FNH N_ 1212

ECONOMIE

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FINANCES NEWS HEBDO JEUDI 23 OCTOBRE 2025

Conjoncture «Le Maroc consolide un modèle de croissance endogène et exogène»

celui de l’Égypte à 0,145 dollar, et de la Turquie à 0,162 dollar, consolidant l’avantage compétitif du Maroc. F. N. H. : La croissance agricole reste dépendante du climat. Le modèle doit-il être repensé ? A.Y. : L’agriculture marocaine se trouve aujourd’hui à un tour- nant stratégique, nécessitant un arbitrage entre rendement éco- nomique, équité sociale et soute- nabilité hydrique. Le Maroc reste structurellement dépendant d’une agriculture céréalière extensive couvrant 70% des terres arables, mais à faible rentabilité. Le Fonds monétaire internatio- nal souligne que la croissance marocaine reste étroitement liée au cycle agricole, et selon nos projections économétriques de 2004 à 2024, un écart moyen de contribution de 1,5 point de croissance lors d’une bonne sai- son et seulement 0,5 point lors d’une année de faible pluviomé- trie. Cette dépendance traduit la vulnérabilité du modèle de crois- sance, encore trop tributaire des précipitations et du secteur pri- maire. Le Plan Maroc Vert a permis de doubler les exportations agri- coles, passées de 22 à 46 milliards de dirhams entre 2010 et 2024, mais il a également accentué la dualité entre grandes exploita- tions tournées vers l’export et petites fermes fragiles. La volonté de Sa Majesté le Roi Mohammed VI est de corriger ces déséquilibres en favori- sant l’émergence d’une classe moyenne agricole, socle d’une prospérité rurale inclusive. Cette ambition s’appuie sur la priorisa- tion des cultures à haute valeur ajoutée, comme les fruits rouges, et sur le déploiement d’infrastruc- tures hydriques structurantes. Les stations de dessalement d’eau de mer d’Agadir, Dakhla et Casablanca, ainsi que les auto- routes de l’eau reliant le Nord au Centre, généreront des externa- lités positives majeures comme la sécurisation de la production, l’extension des zones irriguées et la stabilité des revenus ruraux. ◆

Malgré un environnement international instable, le Maroc affiche une croissance plus soutenue que la moyenne régionale. Pour Abdelghani Youmni, économiste, professeur associé à Sciences Po et spécialiste des politiques publiques, cette performance repose sur la diversification industrielle, la transition énergétique et la volonté royale d’ancrer le Royaume dans une trajectoire de développement durable et inclusif.

Propos recueillis par R. Mouhsine

Les investissements directs étrangers ont atteint 5,8 milliards de dollars entre 2024 et 2025, en hausse de 43,5%. Cette dyna- mique témoigne d’une économie capable de transformer les incer- titudes mondiales en opportuni- tés, à condition que le coût de l’énergie reste stable sous les 80 dollars le baril et le taux de change entre Dirham, Euro et Dollar optimal. Entre 2025 et 2030, les perspec- tives demeurent favorables grâce aux nouveaux systèmes d’irriga- tion, à l’essor des filières automo- bile, aéronautique et électronique et au virage industriel voulu par Sa Majesté le Roi Mohammed VI. L’ambition de doter le Royaume d’une industrie navale et logis- tique maritime nationale posi- tionne le Maroc comme un futur pilier du commerce africain et euro-méditerranéen. F. N. H. : La dépendance énergétique reste l’une des fragilités majeures du pays. Peut-on réellement la réduire à moyen terme ? A.Y. : Le Maroc reste fortement dépendant de ses importations énergétiques, qui couvrent près

Finances News Hebdo: Le Maroc semble en bonne posture dans la région MENA. Comment expli- quez-vous cette résilience économique ? Abdelghani Youmni : Le FMI prévoyait une croissance de 3,9% pour 2025, freinée par l’an- ticipation d’une saison agricole moyenne. La pluviométrie abon- dante d’avril et mai a finalement relancé la production céréalière de 35%, portant la croissance à 4,4%, soit la plus forte de la région MENA où la moyenne ne dépasse pas 2,9%. Cette performance s’explique par la solidité des secteurs auto- mobile et aéronautique, dont les exportations ont progressé respectivement à 160 milliards de dirhams et de 21%, ainsi que par l’investissement public annuel avoisinant 320 milliards de dirhams. Ces efforts accom- pagnent la modernisation logis- tique et les grands chantiers liés à la Coupe du monde 2030. Le Maroc consolide un modèle de croissance endogène et exo- gène, appuyé sur la diversifica- tion industrielle et l’intégration aux chaînes de valeur mondiales.

de 94% de ses besoins. En 2022, la facture énergétique a atteint 120 milliards de dirhams, un niveau record lié à la flambée des cours mondiaux après la guerre en Ukraine. En 2023, elle s’est stabilisée autour de 122 milliards avant de reculer à près de 114 milliards de DH en 2024. Cette volatilité rend l’économie vulnérable aux chocs externes. À cela s’ajoutent les sécheresses successives qui font chuter la production agricole de 15 à 20% certaines années, aggravant le déficit commercial et fiscal. Pourtant, la transition énergé- tique en cours ouvre une voie d’émancipation. Les énergies renouvelables représentent aujourd’hui 37% du mix élec- trique et devraient dépasser 52% d’ici 2030 grâce aux projets Noor, Tarfaya et aux futurs complexes d’hydrogène vert à Dakhla et Guelmim. Chaque point de substitution d’énergie fossile par du renou- velable économiserait environ 2 milliards de dirhams par an et renforcerait les réserves de change. Le coût de l’électricité industrielle, évalué à 0,117 dol- lar par kWh, demeure inférieur à

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