FNH N_ 1212

ECONOMIE

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FINANCES NEWS HEBDO JEUDI 23 OCTOBRE 2025

étrangères et acteurs locaux. On voit aussi des initiatives de codéveloppement technolo- gique dans les énergies renou- velables et l’aéronautique : par exemple, des entreprises maro- caines collaborent désormais avec Airbus sur des pièces carbone, ou avec des groupes énergétiques sur l’hydrogène vert. Ces coopérations per- mettent de partager la propriété intellectuelle et d’apprendre au passage. • Innovation locale et startups: Enfin, bâtir une économie du savoir passe par le soutien à l’innovation locale décorrélée des seuls grands groupes. Les grands projets d’investissement devraient irriguer le tissu entre- preneurial via des mécanismes de sous-traitance aux startups, des incubateurs industriels, ou des laboratoires communs avec les universités. Le Maroc commence à investir ce ter- rain à travers des programmes comme Morocco Tech, et en invitant ses champions de la diaspora à rapatrier connais- sances et projets. À terme, le succès se mesurera au nombre de brevets, de produits ou logi- ciels «inventés au Maroc» et uti- lisés globalement, plutôt qu’au seul volume des exportations industrielles. L’ambition est de passer d’une «plateforme de production» à un hub régional de l’économie de la connais- sance, où la fabrication reste importante, mais où les déci- sions stratégiques, la concep- tion et la propriété intellec- tuelle seraient aussi «made in Morocco». Les pouvoirs publics en sont conscients et orientent désor- mais les politiques industrielles vers plus d’intégration locale, de R&D et de partenariat édu- catif, afin que le label «Made in Morocco» signifie demain non seulement produit au Maroc, mais aussi pensé et conçu au Maroc. C’est à ce prix que le Maroc passera du statut de pla- teforme de production à celui d’économie du savoir dyna- mique au sein de la mondiali- sation. ◆

 Dans l’industrie, les autorités ont mis en place des «Cités des métiers et des compétences» dans chaque région pour ajuster

les cursus aux besoins des investisseurs et aux métiers d’avenir.

tains économistes ont appelé un «modèle-plateforme» cen- tré sur l’attraction des inves- tissements directs étrangers (IDE) pour alimenter la crois- sance. Cette stratégie a réussi à attirer de grands groupes comme Renault (à Tanger), Safran, Bombardier ou Airbus (à Casablanca), avec l’idée que leur sillage créerait «une mul- titude d’opportunités pour des sous-traitants » locaux. L’enjeu maintenant est de passer du modèle plateforme au modèle de l’économie du savoir, où l’innovation «Made in Morocco» jouera un rôle de premier plan. Plusieurs axes peuvent y contri- buer : • Localisation de la R&D et de l’ingénierie : Il s’agit d’inciter les multinationales à installer non seulement des lignes d’assem- blage, mais aussi des centres d’ingénierie et de développe- ment produit au Maroc. Des progrès sont visibles : en 2025, Renault a annoncé la création de Renault Technologie Maroc, un centre d’ingénierie réparti entre Tétouan (hub techno- logique) et Tanger (ingénierie en usine). Ce centre a pour mission de valoriser l’écosys- tème local (fournisseurs, écoles d’ingénieurs) et de déve- lopper des pôles de compé- tences qui serviront non seu- lement les usines marocaines, mais aussi d’autres centres d’ingénierie du groupe dans le monde. De même, Casablanca

Aerospace City accueille déjà des centres de R&D aux côtés des lignes d’assemblage dans l’aéronautique. En favorisant de tels investissements dans la conception et l’ingénierie, le Maroc peut ancrer plus de valeur ajoutée localement et permettre à ses ingénieurs de participer à l’innovation, et pas seulement à l’exécution. • Formation et expertise poin- tue : Les grands projets doivent s’accompagner de programmes de formation avancée pour créer une main-d’œuvre haute- ment spécialisée. Le lancement d’un centre d’excellence Oracle en IA et cloud à Casablanca montre par exemple la volonté d’attirer aussi des projets tech- nologiques et de R&D pure. Dans l’industrie, les autorités ont mis en place des «Cités des métiers et des compétences» dans chaque région pour ajus- ter les cursus aux besoins des investisseurs et aux métiers d’avenir. L’objectif est de passer d’ouvriers exécutants à des techniciens experts et ingénieurs innovants, capables d’apprendre les nouvelles technologies (automatisation, robotique, industrie 4.0) et de les développer localement. À terme, le Maroc vise à former 15.000 ingénieurs par an et mul- tiplier les filières spécialisées (data science, cybersécurité, électronique…), afin de dispo- ser du capital humain pour une économie fondée sur le savoir

plutôt que sur la seule main- d’œuvre bon marché. • Intégration locale et co- innovation : Utiliser les grands investissements comme trac- teurs pour tout un écosystème. Par exemple, le partenariat renouvelé avec Stellantis pré- voit d’augmenter le sourcing local à 2,5 milliards d’euros dès 2023 et 3 milliards en 2025, en développant le tissu de four- nisseurs marocains. Cela va de pair avec la création de 3.000 postes d’ingénieurs et tech- niciens hautement qualifiés, venant s’ajouter aux milliers d’emplois de production déjà existants. L’idée sous-jacente est que plus de composants seront conçus/fabriqués loca- lement, plus le savoir-faire industriel s’ancrera. Le Maroc cherche à porter le taux d’inté- gration dans l’automobile de 60% à 80% en incluant des composants complexes (verre, aluminium, électronique). Cet approfondissement des chaînes de valeur nationales est essentiel pour que les filiales étrangères s’appuient sur des capacités locales en ingénierie, en prototypage, en test, etc., et pour que des co-développe- ments émergent entre firmes

Les meilleurs ingénieurs marocains sont souvent recrutés par les multinationales présentes au Maroc ou à l’étranger, ce qui contribue à une fuite de cerveaux.

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