bas) et la rationalisa- tion du secteur public. L’ensemble esquisse un cap plus lisible qui est de stabiliser les comptes sans blo- quer l’investissement, accélérer les réformes sans rompre l’équilibre. Pour sa part, l’investissement public, fixé à 380 milliards de dirhams, reste le principal levier de croissance. Le gouvernement y voit à la fois un moteur économique et un outil d’aménagement du ter- ritoire. Les priorités sont connues : extension des aéroports, moderni- sation du réseau ferroviaire, déve- loppement de la flotte nationale, poursuite des chantiers portuaires

de Nador West Med et de Dakhla Atlantique. Mais la nouveauté tient à l’approche spatiale, puisque les investissements devront désor- mais produire un impact territorial mesurable. Le Programme natio- nal de développement intégré des centres ruraux émergents, doté de 2,8 milliards de dirhams pour 36 centres pilotes, illustre cette volon- té de réduire la fracture entre les zones urbaines et rurales. La dimension sociale, pilier du budget 2026 Cette année, le PLF s’inscrit dans un moment où l’agenda social prend le devant de la scène. Les récentes revendications de la jeu- nesse autour de l’école, de la santé

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FINANCES NEWS HEBDO

JEUDI 23 OCTOBRE 2025

FOCUS LOI DE FINANCES 2026

Près de 37.000 postes budgétaires prévus

Réhabilitation de 90 hôpitaux

L e Projet de Loi de Finances 2026 prévoit la création de 36.895 postes budgétaires, répartis entre les différents ministères et institutions. Parmi ces postes, 500 seront placés sous l’autorité du Chef du gouvernement, habilité à les répartir entre les départements ministé- riels et les institutions concernées. Sur ce total, 200 postes sont spécifiquement réservés aux personnes en situation de handicap. En outre, il est proposé la création de 600 postes budgétaires destinés à la régularisation de la situation des fonctionnaires relevant du ministère de l’Education nationale, du Préscolaire et des Sports, titulaires d’un doctorat ou d’un diplôme équivalent, ayant réussi le concours d’accès au corps des enseignants-chercheurs en éducation et formation. Cette mesure s’inscrit dans le cadre de l’accord du 26 décembre 2023 conclu entre le gouvernement et les syndicats les plus représen- tatifs du secteur de l’éducation. Parallèlement, sont supprimés, à compter de la même date, les postes budgétaires occupés par les intéressés dans ledit ministère correspondant à leurs situa- tions avant ladite régularisation. Enfin, le projet prévoit également la création de 19.000 postes supplémentaires au profit des Académies régionales de l’éducation et de la formation (AREF), destinés au recrutement de professeurs. ◆

U n vaste programme de mise à niveau et de rénovation de 90 hôpitaux sera lancé en 2026 dans toutes les régions du Royaume. Les établissements concernés se répartissent comme suit : • Tanger-Tétouan-Al Hoceïma (11), • L’Oriental (9), • Fès-Meknès (9),

Réforme des retraites

• Rabat-Salé-Kénitra (7), • Béni Mellal-Khénifra (9), • Casablanca-Settat (17), • Marrakech-Safi (9), • Drâa-Tafilalet (3), • Souss-Massa (8), • Guelmim-Oued Noun (3), • Laâyoune-Sakia El Hamra (4), • et Dakhla-Oued Eddahab (1).

Rendez-vous au Parlement en mai 2026

L e processus de réforme structurelle des régimes de retraite au Maroc connaît un nou- vel élan. A la suite des discussions du dialogue social d’avril 2025, le gouvernement et les partenaires sociaux ont relancé les travaux de la Commission nationale chargée d’orchestrer cette refonte majeure. Cette démarche s’inscrit dans la continuité des engagements pris lors des précédentes ses- sions, notamment celle d’avril 2024, et repose sur trois fondements : la mise en place d’un système à deux pôles (public et privé), la préservation des droits acquis et le renforcement de la gouvernance selon les meilleures pratiques internationales. Réunie le 17 juillet 2025, la Commission nationale a défini une feuille de route en deux phases. Première phase : l’élaboration technique. Une commission technique, émanant de la Commission nationale, planchera sur les aspects techniques du scénario de réforme proposé par le gouvernement. Elle analysera les remarques des partenaires sociaux et proposera un ou plusieurs scénarios à soumettre à la validation de la Commission nationale avant avril 2026. Deuxième phase : le circuit législatif. Cette étape, cruciale pour concrétiser la réforme, consis- tera à rédiger les textes législatifs et réglementaires nécessaires à sa mise en œuvre. Ces textes seront ensuite soumis au Parlement dès mai 2026. ◆ L e Maroc a franchi une nouvelle étape décisive dans la refonte de son système national de santé. Le budget du ministère de la Santé et de la Protection sociale connaîtra une progression importante en 2026, passant de 32,6 Mds de DH en 2025 à 42,4 Mds de DH, soit une hausse de 9,8 milliards de dirhams, équivalente à plus de 30%. Selon la note de présentation du Projet de Loi de Finances, entre 2021 et 2025, les crédits (hors crédits d’engagement) avaient déjà bondi de 19,7 milliards de dirhams à 32,6 milliards, soit une progression de 65%. L’année 2026 sera marquée par la consolidation et l’accélération des réformes engagées, avec des chantiers d’envergure. Le ministère prévoit d’allouer 5,3 milliards de dirhams à la construction et à l’équipement des CHU, notamment le nouvel hôpital Ibn Sina à Rabat, dont l’achèvement est prévu pour 2026, ainsi que ceux de Béni Mellal, Guelmim et Errachidia. Ces projets permettront d’augmenter la capacité litière du réseau public de plus de 3.800 lits. En parallèle, 2,5 milliards de dirhams seront mobilisés pour renforcer l’offre hospitalière, à travers la construction de centres hospitaliers provinciaux et régio- naux, d’hôpitaux psychiatriques, de structures spécialisées et d’hôpitaux de proximité. Entre 2022 et 2025, 22 projets ont déjà été finalisés, représentant une capacité totale de 2.433 lits. ◆ Un budget en hausse de 30% à 42,4 milliards de dirhams pour 2026 Santé

Cette opération, dotée d’une enveloppe de 1,32 milliard de dirhams en crédits de paiement et 2 milliards de dirhams en crédits d’engagement, vise à améliorer la qualité des soins. Par ailleurs, pour moderniser les infrastructures et équipe- ments sanitaires, le ministère prévoit de consacrer 550 mil- lions de dirhams à la mise à niveau du réseau hospitalier, y compris les services d’urgence. Le programme de réhabilitation des établissements de soins de santé primaires (ESSP) se poursuivra également. Après une première phase portant sur 1.400 centres de santé, la deuxième phase visera 1.600 nouveaux centres. L’enveloppe allouée pour 2026 s’élève à 1,47 milliard de dirhams en crédits de paiement et 1,26 milliard en crédits d’engagement. A terme, le nombre total de centres réha- bilités atteindra 3.000, dont une majorité en milieu rural. De même, dans le cadre de la création de l’Agence marocaine du sang et de ses dérivés, le ministère lancera la construction de 12 centres régionaux de transfusion sanguine, avec un premier financement de 200 millions de dirhams en 2026 pour deux centres pilotes : Casablanca- Settat et Rabat-Salé-Kénitra. Sur le plan organisationnel, la gouvernance sanitaire terri- toriale (GST) sera progressivement opérationnelle après le lancement du GST de Tanger-Tétouan-Al Hoceïma, le 1 er octobre 2025, avant une généralisation aux autres régions du Royaume. Enfin, la digitalisation du système national de santé connaîtra une nette accélération en 2026, avec la généralisation du dossier patient partagé, de la feuille de soins électronique et la mise en place de l’interopérabilité entre les différents systèmes d’information hospitaliers. ◆

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Un nouveau coup de pouce aux TPME

L’Etat maintient son soutien au gaz, au sucre et à la farine de blé en 2026

L e décret n° 2-25-342 relatif à l’opération- nalisation du dispo- sitif de soutien spéci- fique destiné aux très petites, petites et moyennes entre- prises (TPME), a été publié en juillet 2025.

D ans le cadre de la rationalisation des participations du portefeuille public de l’Etat et en cohérence avec les orientations de la réforme des EEP, des sché- mas institutionnels intégrés, cohérents et performants seront développés à l’effet de renforcer à la fois la lisibilité de l’action publique et l’efficience de son déploiement. A cet effet, et pour répondre aux impératifs de mobilisation des ressources pour le budget de l’Etat dans le cadre du Projet de Loi de Finances pour l’année 2026, des opé- rations de cession public-public ont été identifiées avec une valeur cumulée d’environ 8 milliards de dirhams. Ces opérations constituent une opportunité stratégique, tant pour l’optimisation du portefeuille public que pour le financement de l’Etat, indique-t-on dans la note de présentation du Projet de Loi de Finances 2026. ◆ Des cessions d’actifs pour environ 8 Mds de DH Pour ce faire, une offre d’accompagnement à la carte sera mise en place, adaptée aux besoins spécifiques de chaque entreprise selon son cycle de vie (TPME en forte crois- sance, TPME en difficulté, TPME en quête de compétitivité ou TPME disposant d’un potentiel d’exportation). Afin d’assurer la pérennité du dispositif, un nouveau cadre contractuel entre l’Etat et l’ANPME sera conclu pour la période 2025-2030, offrant une visibilité pluriannuelle et un cadre institutionnel stable à l’ensemble du programme. ◆ Cette nouvelle mesure, issue de la Charte de l’investisse- ment, ambitionne de renforcer la compétitivité des TPME et de consolider leur rôle moteur dans la dynamique écono- mique nationale. Selon la note de présentation du Projet de Loi de Finances 2026, le dispositif s’articule autour de trois priorités essentielles : • la création d’emplois stables, afin d’encourager l’embauche durable au sein des TPME. • la réduction des disparités territoriales, pour favoriser le développement économique local dans les provinces et préfectures les moins intégrées au tissu productif national. • le soutien aux activités prioritaires, visant les secteurs à fort potentiel de croissance et à caractère structurant pour la relance économique. Le soutien financier prend la forme de trois primes cumulables, pouvant atteindre 30% du montant d’investissement primable. Il s’agit de la prime à la création d’emplois stables, la prime territoriale et la prime sectorielle, destinée aux activités contribuant directement à la relance économique. Pour garantir l’efficacité du dispositif, une gouvernance régionalisée a été instaurée à travers les Centres régionaux d’investissement (CRI), chargés de simpli- fier les circuits de décision et d’accélérer le versement des primes. L’année 2026 marquera ainsi une étape décisive avec la mise en œuvre effective du dis- positif, après la finalisation des arrêtés d’application du décret n° 2-25-342. Ce lancement s’articulera autour de plusieurs étapes, notamment le lancement d’appels à projets, la réception et l’instruction des dossiers d’investissement déposés par les entreprises, la contractualisation des conventions d’investissement et le versement des primes prévues, conformément aux dispositions contractuelles. Au-delà du soutien financier, le gouver- nement prévoit la création d’un nouveau dispositif d’assistance technique et d’accom- pagnement, piloté par l’Agence nationale pour la promotion de la petite et moyenne entreprise (ANPME). L’objectif est clair : maximiser le potentiel de croissance des TPME, préserver et créer des emplois et consolider le tissu économique national.

P our préserver le pouvoir d’achat des ménages et garantir un approvisionnement régulier du pays en produits de base, le gouvernement poursuivra en 2026 sa politique de soutien aux prix du gaz butane, du sucre et de la farine natio- nale de blé tendre. L’Etat a ainsi mobilisé une enveloppe globale de 13,77 milliards de dirhams dans le Projet de Loi de Finances 2026. Entre janvier et août 2025, l’effort financier consenti a déjà été considérable. La subvention moyenne versée pour une bonbonne de 12 kg de gaz butane s’est établie à 53,47 dirhams, en recul de 14% par rapport à la même période de 2024. La charge globale de compensation du gaz s’est ainsi élevée à 8,5 milliards de dirhams, soit une baisse annuelle de 17%. Concernant le sucre, l’Etat a continué à soutenir à la fois l’importation et la consommation. La subvention additionnelle moyenne pondérée à l’importation du sucre brut a atteint 0,58 dirham/kg, contre un niveau bien supérieur en 2024 (-73%). La charge totale à l’importation s’est ainsi limitée à 356 millions de dirhams, en recul de 74% sur un an. Pour le sucre raffiné, la subvention à la consommation, fixée à 3,64 dirhams/kg, a représenté une enveloppe de 3,05 milliards de dirhams au titre de la période janvier-août 2025, en légère hausse de 0,8% en glissement annuel. S’agissant du blé tendre, l’Etat a maintenu la suspen- sion des droits de douane à l’importation en 2025 et octroyé une prime forfaitaire de 6,33 dirhams/quintal sur la période janvier-août 2025, en forte baisse par rapport aux 13,17 dirhams/quintal enregistrés un an plus tôt (-51%). L’effort budgétaire pour le soutien à l’importation du blé tendre a ainsi atteint 257 millions de dirhams à fin août 2025, soit une diminution de 65% par rapport à la même période de l’année 2024. Le soutien à la farine nationale de blé tendre, quant à lui, s’est élevé à 880 millions de dirhams sur la période janvier-août 2025, incluant la valorisation de la produc- tion locale, notamment la prise en charge des frais de stockage et de magasinage. En outre, le gouvernement a poursuivi son appui en faveur des populations des provinces du Sud, avec un soutien direct de 88 millions de dirhams sur la même période. ◆

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Maroc soulève des enjeux mul- tiples. Pour le régulateur, il s’agit de concilier l’ouverture à l’innova- tion avec la préservation d’un sys- tème bancaire reconnu pour sa solidité. Pour les acteurs locaux, c’est l’annonce d’une concur- rence inédite, susceptible d’accé- lérer la modernisation numérique des services financiers. Et pour les consommateurs, la perspective d’une offre plus fluide, moins chère, et centrée sur l’expérience utilisateur. Le Maroc constitue, pour Revolut, un terrain d’expansion idéal : un pays relativement stable, à forte connectivité, et encore sous-ban- carisé. Selon Bank Al-Maghrib, 42% des Marocains n’ont tou- jours pas de compte bancaire. La néobanque y voit un poten- tiel de croissance considérable, notamment parmi les jeunes urbains et les Marocains résidant à l’étranger. Ces derniers trans- fèrent chaque année plus de 100 milliards de dirhams; un segment stratégique où Revolut, forte de son expertise internationale en transferts multidevises, peut rapi- dement s’imposer. Les premiers pas d’une stratégie graduelle ? Consciente des contraintes réglementaires, Revolut devrait débuter par une approche pro- gressive. Sa première étape consisterait à opérer sous le sta- tut d’établissement de paiement, une formule plus accessible que la licence bancaire complète. Ce cadre lui permettrait de propo- ser des cartes prépayées, des transferts internationaux et des solutions de paiement aux com- merçants. «Ils pourraient commencer par les transferts transfrontaliers des MRE, les solutions de paiement pour les commerçants, ou encore s’allier à un acteur local pour pro- poser certains de ses services innovants», explique l’expert fintech Yassine Regragui. «Le déploiement de l’ensemble des services de Revolut au Maroc, tels qu’ils existent en Europe, est quasi-impossible en raison de la réglementation et des exigences locales» , souligne-t-il.

 100% digitale, Revolut incarne la nouvelle génération de banques sans guichets : tout se joue sur l’application, de l’ouverture de compte aux transferts….

Revolut Un stress test grandeur nature pour les banques marocaines ?

es discussions entre la néo- banque britannique Revolut et Bank Al-Maghrib entrent dans une phase décisive. Après une première rencontre en juin der- nier, le Conseil d’administration de Revolut doit se rendre à Rabat durant ce mois d’octobre pour présenter ses projets. Le wali de la Banque centrale, Abdellatif Jouahri, a confirmé l’in- formation fin septembre : le régu- lateur étudiera le dossier avec attention, mais dans le respect d’un principe intangible, préser- ver la stabilité du marché. L Revolut veut poser ses valises au Maroc, avec l’ambition de bousculer un marché bancaire réputé solide, mais encore très fermé. Face à elle, Bank Al-Maghrib avance avec prudence, décidée à accueillir l’innovation sans compromettre l’équilibre du système. Entre la fougue d’une néobanque mondiale et la vigilance d’un régulateur, le pays s’apprête à vivre un face-à-face révélateur de sa maturité financière. Par R. Mouhsine est posé : ouverture, oui; dérégu- lation, non.

sa transparence. Mais au Maroc, l’aventure s’an- nonce plus complexe. L’obtention d’un agrément bancaire est un processus long et exigeant. Au-delà du capital requis (200 millions de dirhams au minimum), le projet doit démontrer une réelle valeur ajoutée pour l’économie nationale et s’intégrer sans per- turber l’écosystème existant. Ces critères constituent la colonne vertébrale de la politique de Bank Al-Maghrib, qui, depuis la der- nière licence octroyée en 2015 à CFG Bank, se montre parti- culièrement sélective envers les nouveaux entrants. L’arrivée éventuelle de Revolut au

Entre appétit d’innovation et prudence marocaine La démarche de Revolut s’ins- crit dans un contexte mondial d’expansion accélérée. Présente dans plus de 140 pays, la fin- tech britannique s’est imposée en une décennie comme l’un des visages de la révolution bancaire numérique : comptes multidevises, transferts instanta- nés, investissements boursiers et en cryptomonnaies, gestion d’assurance ou d’abonnement depuis une seule application. Son modèle séduit par sa simplicité et

«Nous ne pouvons pas permettre à un nouvel acteur de déstabiliser le marché» , a-t-il prévenu. Le ton

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Dans ce contexte, Revolut adopte elle aussi un ton de pru- dence. Contacté par Finances News Hebdo, le directeur de la Communicaton Europe de l’Ouest du groupe, Elliot Lenepveu, admet que Revolut en est encore «aux premières étapes du processus» de négociations. «Le Maroc est un marché que nous évaluons actuellement et que nous considérons comme attractif, avec le potentiel d’of- frir à l’avenir une proposition de valeur unique à nos utilisateurs» , précise le responsable. L’enjeu est donc double : tester la capacité du marché marocain à absorber les services d’une fintech mondiale, et démontrer à Bank Al-Maghrib que l’innovation peut dialoguer avec la régulation, sans la contourner. Plus qu’un simple nouvel acteur, Revolut représente un véritable test de résistance pour le modèle bancaire marocain. Le secteur, bien que solide et rentable, reste marqué par une forte concen- tration, avec cinq groupes qui contrôlent près de 80% des actifs. Cette structure a permis au pays de traverser les crises sans secousses majeures, mais elle freine parfois la diffusion de l’innovation. Face à la montée des usages digi- taux, Bank Al-Maghrib pousse déjà les établissements locaux à renforcer leurs offres en ligne et à s’ouvrir aux fintechs. L’arrivée de Revolut pourrait accélérer cette dynamique, en créant une saine émulation. Les banques traditionnelles devront repenser leurs modèles, réduire les coûts de transaction et améliorer l’ex- périence client. « Indirectement, Revolut pourrait les pousser à le faire, en jouant le rôle de révéla- teur et non en sauveur» , estime Yassine Regragui. Mais ce stress test comporte des risques : celui de voir les acteurs locaux perdre des parts de marché, celui d’une dépen- dance technologique étrangère, ou celui d’un choc concurrentiel mal encadré. BAM avance donc sur une ligne de crête : encou- rager l’innovation sans compro- mettre la souveraineté financière.

 Une rencontre est prévue en octobre entre le Conseil d'adminis- tration de Revolut et le wali de Bank Al-Maghrib, Abdellatif Jouahri.

pas explosive», résume Yassine Regragui. Revolut devra donc adapter son modèle global aux spécificités marocaines : usage du Dirham, réglementation des changes, encadrement des don- nées et conformité AML-CFT. Ce dialogue entre innovation et régulation sera la clé de voûte du projet. Au-delà de la bataille de licences, le dossier Revolut symbolise un moment charnière. Le Maroc entre dans une nouvelle ère financière où les frontières entre banques, fintechs et plateformes technologiques deviennent poreuses. BAM entend garder la main sur ce mouvement : inté- grer les fintechs dans l’écosys- tème, plutôt que de les laisser

le bouleverser. Revolut envisage de débarquer au Maroc avec la promesse d’une petite révolution bancaire, mais Bank Al-Maghrib veille au grain pour garder le contrôle. Entre innovation et prudence, le Royaume pourrait bien devenir le tremplin africain des fintechs. À condition, bien sûr, que la modernité danse au rythme des règles locales. ◆ Revolut est une fintech britan- nique, fondée en juillet 2015 à Londres par Nikolay Storonsky et Vlad Yatsenko. Son ambition affichée : construire une «super- application financière» permet- tant à chacun - particulier ou entreprise - de faire «toutes les choses liées à l’argent» (dépenses, épargne, investisse- ments, emprunts, gestion) en quelques clics. Les services offerts incluent : comptes multidevises, cartes (virtuelles / physiques), trans- ferts internationaux, change de devises, investissements (actions, cryptomonnaies), paiement mobile, assurance et outils de gestion (budgets, ana- lytique). Revolut fonctionne essentielle- ment sans agences physiques: tout passe par l’application mobile, ce qui lui permet d’en- trer rapidement sur de nou- veaux marchés à coûts réduits, mais aussi de dépendre forte- ment de l’infrastructure tech- nologique et de la régulation. Revolut, c’est quoi ?

Le Maroc, tête de pont africaine ?

Pour Revolut, le Maroc pour- rait devenir sa tête de pont vers l’Afrique francophone. Sa stabi- lité macroéconomique, son sys- tème bancaire intégré, et son influence régionale en font une base naturelle pour rayonner vers l’Afrique de l’Ouest et du Centre. Le Royaume, déjà hub financier reconnu à travers Casablanca Finance City, y trouverait un levier supplémentaire pour confor- ter son ambition de devenir un centre régional de la fintech. Pour autant, le pari reste condi- tionné à la réussite locale. «Le Maroc est en pleine révolution fintech et la réglementation veut une évolution contrôlée,

Quelques chiffres clés

En moins de dix ans, Revolut est passée du statut de startup londonienne à celui de masto- donte mondial de la fintech. Ses chiffres illustrent l’ampleur du phénomène. Utilisateurs : plus de 52 millions de clients particuliers à fin 2024, contre 37 millions un an plus tôt (+40%). Clients entreprises : environ 1,3 million de sociétés utilisent Revolut Business pour leurs paiements et facturations. Chiffre d’affaires : 3,1 milliards de Livres sterling en 2024, en hausse de 72% sur l’année précédente. Bénéfice avant impôts : 1,1 milliard de Livres, soit une progression de près de 150% en un an. Dépôts clients : environ 30,2 milliards de Livres à fin 2024, contre 18,2 milliards en 2023 (+66%). Volume de transactions : environ 940 millions de transactions par mois, pour un total annuel dépassant 11 milliards d’opérations. Nombre d’employés : plus de 8.000 collaborateurs répartis sur une cinquantaine de bureaux dans le monde. Valorisation : estimée à 45 milliards de dollars à l’été 2024, faisant de Revolut la fintech la plus valorisée d’Europe. Rentabilité : Revolut est désormais bénéficiaire pour la deuxième année consécutive, un fait encore rare dans l’univers des néobanques.

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