FNH N_ 1212

BOURSE & FINANCES

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FINANCES NEWS HEBDO JEUDI 23 OCTOBRE 2025

Family offices - Gestion de patrimoine «Le Maroc doit passer d’une culture de possession à une culture patrimoniale»

•Encourager la création de Family offices locaux pour éviter la fuite de capitaux vers la Suisse, Dubaï ou Paris. •Développer des investissements productifs : Private equity, infras- tructures, énergies renouvelables, économie digitale. Le Maroc peut devenir une plate- forme patrimoniale pour l’Afrique, mais il doit agir vite. F. N. H. : Au-delà du cadre juridique, comment faire évoluer la culture patrimo- niale au Maroc vers une approche plus profession- nelle et à long terme ? Kh. K. : Le véritable défi est culturel. Au Maroc, on confond encore patrimoine et immobilier. On pense que l’enrichissement passe uniquement par l’achat de terrains et de bâtiments. Or, élargir la culture patrimoniale est indispensable. Dans les pays occi- dentaux, on parle d’équilibre entre immobilier, placements financiers, retraite, transmission, fiscalité et prévoyance. Le Maroc gagnerait à : •Développer une classe moyenne solide, car elle est le moteur de la diversification patrimoniale. •Introduire réellement les SCPI (pierre-papier), un outil efficace pour investir dans l’immobilier avec seulement 5.000 ou 10.000 DH. Cela permettrait de démocra- tiser l’investissement immobilier et de préparer sa retraite sans être contraint d’acheter un apparte- ment entier ni de gérer les loyers et les travaux d’entretien. •Encadrer et réguler enfin le marché immobilier pour attirer l’épargne productive. • Créer une éducation financière nationale dès le lycée et dans les médias.

Au Maroc, le patrimoine est souvent synonyme de murs et de terrains. Pour Khalid Kabbadj, expert en gestion de patrimoine, cette vision doit évoluer: «posséder ne suffit plus». Le pays a besoin d’apprendre à structurer, protéger et transmettre la richesse; conditions indispensables pour bâtir une véritable industrie patrimoniale nationale.

Propos recueillis par Y. Seddik

Finances News Hebdo: Les Family offices sont aujourd’hui bien implantés aux États-Unis, en Europe et dans les pays du Golfe où ils jouent un rôle clé dans la ges- tion des grands patrimoines familiaux. Au Maroc, nous en sommes encore à un stade embryonnaire. D’après vous, qu’est-ce qui explique ce retard et quelles seraient les premières étapes concrètes pour amorcer leur dévelop- pement ? Khalid Kabbadj : Ce retard s’ex- plique avant tout par un facteur culturel et économique. Au Maroc, on confond encore patrimoine et immobilier. La majorité des inves- tissements se concentre sur l’achat de terrains et la construction, ou l’acquisition de l’or physique, per- çus comme des valeurs refuges traditionnelles. C’est une approche sécuritaire, mais elle limite consi- dérablement la performance glo- bale du patrimoine et ne permet pas de construire une véritable stratégie à long terme. Ensuite, le marché des investisse- ments est insuffisamment diver- sifié. Contrairement à l’Europe ou aux États-Unis, l’épargne bénéficie d’outils sophistiqués (assurance-

vie, PEA, SCPI, Private equity, fonds structurés…). Au Maroc, l’investissement reste majoritaire- ment concentré sur le foncier et la construction. On investit dans des terrains, des appartements, parfois même des immeubles… mais très peu dans des placements finan- ciers structurés. Enfin, il manque un écosystème réglementaire adapté. En France, par exemple, la profession de conseil patrimonial est encadrée (statuts CIF «Conseil en inves- tissement financier», régulation par l’AMF «Autorité des marchés financiers»), et les Family offices reposent sur un cadre juridique et fiscal clair. Au Maroc, il faut créer ce cadre avant d’espérer attirer des capitaux. La première étape ? Former, struc- turer et réguler. Il faut éduquer à la culture patrimoniale, créer des statuts professionnels (conseillers patrimoniaux agréés) et encoura- ger l’État à diversifier l’offre d’in- vestissement pour donner plus d’options aux investisseurs et aux

familles fortunées.

F. N. H. : Si le Maroc parvient à structurer un écosystème crédible autour des Family offices, quel rôle pourrait-il jouer à l’échelle régionale? Peut-il devenir un centre de référence pour la gestion de patrimoine en Afrique du Nord et en Afrique de l’Ouest ? Kh. K. : Oui, sans aucun doute. Le Maroc a un potentiel énorme. C’est un hub financier naturel entre l’Europe et l’Afrique. Casablanca Finance City a déjà posé des bases solides. Si le Maroc structure sa fiscalité, sa régulation et forme des experts, il peut attirer le patrimoine africain et devenir la place financière de référence pour la gestion privée. Pour réussir, il faut : •Moderniser le droit des sociétés familiales. •Organiser la succession d’entre- prise familiale (transmission via le «Pacte Dutreil» comme en France).

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