FNH N_ 1212

ECONOMIE

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FINANCES NEWS HEBDO JEUDI 23 OCTOBRE 2025

Capital humain «L’enjeu est de passer du modèle plateforme au modèle de l’économie du savoir»

accroître la production de son usine en Serbie, soulignant que «le Maroc offre une main- d’œuvre bon marché» appré- ciée du groupe. Ce différentiel de coût salarial, combiné à une productivité en hausse, amé- liore la compétitivité du site Maroc par rapport à d’autres bases. En somme, les investis- seurs étrangers sont séduits par un combo gagnant: des talents locaux bien formés, encadrés par des institutions de forma- tion dédiées, et un coût de revient maîtrisé. Cela a permis au Maroc de devenir une pla- teforme industrielle de premier plan, accueillant des construc- teurs automobiles (Renault, Stellantis) et aéronautiques (Boeing, Safran, Airbus…) qui intègrent le pays dans leurs chaînes de valeur mondiales. Cette stratégie porte ses fruits en termes d’emplois et d’ex- portations. Dans l’automobile, le Maroc est devenu le pre- mier producteur africain, avec plus de 700.000 véhicules de capacité annuelle en 2021 et 220.000 emplois créés entre 2014 et 2021, dépassant lar- gement les objectifs initiaux. L’aéronautique, deuxième pilier industriel, exporte pour plus de 2 milliards de dollars et pré- voit un doublement d’ici la fin de la décennie. Ces résultats témoignent du rôle central du capital humain marocain dans la réussite de ces industries : sans techniciens et ingénieurs compétents, pas d’usines per- formantes ni d’investissement durable. Les entreprises inter- nationales le reconnaissent en intégrant fortement la formation continue et le transfert de com-

Avec ses 11.000 ingénieurs multidisciplinaires formés par an en 2024 et ses milliers de techniciens supérieurs, le Maroc possède une richesse énorme en capital humain de qualité reconnue. Mais celle-ci profite plus aux grands groupes industriels internationaux, qu’à son propre leadership industriel. À quand le Safran ou le Stellantis « Made in Morocco» ? Eléments de réponse avec Oussama Ritahi, professeur de sciences économiques à l’Université Hassan II de Casablanca.

Propos recueillis par Désy M.

Finances News Hebdo: Quelle est la place du capi- tal humain marocain dans l’attractivité de grands industriels mondiaux comme Safran, Stellantis ou Siemens Energy ? Quels aspects de ce capi- tal humain séduisent le plus les investisseurs étrangers ? Pr. Oussama Ritahi : Depuis le début des années 2000, le Maroc mise sur son capi- tal humain pour renforcer son attractivité industrielle. La dis- ponibilité d’une main-d’œuvre qualifiée et compétitive est sou- vent citée par les multinatio- nales comme un facteur déci- sif. Par exemple, le PDG de Safran a récemment salué un «Royaume plein de talents et en pleine dynamique industrielle», mettant en avant l’excellence des écoles d’ingénieurs, la qua- lification de la main-d’œuvre locale et la stabilité du pays.

De fait, le Maroc forme chaque année un nombre croissant de diplômés : environ 11.000 ingé- nieurs par an en 2024 (toutes spécialités confondues) sortent des universités et écoles, aux- quels s’ajoutent des milliers de techniciens supérieurs. Ces compétences locales, souvent bilingues et habituées aux stan- dards internationaux, consti- tuent un vivier précieux pour les investisseurs étrangers. Les grands industriels comme Safran, Stellantis ou Siemens Energy trouvent au Maroc des salariés capables d’apprendre rapidement et de travailler selon les exigences du secteur. L’implantation de centres de formation spécialisés en par- tenariat avec ces industriels en est une preuve. Dans l’aéro- nautique, l’Institut des métiers

de l’aéronautique (IMA) -créé avec Boeing, Safran et Airbus- adapte les formations aux standards mondiaux, garantis- sant une main-d’œuvre qua- lifiée alignée sur les besoins du secteur. De même, lorsque Siemens Gamesa a ouvert à Tanger la première usine de pales éoliennes d’Afrique en 2017, elle a placé «le capital humain au cœur de sa straté- gie» en créant un centre de for- mation interne pour 464 tech- niciens afin de maîtriser ces technologies avancées. Outre la qualification, le coût compétitif du travail maro- cain renforce l’attrait pour les industriels. Face à la pénurie de main-d’œuvre abordable en Europe de l’Est, Stellantis a par exemple fait appel à des ouvriers marocains pour

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