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ECONOMIE

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FINANCES NEWS HEBDO JEUDI 23 OCTOBRE 2025

tée locale entraîne mécanique- ment une création d’emplois. Néanmoins, selon la loi des ren- dements décroissants (théorie de Rostow), une croissance durable exige une montée en gamme technologique. Or, les chiffres du HCP montrent que le chômage persiste. En effet, sur les quatre premiers exer- cices de la mandature actuelle, le solde net d’emplois reste négatif (-27.000, -157.000, -82.000, +5.000). Cela empêche le Maroc de profiter de son dividende démographique. Les écosystèmes industriels créent des emplois directs durables (tant que la struc- ture productive n'est pas totalement amortie), mais les emplois indirects dépendent fortement de la viabilité des projets, surtout lorsqu’ils sont portés par des investisseurs principalement intéressés par le rendement. Il faut donc des partenariats bien négociés, intégrant des obligations d’embauche locale et des transferts de technolo- gie. Le Maroc progresse dans ce sens, le taux d’intégration visé pour le secteur automo- bile étant de 75% d’ici 2030. Enfin, la formation brute de capital fixe est passée de 30% à 32% du PIB entre 2023 et 2024. Ce dynamisme est porté par des secteurs comme l’énergie ou les télécoms. Toutefois, la productivité du capital reste faible : avec un ICOR (Incremental capital out- put ratio) de 8,1, il faut investir 8,1% du PIB pour générer 1% de croissance, contre 6,8 pour la Turquie, 6,4 pour le Vietnam et 4,0 pour l’Inde. Quant au besoin de financement de l’économie, il est passé de 1,4% à 3,2% entre fin 2023 et fin 2024. F. N. H. : Dans le cadre de la Nouvelle charte de l’investissement, quelle place l’entreprise maro- caine peut-elle réelle- ment occuper dans cette relance économique ? Dispose-t-elle aujourd’hui

 La part de l’inves- tissement public reste largement dominante, représentant 66% du total en 2024, contre seulement 34% pour le secteur privé.

des moyens nécessaires pour y jouer un rôle de premier plan ? Kh. D. : Bien sûr, l’entreprise marocaine doit être pleinement encouragée à tirer profit de la Nouvelle charte de l’investis- sement. Toutefois, il faut bien admettre que l’investissement public reste le principal moteur de la croissance nationale, représentant 66% du total en 2024. L’investissement privé, lui, ne constitue encore que 34% de l’investissement glo- bal. Ce déséquilibre a des répercussions évidentes sur l’impact social et territorial des projets réalisés. L’un des enjeux majeurs aujourd’hui est donc de parvenir à désengager progressivement le budget de l’État du financement systé- matique des grands projets, dans un contexte de pressions croissantes sur les finances publiques et de revendications sociales de plus en plus fortes. Les subventions allouées chaque année aux établisse- ments et entreprises publics (EEP) avoisinent les 40 mil- liards de dirhams. L’Agence nationale de gestion straté- gique des participations de l’État (ANGSPE) a d’ailleurs recommandé, dans un rapport, de transformer certaines de ces entités en sociétés ano- nymes, afin de moderniser leur

gouvernance et d’assurer une gestion plus transparente des deniers publics. Il me semble sage de distin- guer deux types d’investisse- ments publics : • Ceux à vocation lucrative, qui doivent générer des retours financiers et devenir contribu- teurs nets au budget de l’État. • Et ceux à vocation sociale et environnementale, qui peuvent légitimement bénéficier de subventions s’ils permettent de renforcer l’équité territoriale et d’améliorer les services essen- tiels dans les régions les plus marginalisées (zones monta- gneuses, oasis, littoraux, etc.). L’État social, que certains appellent encore l’État-provi- dence, a la responsabilité d’in- vestir dans l’amélioration des conditions de vie des popula- tions laissées-pour-compte. Il s’agit là d’une condition sine qua non pour construire un Maroc plus équilibré, plus soli- daire et véritablement inclusif. Pour que la régionalisation avancée réussisse, il faut d’abord remédier aux dys- fonctionnements structurels

des établissements et entre- prises publics (EEP), afin qu’ils deviennent de véritables vecteurs de convergence des politiques publiques et qu’ils gagnent en efficacité. L’ANGSPE, créée en juillet 2021, devait initialement audi- ter 271 entités : 223 établisse- ments publics non marchands et 43 entreprises publiques à participation directe. Le por- tefeuille public marocain com- prend également 479 filiales et participations, couvrant des secteurs clés comme le loge- ment, l’agriculture ou le social. Bien entendu, les EEP ont un rôle à jouer lorsqu’ils pallient des lacunes dans l’investis- sement privé. Mais lorsqu’ils deviennent eux-mêmes des machines à but lucratif, relé- guant les services sociaux au secteur privé marchand, alors le modèle de société de bien-être est détourné de son objectif. C’est la huitième Commission nationale de l’investisse- ment, tenue le 26 juin 2025, qui a introduit une nouveauté importante : seuls les projets d’un montant supérieur à 250 millions de dirhams relèvent désormais de la compétence de la Commission nationale. Les projets en dessous de ce seuil sont désormais gérés au niveau régional, conformément

Les écosystèmes industriels créent des emplois directs durables, mais les emplois indirects dépendent fortement de la viabilité des projets.

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