L’entreprise hyper-locale : Réinventer les modèles économiq…

Boris CHABANEL, Arnaud FLORENTIN Élisabeth LAVILLE, Annabelle RICHARD

Préface de Navi RADJOU

HYPER-LOCALE L’ENTREPRISE Réinventer les modèles économiques à partir des territoires

© 2023 Pearson France - L'entreprise hyper-locale Boris Chabanel, Arnaud Florentin, Elisabeth Laville, Annabelle Richard

S O M M A I R E

VII

Table des études de cas

IX

À propos des auteurs

XI

Préface de Navi Radjou

1

Introduction d’Élisabeth Laville

Partie 1 LOCAL IS THE NEW GREEN Agir ici pour aller plus loin dans la transition écologique

CHAPITRE #1 Le local, une idée neuve qui revient de loin

13

CHAPITRE #2 « Local is logical » : les facteurs d’émergence du concept

31

CHAPITRE #3 Petit guide de déconstruction des idées reçues sur le local

45

CHAPITRE #4 Réinventer le localisme : vers un nouveau récit inspiré des circuits courts

77

Partie 2 RÉINVENTER SON MODÈLE ÉCONOMIQUE GRÂCE AUX TERRITOIRES Plongée au coeur des nouveaux modèles de l’entreprise hyper-locale

CHAPITRE #5 Le local comme marché

103

CHAPITRE #6 Le local comme nouvelle relation client

123

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VI L’ENTREPRISE HYPER-LOCALE

CHAPITRE #7 Le local comme mission

149

CHAPITRE #8 Le local comme espace de mutualisation

161

CHAPITRE #9 Le local comme gisement de ressources

177

CHAPITRE #10 Le local comme vivier de partenaires

211

Partie 3 L’AVENIR DE L’ENTREPRISE HYPER-LOCALE Les facteurs-clés du déploiement des nouveaux modèles

CHAPITRE #11 Comment passer à l’action ?

229

CHAPITRE #12 Quelles conditions pour passer à l’échelle ?

239

CONCLUSION Message à l’attention des entrepreneur(e)s qui hésitent encore…

245

ANNEXE Zoom sur les 6 dimensions du local

249 253 257

INDEX 

REMERCIEMENTS DES AUTEURS 

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INTRODUCTION VII

TABLE DES ÉTUDES DE CAS

CAS DÉTAILLÉS Revolution Foods .................................................................... 105 Green Mountain Power .............................................................. 106 Filière Mer du Crédit Agricole ...................................................... 108 Zingerman’s .......................................................................... 111 Groupe Archer ....................................................................... 112 Lulu Press ............................................................................ 115 TEKYN ................................................................................ 116 OpenDesk ............................................................................ 117 MTB ................................................................................... 119 Afri-Can Microfactories ............................................................. 120 rePlated . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 125 Mud Jeans . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 126 Davines ............................................................................... 129 Neighborhood Sun ................................................................... 132 Kuza .................................................................................. 138 South Mountain Company ........................................................... 141 Feronia Forests ...................................................................... 146 Oaklandish ............................................................................ 151 Michelin Développement ............................................................ 154 Bouge Ta Boîte ....................................................................... 156 Soqtapata ............................................................................. 159 Vénétis ................................................................................ 163 Velum ................................................................................. 166 Opaline . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 167 Too Good To Go ...................................................................... 169 FE2I ................................................................................... 172 Royal Van Wijhe Verf (RVWV) ...................................................... 174 Dr. Bronner’s ......................................................................... 179 AustroCel ............................................................................. 183 NÃM .................................................................................. 186

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VIII L’ENTREPRISE HYPER-LOCALE

ChopValue ............................................................................ 188 Circular Hub .......................................................................... 191 Revival Projects ...................................................................... 193 ReGrained ............................................................................ 194 Ÿnsect ................................................................................ 196 Novamont . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 197 1083 .................................................................................. 199 Cella Building Company ............................................................ 200 Shinola ............................................................................... 201 Abury ................................................................................ 205 Stroopies ............................................................................ 208 Sparq ................................................................................ 209 Clus’Ter Jura ........................................................................ 213 Hepburn Energy .................................................................... 214 Jeni’s Splendid Ice Cream ......................................................... 216 La Consignerie ...................................................................... 217 Miyoko’s Creamery ................................................................. 220 La Laiterie du Berger ............................................................... 224 Yellow Leaf Hammocks . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 225

ZOOM SUR D’AUTRES ORGANISATIONS HYPER-LOCALES INSPIRANTES

Aboca | Abury | Ace Hotel | Alvéole | Ateliers du Slip (Le Slip Français) | Atticus Health | AustroCel | Banco Estado | Bhutan Natural | Biketown | Biofilter Environmental | B-Line Urban Delivery | Brand Urbanism | BRØL | C’est Qui Le Patron ? | Caisse d’Épargne | CajaVecina | Caran d’Ache | Carbon8 Systems | Cha Tzu Tang | Chargeurs Pointe de Bretagne | Chatham Beverage District | Colu | Crédit Agricole | Crédit Mutuel | Decathlon | Ecobirdy | Énergie d’ici | Eska | Fermalab | Flax & Kale | Flock Freight | Groupe Accor | HD Faber | Impact Hub | La Ruche qui dit Oui ! | La Voix du Nord | Little Genius | LO3 Energy | Looptworks | Meiji Yasuda | Mercato | Métropole de Lille | NÃM | NEF | Nehemiah Manufacturing | Neighbourhood Group of Companies | Nike | Northwest Permanente (NWP) | Novo Nordisk | NTD France | Patagonia | Paysans d’Ici | Peerby | Raiffeisen | Ramborn | Région Occitanie | RM Group | ShareMat | Shop Small (American Express) | Sinagua Malt | SouthPole | Stella Polaris | Teadora | The Candy Manufactory | The Coffee Company | Triodos Bank | Vancity | VEJA

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À PROPOS DES AUTEURS

Boris Chabanel Géographe de formation, Boris accompagne depuis plus de 15 ans les collectivités locales dans des projets articulant développement éco- nomique et transition écologique. Expert en éco- nomies locales, il mène des missions d’étude, de conseil et de stratégie territoriale tournées vers l’activation du circuit économique local.

Arnaud Florentin Économiste de formation, Arnaud accompagne depuis plus de 20 ans les territoires dans leur stratégie de développement économique et les entreprises dans leur réflexion autour de l’an- crage local. Il a notamment développé plusieurs outils de référence sur le marché européen, pour le calcul d’impact économique local ou l’analyse du métabolisme des territoires. Arnaud a piloté, au cours des dernières années, plusieurs projets de recherche sur les nouveaux modèles éco­ nomiques et les nouvelles formes d’inscription territoriale des entreprises.

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X L’ENTREPRISE HYPER-LOCALE

Élisabeth Laville Diplômée d’HEC, Élisabeth a passé quelques années au planning stratégique de plusieurs agences de publicité avant de créer, en 1993, UTOPIES, la première agence de conseil en stratégie de développement durable en France. Elle est reconnue comme l’une des expertes européennes du développement durable, a reçu le Prix Veuve Clicquot de la Femme d’Affaires de l’année en 2008, a été faite Chevalier de la Légion d’honneur cette même année, puis Officier de l’Ordre du Mérite en 2019. Elle est l’auteure du best-seller L’entreprise verte (Pearson, 3 e édition, 2009) et de nombreux autres ouvrages, dont La révolution B Corp (Pearson, 2022). Elle a lancé le label B Corp en France en 2014 et est administratrice de B Lab France. Elle siège au comité de mission de groupes comme Chloé, Expanscience, Aigle ou Frey, ainsi qu’au comité RSE d’Alpargatas/Havaianas. Annabelle Richard Annabelle est ingénieure en chimie environnementale et en urbanisme. Elle accompagne depuis 15 ans les acteurs territo- riaux, publics comme privés, dans leur stratégie de transition écologique. Annabelle a d’abord conseillé les acteurs de la construction et de l’aménagement, avant d’accompagner les territoires, se spécialisant ainsi sur les questions de transition énergétique. Elle œuvre aujourd’hui auprès des entreprises et des collectivités pour développer des dynamiques locales dans tous les secteurs économiques.

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PRÉFACE XI

P R É F A C E

par Navi Radjou, chercheur en innovation, essayiste

Début 2020, durant l’explosion de la Covid-19, je vivais à New York, métropole devenue l’épicentre mondial de la pan- démie. J’ai été attristé de voir de petites villes américaines de l’ hinterland (l’Amérique profonde) lutter pour trouver des masques et des respirateurs pour sauver la vie de leurs habi- tants. Ayant massivement externalisé leur fabrication vers des pays émergents comme la Chine, les États-Unis n’avaient plus de base industrielle locale pour produire et livrer rapidement des masques et des respirateurs. Il est intéressant d’observer ce qui s’est passé en France, face à la même situation. Alors que les institutions gouver­ nementales et les grandes entreprises – siégeant à Paris –

semblaient paralysées par l’apparition de la Covid-19, les entrepreneurs et entreprises dans les régions se sont mobilisés très rapidement pour produire loca- lement des masques et des respirateurs. Prenez la région Grand Ouest. Durant les mois de mai et juin 2020, travaillant sept jours sur sept, 202 couturières du Morbihan et 36 du Finistère, qui avaient rejoint le collectif l’Usine invisible, ont produit 172 000 masques en tissu en s’appuyant sur les ressources locales. Les territoires ont fait preuve d’un esprit d’ingéniosité mais aussi de coopération. Courant mars 2020, Kolmi-Hopen, le plus grand producteur de masques en France, situé à Angers, a emprunté temporairement des experts industriels de

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XII L’ENTREPRISE HYPER-LOCALE

Scania, un constructeur de poids lourds installé à proximité. Kolmi-Hopen a utilisé cette expertise industrielle pour réorganiser son usine et optimiser ses proces- sus, et a pu doubler sa capacité de production en un temps record, sauvant ainsi des milliers de vies en France 1 . Ces initiatives régionales ont contribué à casser mon tropisme parisien et à attirer mon attention sur l’esprit d’innovation et de résilience des territoires. Fin 2021, j’ai quitté les États-Unis, où j’avais vécu pendant 22 ans, pour revenir en France. Après avoir passé quelques mois à Paris, j’ai donc entrepris un tour de l’Hexagone de dix mois afin d’identifier les innovations dans les territoires français et de rencontrer les entrepreneurs qui les portent. J’étais très inspiré par tout ce que j’avais vu. Une révolution positive, alimentée par l’ingéniosité humaine, est en marche dans toutes les régions françaises. Ce mouvement réinvente nos modèles économiques et sociétaux, mais aussi nos schémas de pensée. Dans la nouvelle édition de du livre L’Innovation Jugaad 2 , j’ai notamment mis en valeur ces start-up, PME/ETI et collectivités visionnaires qui coconstruisent les territoires durables et solidaires de demain – transformant des secteurs-clés comme l’agroalimentaire, le bâtiment, l’énergie, la mobilité ou la santé. J’ai été tellement impressionné par le dynamisme de nos régions que j’ai quitté Paris pour Lyon. Mais une grande question demeurait dans mon esprit : comment les entre- prises traditionnelles peuvent-elles s’intégrer dans ces écosystèmes régionaux d’innovation et cocréer de la valeur avec les acteurs locaux ? C’est ce à quoi ce livre tente de répondre. Les auteurs ont développé rien de moins qu’une nouvelle théorie de l’entreprise qui remet en question tout ce que nous savons des orga- nisations depuis trois siècles dans les sociétés capitalistes. L’entreprise hyper- locale (EHL) pense, ressent, agit différemment des entreprises traditionnelles de trois manières majeures : elle fonctionne en mode polycentrique ; elle cocrée de la valeur en symbiose avec les territoires ; enfin, c’est une organisation apprenante qui se réinvente constamment de façon bottom-up (ascendante). Étudions ces trois qualités distinctives. Tout d’abord, une EHL est une organisation « polycentrique ». Elle se com- porte comme un réseau décentralisé avec des « hubs territoriaux » qui innovent et fonctionnent de manière autonome – afin de mieux valoriser les ressources au

1. Un chapitre de la seconde partie du livre cité ci-dessous explicite notamment «la mutua- lisation des compétences » telle qu’elle est pratiquée par Kolmi-Hopen et Scania. 2. L’Innovation Jugaad: Redevenons ingénieux , Navi Radjou, Jaideep Prabhu et Simone Ahuja, édition augmentée, Diateino-Guy Trédaniel, mars 2023.

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PRÉFACE XIII

plus près des marchés et de créer un impact durable localement. Un exemple : AFYREN, une start-up de la bioéconomie née à Clermont-Ferrand, recycle dans son usine AFYREN NEOXY, en Moselle, les résidus agricoles pour en faire des biomolécules de grande valeur avec diverses applications allant de la nutrition animale et humaine aux cosmétiques et lubrifiants. Le plus fascinant est que ses fournisseurs sont situés dans un rayon de 250 km autour de l’usine. Ensuite, une EHL s’engage avec humilité avec les territoires dans un esprit que je qualifierais de « post-colonial » – en écho à une conversation avec le président d’une région française qui me confiait récemment que les grandes entreprises françaises siégeant à Paris entretiennent encore une relation « coloniale » avec la « province ». Une EHL cocrée la valeur (et des valeurs !) avec le territoire, une valeur qui reste sur le territoire, soutenue par des partenariats avec des acteurs locaux qui s’inscrivent sur le long terme. C’est l’antithèse d’une entreprise capi- taliste qui se contenterait d’exploiter les ressources et les fournisseurs locaux parce que c’est moins cher… et qui peut partir du jour au lendemain. Une EHL coévolue de manière symbiotique avec le territoire, se partageant – voire se forgeant –un destin commun. Elle contribue activement à la cocréation de l’écosystème local et à sa montée en valeur ou en compétences. Prenez Quartus, un promoteur immobilier qui veut disrupter le secteur de construction grâce à une approche « hyper contextualisée » tenant compte de – et valori- sant – tous les aspects singuliers de chaque territoire. Pour mener ses projets de construction hyper-locale, Quartus utilise des matériaux biosourcés (bois, terre crue) et des savoir-faire déjà disponibles au sein des territoires. Enfin, une EHL est une « organisation apprenante » qui ne se repose jamais sur ses lauriers. Elle se réinvente continuellement et proactivement – en com- mençant par tester localement les nouveaux modèles économiques et les inno- vations de rupture qu’elle envisage. En cas de succès, ces bonnes pratiques avant-gardistes sont ensuite adoptées rapidement ailleurs. En s’appuyant sur cette approche d’innovation bottom-up , l’EHL gagne en résilience et en agilité. Ainsi, GRDF a mis en place un réseau de Living Labs ancrés sur les territoires. L’objectif est de transformer les territoires en des espaces collaboratifs d’innovation pour expérimenter des solutions innovantes – comme le gaz vert et l’agroécologie – qui sont adaptées au contexte local mais aussi réplicables ailleurs 3 .

3. Voir « Faire de nos territoires des espaces collaboratifs d’innovation », le Livre blanc du Living Lab revisité par GRDF, 2022.

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XIV L’ENTREPRISE HYPER-LOCALE

À travers de nombreux exemples inspirants, ce livre montre comment une EHL incarne et exprime ces trois qualités ou compétences. Les auteurs ne sont pas naïfs. Ils identifient les difficultés majeures que les entreprises traditionnelles doivent surmonter afin de devenir des EHL. Certains de ces obstacles sont maté- riels. Par exemple, les entreprises industrielles qui s’appuient sur une production centralisée avec de grosses usines doivent évoluer vers une fabrication décen- tralisée via un réseau de micro-usines situées dans les territoires. L’idée étant de remplacer la notion caduque de « scale-up » (économies d’échelle) fondée sur la standardisation des produits par le « scale-out » (économies de gamme) qui favorise la personnalisation des offres et des services au niveau local. Mais le véritable défi dans la voie vers l’EHL est culturel . Ce livre « démonte » ainsi nombre d’idées reçues – telles que « le local est moins performant » ou « le local est plus onéreux ». Il change radicalement la perspective des décideurs sur le local en démontrant que les territoires représentent d’incroyables gisements de valeur – du moins pour les entreprises visionnaires qui savent libérer et capturer cet énorme potentiel ! Les auteurs ne se contentent pas d’offrir une théorie alléchante. En tant que consultants pragmatiques, ils vous proposent une boîte à outils pour réinventer graduellement votre modèle économique grâce aux territoires. Ils présentent aussi une feuille de route réaliste pour transformer votre organisation en EHL. Ils ont raison d’insister sur le fait que cette évolution ne nécessite pas un « Big Bang » organisationnel. Il ne s’agit pas d’un changement radical mais plutôt d’un retravail en finesse des chaînes de valeur existantes. Ce livre n’est pas un mani- feste utopique qui appelle à faire des ruptures pour aller d’un modèle à l’autre mais plutôt un guide pratique pour renforcer et élargir ce que l’entreprise fait déjà – c’est le concept d’« opportunités adjacentes », qui revient dans l’ouvrage. Quand il était président du groupe Auchan, Vianney Mulliez m’avait confié : « Il y a de nombreux “marchés émergents” au sein des économies occidentales (y compris en France) que nous avons hâte d’avoir pour clients. » Le livre qui est entre vos mains montre comment votre entreprise peut capitaliser sur – et contri- buer symbiotiquement à – la croissance durable des territoires, ces « marchés émergents » si prometteurs ici même. L’avenir sera hyper-local. Saisissez-le !

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INTRODUCTION 1

INTRODUCTION

De l’entreprise verte à l’entreprise hyper-locale

Par Élisabeth Laville

Fin 2023, au moment où paraît ce livre, UTOPIES (qui fut le premier cabinet indépendant créé en France pour travailler exclusivement sur les stratégies de développement durable des entreprises) fête ses 30 ans et L’entreprise verte , mon premier livre (qui fut aussi le premier à mettre en lumière la façon dont « le développement durable change l’entreprise pour changer le monde ») a été publié il y a plus de 20 ans 1 . Au fil de ces décennies, les termes utilisés pour décrire ce dont je parle ont beaucoup changé : à la création d’UTOPIES, au lendemain du Sommet de la Terre de Rio, on parlait encore de citoyenneté d’entreprise. Puis les travaux du rapport Brundtland et l’Agenda 21 ont imposé le terme de développement durable : on baptisait alors « agenda 21 d’entreprise » ou « agenda 21 local » ce que l’on désigne désormais comme la stratégie de dévelop­ pement durable d’une entreprise ou d’un territoire.

1. L’entreprise verte , Pearson, la première édition étant parue le Jour de la Terre 2002 (22 avril).

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2 L’ENTREPRISE HYPER-LOCALE

Progressivement, on a recentré le débat sur le rôle des entreprises pour contribuer au développement durable planétaire : on s’est mis à parler de respon- sabilité sociale et environnementale (RSE) et d’ESG (Environnement | Société | Gouvernance), ou encore de « triple bottom line » (pour dire qu’il s’agissait de mesurer tout ce qui compte : la valeur détruite ou créée pour la société et la planète, plutôt que la seule valeur financière). Depuis quelques années, les termes « rois » sont l’impact (on parle d’entre- prise à impact, de fonds à impact, de modèle d’affaires à impact, etc.) et, plus récemment encore, le « régénératif » (tout le devient, jusqu’au luxe ou au mana- gement) que naturellement ceux-là mêmes qui les emploient peinent à définir concrètement. J’entends même dire que les plus fervents défenseurs de « l’éco- nomie régénérative » ou de « l’entreprise régénérative » concèdent à la fin de leur plaidoyer qu’en réalité il s’agit d’un objectif impossible à atteindre, qui reculera toujours devant celui qui s’y attelle… comme l’utopie ! Quel est le problème ? Je suis très attachée depuis longtemps au fait d’em- ployer les bons mots pour désigner ce dont on parle (ce qui se conçoit bien s’énonce clairement) et aussi à l’idée qu’il faut définir de nouveaux narratifs et de nouveaux récits, car « notre capacité à imaginer des scénarios alternatifs et désirables pour le futur précède et active notre capacité à les réaliser », comme le souligne l’essayiste Daniel Kaplan. Par ailleurs, ce que cette évolution des termes utilisés par les entreprises et par les activistes révèle avant tout, c’est une prise de conscience tout à fait bienvenue : comme je l’expliquais dans la troisième édition de L’entreprise verte , parue en 2009, il y a bientôt 15 ans, il est essentiel pour toute entreprise qui se lance dans cette démarche de garder en tête que ce que j’appelais alors « RSE 1.0 » (qui consiste avant tout pour l’organisation à minimiser les impacts négatifs de ses activités, sans changer plus globalement celles-ci, ni ses produits ni son modèle économique) est une première étape insuffisante, qui n’est pas à la hauteur des enjeux de notre époque… et qu’elle doit impérativement évoluer vers une « RSE 2.0 » (celle qui veut maximiser l’impact positif de l’entreprise pour contribuer à réparer la planète et la société, repenser sa raison d’être, transformer son modèle économique, révolutionner son offre et son approche de l’innovation, réinventer sa marque et sa relation avec ses clients ou les parties prenantes, etc.). Il faut d’abord ne pas nuire, et ensuite soigner : rien de bien nouveau depuis Hippocrate. On comprend d’ailleurs que le terme « régénératif » plaise aux dirigeants qu’il place du côté lumineux de la force, loin des contraintes et de l’éco-anxiété : il répond à leur double besoin quasi religieux de croire à la possibilité de réinventer leur activité dans les limites planétaires

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INTRODUCTION 3

(qui permettent la vie) et d’imaginer un avenir positif (voire la possibilité d’une réparation ou d’une résurrection), alternative à l’effondrement dont on nous menace. Sans aucun doute, le préfixe re- est-il plus optimiste que le dé- ou le trans- qui peuplent les discours militants ! Mais les faits sont têtus : changer les mots ne change pas les pratiques, les offres et les modèles économiques. Et ce n’est pas parce que des départements Développement durable ou RSE se rebaptisent « régénératifs », ni parce que des entreprises inscrivent explicitement ce mot dans leur raison d’être, qu’on a le moins du monde avancé dans le bon sens. Au contraire, peut-être. Helena Norberg-Hodge, militante écologiste britannique, philosophe et écri- vaine de renom, me disait qu’à son sens, et sans verser dans le complotisme, les grandes entreprises mondiales ont inventé le mot « carbone » pour éviter de résoudre le problème climatique et le transformer en un nouveau business, puis de la même manière ont récupéré le concept de « régénératif » pour pérenniser (en la repeignant en vert, si j’ose dire) leur approche d’une agriculture produc- tiviste et industrielle, certes enrichie des pratiques vertueuses de conservation des sols (refus du labour, couverture du sol, rotation des cultures)… mais qui va à l’encontre du bio local qu’elles persistent à refuser (alors qu’il est prouvé que les fermes bio offrent 30 à 50 % de biodiversité en plus). Le terme « régénératif » est né dans les années 1980 à l’initiative de pion- niers du bio 2 pour désigner une approche « augmentée » capable de garantir non seulement l’absence de produits chimiques dans les aliments, mais aussi la santé du sol, le bien-être des animaux et celui des travailleurs agricoles. Avec le soutien d’entreprises engagées comme Patagonia ou Dr. Bronner’s , une certifi- cation a émergé en 2017 de cette approche, la Regenerative Organic Certified (ROC) , peu présente en France mais néanmoins proposée par Ecocert. Jusqu’ici la démarche est évidemment vertueuse : elle vise notamment à renforcer la filière bio qui, avant même la crise du pouvoir d’achat, pâtissait de la confusion créée par l’apparition de nouvelles « étiquettes » environnementales, comme la démarche « sans pesticides » affichée par certaines marques de fruits et légumes, le label « Bee Friendly », la certification HVE ou encore la promotion de certaines pratiques vertueuses de l’agriculture conventionnelle, notamment l’agriculture de conservation. Mais, selon Helena Norberg-Hodge, le concept de

2. Parmi ses promoteurs se trouvent des pionniers et militants reconnus comme le Rodale Institue (USA), Vandana Shiva (Inde) ou encore Patagonia.

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4 L’ENTREPRISE HYPER-LOCALE

« régénératif » a ensuite été récupéré, voire détourné, par de grands groupes de l’agroalimentaire, qui s’en sont rapidement emparés pour lancer des programmes d’agriculture régénératrice qui encouragent les agriculteurs en amont à modifier leurs pratiques agricoles de manière à réduire les impacts environnementaux par rapport à l’agriculture conventionnelle et/ou à restaurer le carbone dans les sols. Il faut dire qu’entre-temps ces groupes ont découvert que leur « amont » agricole pesait généralement autour de 75 % de leurs émissions, mais aussi que l’agriculture intensive avait fatigué les terres – ce qui menace leurs rendements 3 tout autant que le dérèglement climatique… Le problème est qu’à l’inverse du label bio qui était la base du concept et dont les pratiques sont strictement encadrées, l’agriculture régénératrice relève de stratégies discrétionnaires, sans définition légale ou réglementaire ni contrôle. D’ailleurs, les acteurs industriels en question, précisément en quête d’un peu plus de souplesse que ce que les strictes exigences du bio ne dictent, ne s’engagent pas sur la certification ROC. Et les militants de pointer du doigt le fait que les groupes n’investissent pas beaucoup dans ces programmes, laissant les agriculteurs couvrir les coûts de mise en œuvre de ces nouvelles pratiques et détournant ainsi l’atten- tion de leurs émissions directes 4 … sans oublier le fait qu’ils recourent toujours à la chimie synthétique « bien dosée », comme le glyphosate qui ne régénère pas exactement les nappes phréatiques dont il est le premier polluant ! Le terme « régénératif » est devenu très à la mode et dépasse l’agriculture, comme le notait un article intitulé « The new buzzword in fashion », du Financial Times en 2021, à propos de l’engagement non moins visible sur le sujet des groupes de mode et de luxe qui remplacent le terme « durable » par celui de « régénératif », curieusement jugé moins flou et galvaudé. Ce détournement opéré

On a ouvert la boîte de Pandore du regenerative-washing . ”

par les grands groupes industriels, en quête d’un peu plus de souplesse que ce que les strictes exi- gences du bio tolèrent, ouvre la boîte de Pandore du regenerative-washing – puisque ces acteurs ne s’engagent jamais sur la certification complète précitée et laissent de côté les critères du bio qui

3. Voir l’article de l’ONG GRAIN « An agribusiness greenwashing glossary », septembre 2022, sur le site Localfutures.org/. Voir également « McCain récolte les premiers fruits de l’agriculture régénératrice » dans le Monde du Surgelés mettant en avant un gain de rende-

ments de 11 % sur les 8 fermes pilotes. 4. Voir l’article de l’ONG GRAIN, ibid.

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INTRODUCTION 5

formaient la base du concept. Résultat : libéré de toute contrainte d’atterrissage dans le réel, le terme se promène désormais dans des domaines variés où il semble absolument « hors-sol » – leadership régénératif, économie régénérative, entreprise régénérative, management régénératif, etc. 5 Le problème, comme s’en inquiétait assez justement en 2020 Elizabeth Whitlow, la directrice de la Regenerative Organic Alliance (ROA) à l’origine du concept, est que « si tout le monde commence à utiliser le terme “régénératif”, il va se banaliser et se vider de sens, et nous allons perdre la puissance du concept, comme cela s’est produit pour “durable” ou “naturel”. » Et voici comment l’on se retrouve avec un concept « qui chante désormais plus qu’il ne parle », comme le dit la directrice de l’Agence Bio : issu des plus ardents militants, il s’est curieu- sement installé en tête des « mots comptent triple » dans les grands groupes de tous secteurs et est un leitmotiv de la Convention des entreprises pour le climat. Je suis frappée par le fait que, pendant que les grands groupes et les nouveaux convertis nous expliquent que la responsabilité sociale des entreprises (RSE), qui est encore loin d’être la norme partout, même si la loi rattrape la patrouille, est un concept obsolète et qu’il faut désormais viser l’entreprise régénérative, les entreprises pionnières de ce mouvement font très exactement le mouvement inverse. Ainsi, Patagonia évite désormais d’utiliser le terme « développement durable » en considérant qu’il est très galvaudé et surtout qu’il semblerait sug- gérer que ses activités font partie de la solution et non plus du problème (ce qui est faux, disent-ils, malgré toute l’avance prise par cette entreprise iconique). Sébastien Kopp, cofondateur de la marque de baskets équitables VEJA , ne dit pas autre chose.

« Nous sommes très alignés avec Patagonia là-dessus –et on constate la même chose avec le mot “impact”, tarte à la crème du moment. Dans les conférences auxquelles je parti- cipe, j’ai l’impression que ce sont les investisseurs les plus conventionnels qui emploient “impact” à toutes les sauces. Je n’aime pas les mots

5. Boris Chabanel, « Économie régénérative : un principe directeur pour l’économie circulaire ? », Millénaire3, direction de la prospective de la Métropole de Lyon, 2021.

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6 L’ENTREPRISE HYPER-LOCALE

“valises”, qui, à force d’être utilisés, ne veulent plus rien dire : chez VEJA, nous n’avons pas de mots pour décrire notre approche, on dit ce qu’on fait, tout simplement. Nous préférons parler de réalité et dans notre boutique à New York, nous avons mis ce slogan sur un mur : “Sustainability is an empty word, we choose reality” 6 . Ce qui nous intéresse, c’est la réalité. Nous essayons de produire des baskets plus écologiques, plus équilibrées –en les décomposant puis en reconstruisant chaque étape de la chaîne de valeur pour optimiser l’impact sur l’environne- ment, la justice économique, le développement social. Ensuite c’est à l’entre- prise d’expliquer ce qu’elle fait, de raconter cette « déconstruction » sans tomber dans le storytelling, le selfie et l’amour de soi… Nous ne regardons pas le prisme déformant des réseaux sociaux, nous essayons de cultiver la vérité et la simplicité dans un monde de surinformation et de fake news ». Sébastien Kopp, cofondateur de VEJA C’est aussi, me semble-t-il, l’intérêt du très robuste questionnaire d’autoéva- luation de la certification B Corp accessible gratuitement, qui analyse les pratiques de l’entreprise à 360° et, tel un miroir, lui renvoie la réalité telle qu’elle est. En considérant, au-delà de la RSE, la mission que s’est donnée l’entreprise et qu’elle inscrit idéalement dans ses statuts, ou ses efforts pour transformer son offre et son modèle économique – mais en privilégiant toujours la data (indicateurs de performance, mesures quantitatives et comparables) au blabla pour évaluer la réalité de cette transformation. L’autre problème, dans ce foisonnement lexical, est qu’au bout du compte on invente des concepts haut perchés et très généraux qui non seulement ne sont pas définis clairement (le risque de green-washing , d’ impact-washing ou de regenerative-washing n’est jamais loin) mais en plus éloignent de l’entrepreneuriat et du business… alors même que les entreprises sont loin d’avoir répondu à la question-clé que posait L’entreprise verte il y a 20 ans : comment inventer, à partir des impératifs du développement durable, une nouvelle façon d’entreprendre et d’innover, réajustée au monde, une nouvelle façon de conduire les activités humaines qui se conçoive dans le vivant et non en dehors, une approche renou- velée de la prospérité et des modèles économiques ? Dans ce contexte, il me semble qu’il est temps de « faire atterrir » ces concepts – et c’est ici que le local et l’entreprise hyper-locale ont un rôle majeur à jouer.

6. « Le développement durable est un mot vide, nous lui préférons la réalité. »

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Il est d’ailleurs significatif à cet égard que le mouvement B Corp ait été lancé en 2006 lors de la convention annuelle de BALLE (Business Alliance for Living Local Economies), qui rassemblait des entrepreneurs engagés sur l’hyper-local. Le regretté philosophe Bruno Latour l’expliquait très bien : le global est une abstraction qu’on ne peut pas se figurer tout à fait, et ce n’est qu’à partir du local que l’on peut saisir le global – tout particulièrement l’urgence climatique et l’effondrement du vivant. Sans cette approche, le passage au global transforme les enjeux en questions écrasantes qui produisent précisément l’incapacité d’agir que l’on voudrait réduire. « Que faire avec le Globe ? » demande d’ailleurs Bruno Latour dans l’une de ses conférences. Et de poursuivre : « Vous le portez sur vos épaules… et il vous écrase. » Une autre façon de dire que refuser d’envisager les choses au niveau local et territorial, en considérant que celui-ci est trop restreint ou trop précis, est finalement la cause de notre impuissance et de notre éco-anxiété.

Le global est une abstraction qu’on ne peut pas se figurer tout à fait. ”

Reterritorialiser les changements que les enjeux globaux appellent dans le fonctionnement des activités humaines, c’est renoncer au hors- sol, opter pour l’optimisme d’action et chercher la réalité dans les lieux où émergent concrètement les solutions entrepreneuriales au double défi de

la soutenabilité et de la justice sociale. Ce qui représente aussi une opportunité économique majeure d’innovation, d’investissement et de création d’emplois dans tous les territoires. On devine une certaine analogie, sans doute, dans la manière dont était perçu le développement durable il y a deux décennies et la manière dont est perçu le local aujourd’hui : • Une compréhension évolutive . Tout comme le développement durable il y a deux décennies, le concept de « local » gagne aujourd’hui du terrain et se précise en chemin. À ses débuts, le développement durable était souvent mal compris et trop souvent réduit à des questions environnementales. Aujourd’hui, nous comprenons qu’il englobe des aspects économiques, sociaux et environ- nementaux. De la même façon, le « local » n’est pas seulement une question de proximité géographique, comme nous le verrons, mais aussi de relations économiques et sociales, d’ancrage dans un territoire, de valorisation des ressources locales, etc.

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• L’impact sur la réputation de l’entreprise . Il y a 20 ans, les entreprises qui adoptaient des politiques de développement durable étaient souvent perçues comme étant à l’avant-garde et recevaient une reconnaissance positive pour leurs efforts. Aujourd’hui, les entreprises qui adoptent une approche plus locale sont également considérées positivement comme des leaders dans leur domaine. • Un facteur-clé de différenciation . Historiquement, avec l’émergence de la consommation responsable et des indices boursiers spécialisés, le dévelop- pement durable était un moyen pour les entreprises de se différencier de leurs concurrents. Aujourd’hui, la localisation offre une possibilité identique de différenciation, en permettant aux entreprises de mettre en avant leurs liens avec les communautés, leurs contributions économiques locales, etc. • Les attentes des parties prenantes . Comme c’était le cas pour le dévelop- pement durable, l’approche et la contribution locales arrivent en tête des attentes des parties prenantes envers l’entreprise, qu’il s’agisse des clients voulant soutenir l’économie locale, des autorités souhaitant promouvoir le développement local, ou des employés qui apprécient de travailler pour une entreprise ancrée dans la communauté où ils vivent. • Une nécessité stratégique . Après le Sommet de la Terre en 1992, le dévelop- pement durable est devenu une nécessité stratégique pour beaucoup d’entre- prises, au fur et à mesure que les ressources naturelles se raréfiaient et que les régulations environnementales se durcissaient. De la même manière, la localisation devient, depuis la pandémie de Covid-19 notamment, un objet de politiques publiques et une stratégie essentielle pour beaucoup d’entreprises, en réponse à la vulnérabilité révélée des chaînes d’approvisionnement mon- dialisées, aux défis logistiques et à la demande croissante pour les produits et services locaux. Je crois profondément que le local est aujourd’hui l’un des meilleurs (sinon le meilleur) chemin pour changer les pratiques, embarquer largement les entre- preneurs et démontrer comment le développement durable crée plus que les contraintes qu’il renvoie : de nouvelles opportunités pour les entreprises. Le sujet est riche et complexe (puisqu’il cherche à travailler le modèle économique). Il évite le piège de la pensée binaire (en particulier celle qui oppose, de manière souvent dogmatique, la décroissance à la croissance verte) ; il est essentiellement (ce n’est pas la moindre de ses vertus pour les entreprises) pragmatique et évolutionniste, plutôt qu’idéaliste et révolutionnaire… Mais c’est un sujet majeur, qui mérite le

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même coup de projecteur que ce que proposait, il y a 20 ans, L’entreprise verte – et c’est ce que nous avons voulu faire avec ce livre. Nous espérons qu’il vous intéressera, qu’il vous stimulera, qu’il vous sur- prendra et qu’il vous inspirera. Tout ce que son écriture a eu comme effets vertueux sur nous aussi – et j’en profite pour remercier mes trois coauteurs de leur enthousiasme et de leur engagement dans ce projet commun –, dans la lignée de ce que nous développons ensemble chez UTOPIES depuis toutes ces années.

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