FNH N_ 1212

ECONOMIE

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FINANCES NEWS HEBDO JEUDI 23 OCTOBRE 2025

Stress hydrique

Les barrages face au mur de la rareté de l'eau Le Royaume subit sa septième année consécutive de sécheresse, et dans cette lutte acharnée contre la rareté de l’eau, le gouvernement multiplie les initiatives et accélère ses investissements. Mais ces derniers doivent servir tant dans la gestion de la demande que dans celle de l’offre.

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Propos recueillis par Désy M.

ressant le bilan de la situation hydrique, Nizar Baraka ministre de l’Équipement et de l’Eau, a affirmé récemment devant la Chambre des conseillers que «ce que nous vivons aujourd’hui est exceptionnel. Malgré sept années consécutives de séche- resse, nous poursuivons la poli- tique des barrages, développons le dessalement et multiplions les solutions locales afin que chaque citoyen, où qu’il vive, ait accès à une eau potable sûre». Bien que cette année la situation hydrique semble moins drama- tique avec une baisse de pré- cipitation de 20% vs 48% l’an- née dernière, la réalité demeure inquiétante. Les apports du mois de septembre n’ont pas dépassé 160 millions de mètres cubes, tandis que le taux de remplissage des barrages plafonne à 32%. En dix ans, le déficit hydrique s’est creusé de près de 60%, mettant à rude épreuve bar- rages et nappes phréatiques. Selon les orientations de la note

de présentation du projet de Loi de Finances 2026, l’heure est au déploiement accéléré du Programme national pour l’ap- provisionnement en eau potable et d’irrigation (PNAEPI). En effet, depuis l’indépendance, la straté- gie hydraulique nationale repose sur la construction de barrages pour stocker et réguler les eaux de surface. Aujourd’hui, le Maroc compte 156 grands barrages d’une capacité totale estimée à 20,8 milliards de mètres cubes. Mais ce modèle historique a montré ses limites; les retenues s’envasent plus vite qu’elles ne se remplissent, et la raréfaction des pluies rend certains ouvrages moins productifs. Qu’à cela ne tienne, le gouverne- ment maintient le cap et inves- tit massivement dans de nou- velles capacités de stockage et de transfert. L'année 2025 a été marquée par la mise en eau du grand barrage Ghiss (province d’Al Hoceima), avec une capa- cité de 93 millions de m³. De plus, l'achèvement des barrages Koudiat Borna (Sidi Kacem), Béni Azimane (Driouch) et Sidi Abbou (Taounate) est prévu, ajoutant une capacité totale de 256 mil- lions de m³. Quatorze autres sont en construction et onze nouveaux sont programmés pour la période

2025-2027. En parallèle, le ministère mise aussi sur les petits ouvrages. En effet, 155 barrages colli- naires sont dans le pipe, pour un coût global de 6,2 milliards de dirhams, dont 50 déjà lancés. Ces infrastructures de proximité devront sécuriser l’approvision- nement des zones rurales, proté- ger les villages contre les crues et renforcer l’eau disponible pour l’irrigation et le bétail. Toutefois, certains experts esti- ment que le fait de construire des barrages dans un pays qui reçoit de moins en moins de pluies, c’est mobiliser des res- sources coûteuses pour des volumes de plus en plus incer- tains. Pour ces derniers, le Maroc doit désormais investir autant dans la gestion de la demande que dans l’offre. Comme le sou- lignait l’économiste Najib Akesbi dans nos colonnes, «il faut aller aux racines du mal. Jusqu’à pré- sent, en matière d’eau, on a fait essentiellement de la politique de l'offre, avec notamment les barrages, le développement des systèmes d’irrigation, les usines de traitement de l'eau… Après, on attendait que la pluie tombe. Or, l’on s’aperçoit que l'offre a toujours été incertaine, avec en ce moment une réduction dras-

tique et une raréfaction tendan- cielle et extrêmement inquiétante des apports en eau. Preuve en est les barrages qui sont vides, ce qui nous fait une bien belle jambe», constate l’économiste Najib Akesbi. Cette analyse est d’autant plus pertinente que la note de présen- tation du PLF 2026 concentre les efforts sur trois axes majeurs, à savoir le renforcement de l’offre à nouveau, les mesures d’ur- gence et l’économie de l’eau qui s’oriente vers un encadrement de la demande. Encore plus d’offre…surtout urgente Les interconnexions hydriques constituent un axe clé de cette stratégie. La première tranche urgente reliant les bassins de Sebou et de Bouregreg, ache- vé en 2023, a permis de trans- férer près de 871 millions de mètres cubes d’eau vers Rabat, Casablanca et plusieurs zones

En attendant les effets des grands chantiers, le gouvernement déploie des solutions temporaires pour éviter les pénuries et sécuriser l’alimentation en eau potable, surtout dans les zones les plus vulnérables.

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