FNH N° 1169

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JEUDI 17 OCTOBRE 2024 / FINANCES NEWS HEBDO

DEVELOPPEMENT DURABLE

de certificats et la nécessité d'une certification crédible restent des obstacles à surmonter pour la cré- dibilité de ce marché à l'échelle mondiale.

Le FCCM : Un précédent à méditer

En 2008, le Maroc avait déjà tenté de lancer un marché carbone avec la création du Fonds capital car- bone Maroc (FCCM), sans succès. Selon Guemra, cet échec s’explique par un démarrage trop précoce, dans un contexte où les éner- gies renouvelables étaient encore peu développées. Aujourd’hui, le contexte a évolué avec la montée en puissance des grands projets renouvelables en haute tension et très haute tension qui génèrent du CO2 évité, et dont les certificats de ces projets peuvent être vendus en quelques heures. Le défi se situe au niveau de l’étroi- tesse du marché. « En dehors de ces grands projets renouvelables, il est essentiel de travailler avec les entre- prises industrielles en moyenne ten- sion. Mais le système actuel limite drastiquement la part des renouve- lables pour cette catégorie à 2,4% de la production nationale, pour ne pas dire à rien» , analyse l’expert. Il souligne également les défis liés à l’autoproduction sur site, qui reste restreinte par les surfaces dispo- nibles pour les installations photo- voltaïques. Toutes ces restrictions freinent la dynamique du marché, réduisant le nombre de certificats disponibles et, par conséquent, la fluidité des échanges. Pour que ce projet prenne son essor, le Maroc devra repenser sa réglementation en matière de renouvelables. «Le taux de décar- bonation national à 6% est un indi- cateur qui montre le grand retard que nous avons en matière de transition énergétique, mais aussi le formidable potentiel qui reste à mettre en valeur», estime Guemra. En atteignant une taille critique de certificats carbone, le pays pour- rait non seulement répondre à ses propres besoins de décarbonation, mais aussi se positionner comme un acteur clé sur le marché africain, voire au-delà. ◆

 En 2023, le Maroc n’a totalisé que 6,67 millions de tonnes de CO2 évitées contre 120 Mt de CO2 émises annuellement.

Marché carbone régional

Au-delà de ses avancées en énergies renouvelables, le Royaume veut aujourd'hui franchir une nouvelle étape : la création d'un marché carbone à portée régionale. Le Maroc à l’aube d’une transition verte ambitieuse

Par Désy M. À

l’heure où la pression mondiale pour réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) ne cesse de croître, l’urgence de renforcer les efforts pour respecter les objectifs climatiques de l’Accord de Paris n’a jamais été aussi forte. Le Maroc, en ligne avec ses contributions déter- minées au niveau national (CDN), vise une réduction ambitieuse de 45,5% de ses émissions de GES d'ici 2030. Au-delà de ses avan- cées en énergies renouvelables, le Royaume veut aujourd'hui franchir une nouvelle étape : la création d'un marché carbone à portée régionale. Ce projet avant-gardiste a pris forme grâce à un protocole d’ac- cord entre la Caisse de dépôt et de gestion (CDG) et Casablanca Finance City (CFC). Fondé sur le principe de «pollueur-payeur», ce mécanisme vise à accélérer la tran- sition écologique, encourager les investissements dans des techno-

logies propres et soutenir la com- pétitivité des exportations natio- nales, notamment face au méca- nisme d’ajustement carbone aux frontières de l’UE. Mais avant de se projeter à l’échelle régionale, le Maroc doit d’abord s’assurer de la maîtrise de son propre marché carbone.

représentant environ 21% du mix électrique, ce qui équivaut à 6,67 millions de tonnes de CO2 évitées. Un chiffre qui, malgré sa portée, reste modeste comparé aux 120 millions de tonnes de CO2 émises annuellement par le Maroc en 2023. Un marché carbone repose sur un système de quotas d’émissions de gaz à effet de serre attribuées à des entreprises et institutions. «Si une entreprise réduit ses émissions de 100 à 60 tonnes de CO2 grâce à un projet renouvelable, elle peut utiliser les 60 certificats carbone générés pour compenser sa taxe carbone. A l’inverse, si l’entreprise génère 140 TCO2/an, elle sera en mesure de vendre les 40 tonnes excédentaires» , détaille l’expert. Ces certificats, reconnus à l’inter- national, permettraient aux entre- prises marocaines de se confor- mer aux exigences européennes. Cependant, le manque de volume

Un potentiel à manier avec prudence

Pour le docteur Saïd Guemra, expert et consultant en énergie, il est nécessaire de garder des attentes mesurées. «Il faut modé- rer les ambitions de leader de la finance durable, d’acteur régional clé. Si nous réussissons à créer un marché carbone marocain fonc- tionnel, ce serait déjà un grand pas» , affirme-t-il. Actuellement, les principales sources de certificats carbone au Maroc proviennent des projets d’énergies renouvelables,

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