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BOURSE & FINANCES

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FINANCES NEWS HEBDO JEUDI 23 OCTOBRE 2025

Dans ce contexte, Revolut adopte elle aussi un ton de pru- dence. Contacté par Finances News Hebdo, le directeur de la Communicaton Europe de l’Ouest du groupe, Elliot Lenepveu, admet que Revolut en est encore «aux premières étapes du processus» de négociations. «Le Maroc est un marché que nous évaluons actuellement et que nous considérons comme attractif, avec le potentiel d’of- frir à l’avenir une proposition de valeur unique à nos utilisateurs» , précise le responsable. L’enjeu est donc double : tester la capacité du marché marocain à absorber les services d’une fintech mondiale, et démontrer à Bank Al-Maghrib que l’innovation peut dialoguer avec la régulation, sans la contourner. Plus qu’un simple nouvel acteur, Revolut représente un véritable test de résistance pour le modèle bancaire marocain. Le secteur, bien que solide et rentable, reste marqué par une forte concen- tration, avec cinq groupes qui contrôlent près de 80% des actifs. Cette structure a permis au pays de traverser les crises sans secousses majeures, mais elle freine parfois la diffusion de l’innovation. Face à la montée des usages digi- taux, Bank Al-Maghrib pousse déjà les établissements locaux à renforcer leurs offres en ligne et à s’ouvrir aux fintechs. L’arrivée de Revolut pourrait accélérer cette dynamique, en créant une saine émulation. Les banques traditionnelles devront repenser leurs modèles, réduire les coûts de transaction et améliorer l’ex- périence client. « Indirectement, Revolut pourrait les pousser à le faire, en jouant le rôle de révéla- teur et non en sauveur» , estime Yassine Regragui. Mais ce stress test comporte des risques : celui de voir les acteurs locaux perdre des parts de marché, celui d’une dépen- dance technologique étrangère, ou celui d’un choc concurrentiel mal encadré. BAM avance donc sur une ligne de crête : encou- rager l’innovation sans compro- mettre la souveraineté financière.

 Une rencontre est prévue en octobre entre le Conseil d'adminis- tration de Revolut et le wali de Bank Al-Maghrib, Abdellatif Jouahri.

pas explosive», résume Yassine Regragui. Revolut devra donc adapter son modèle global aux spécificités marocaines : usage du Dirham, réglementation des changes, encadrement des don- nées et conformité AML-CFT. Ce dialogue entre innovation et régulation sera la clé de voûte du projet. Au-delà de la bataille de licences, le dossier Revolut symbolise un moment charnière. Le Maroc entre dans une nouvelle ère financière où les frontières entre banques, fintechs et plateformes technologiques deviennent poreuses. BAM entend garder la main sur ce mouvement : inté- grer les fintechs dans l’écosys- tème, plutôt que de les laisser

le bouleverser. Revolut envisage de débarquer au Maroc avec la promesse d’une petite révolution bancaire, mais Bank Al-Maghrib veille au grain pour garder le contrôle. Entre innovation et prudence, le Royaume pourrait bien devenir le tremplin africain des fintechs. À condition, bien sûr, que la modernité danse au rythme des règles locales. ◆ Revolut est une fintech britan- nique, fondée en juillet 2015 à Londres par Nikolay Storonsky et Vlad Yatsenko. Son ambition affichée : construire une «super- application financière» permet- tant à chacun - particulier ou entreprise - de faire «toutes les choses liées à l’argent» (dépenses, épargne, investisse- ments, emprunts, gestion) en quelques clics. Les services offerts incluent : comptes multidevises, cartes (virtuelles / physiques), trans- ferts internationaux, change de devises, investissements (actions, cryptomonnaies), paiement mobile, assurance et outils de gestion (budgets, ana- lytique). Revolut fonctionne essentielle- ment sans agences physiques: tout passe par l’application mobile, ce qui lui permet d’en- trer rapidement sur de nou- veaux marchés à coûts réduits, mais aussi de dépendre forte- ment de l’infrastructure tech- nologique et de la régulation. Revolut, c’est quoi ?

Le Maroc, tête de pont africaine ?

Pour Revolut, le Maroc pour- rait devenir sa tête de pont vers l’Afrique francophone. Sa stabi- lité macroéconomique, son sys- tème bancaire intégré, et son influence régionale en font une base naturelle pour rayonner vers l’Afrique de l’Ouest et du Centre. Le Royaume, déjà hub financier reconnu à travers Casablanca Finance City, y trouverait un levier supplémentaire pour confor- ter son ambition de devenir un centre régional de la fintech. Pour autant, le pari reste condi- tionné à la réussite locale. «Le Maroc est en pleine révolution fintech et la réglementation veut une évolution contrôlée,

Quelques chiffres clés

En moins de dix ans, Revolut est passée du statut de startup londonienne à celui de masto- donte mondial de la fintech. Ses chiffres illustrent l’ampleur du phénomène. Utilisateurs : plus de 52 millions de clients particuliers à fin 2024, contre 37 millions un an plus tôt (+40%). Clients entreprises : environ 1,3 million de sociétés utilisent Revolut Business pour leurs paiements et facturations. Chiffre d’affaires : 3,1 milliards de Livres sterling en 2024, en hausse de 72% sur l’année précédente. Bénéfice avant impôts : 1,1 milliard de Livres, soit une progression de près de 150% en un an. Dépôts clients : environ 30,2 milliards de Livres à fin 2024, contre 18,2 milliards en 2023 (+66%). Volume de transactions : environ 940 millions de transactions par mois, pour un total annuel dépassant 11 milliards d’opérations. Nombre d’employés : plus de 8.000 collaborateurs répartis sur une cinquantaine de bureaux dans le monde. Valorisation : estimée à 45 milliards de dollars à l’été 2024, faisant de Revolut la fintech la plus valorisée d’Europe. Rentabilité : Revolut est désormais bénéficiaire pour la deuxième année consécutive, un fait encore rare dans l’univers des néobanques.

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