L’entreprise hyper-locale : Réinventer les modèles économiq…

2 L’ENTREPRISE HYPER-LOCALE

Progressivement, on a recentré le débat sur le rôle des entreprises pour contribuer au développement durable planétaire : on s’est mis à parler de respon- sabilité sociale et environnementale (RSE) et d’ESG (Environnement | Société | Gouvernance), ou encore de « triple bottom line » (pour dire qu’il s’agissait de mesurer tout ce qui compte : la valeur détruite ou créée pour la société et la planète, plutôt que la seule valeur financière). Depuis quelques années, les termes « rois » sont l’impact (on parle d’entre- prise à impact, de fonds à impact, de modèle d’affaires à impact, etc.) et, plus récemment encore, le « régénératif » (tout le devient, jusqu’au luxe ou au mana- gement) que naturellement ceux-là mêmes qui les emploient peinent à définir concrètement. J’entends même dire que les plus fervents défenseurs de « l’éco- nomie régénérative » ou de « l’entreprise régénérative » concèdent à la fin de leur plaidoyer qu’en réalité il s’agit d’un objectif impossible à atteindre, qui reculera toujours devant celui qui s’y attelle… comme l’utopie ! Quel est le problème ? Je suis très attachée depuis longtemps au fait d’em- ployer les bons mots pour désigner ce dont on parle (ce qui se conçoit bien s’énonce clairement) et aussi à l’idée qu’il faut définir de nouveaux narratifs et de nouveaux récits, car « notre capacité à imaginer des scénarios alternatifs et désirables pour le futur précède et active notre capacité à les réaliser », comme le souligne l’essayiste Daniel Kaplan. Par ailleurs, ce que cette évolution des termes utilisés par les entreprises et par les activistes révèle avant tout, c’est une prise de conscience tout à fait bienvenue : comme je l’expliquais dans la troisième édition de L’entreprise verte , parue en 2009, il y a bientôt 15 ans, il est essentiel pour toute entreprise qui se lance dans cette démarche de garder en tête que ce que j’appelais alors « RSE 1.0 » (qui consiste avant tout pour l’organisation à minimiser les impacts négatifs de ses activités, sans changer plus globalement celles-ci, ni ses produits ni son modèle économique) est une première étape insuffisante, qui n’est pas à la hauteur des enjeux de notre époque… et qu’elle doit impérativement évoluer vers une « RSE 2.0 » (celle qui veut maximiser l’impact positif de l’entreprise pour contribuer à réparer la planète et la société, repenser sa raison d’être, transformer son modèle économique, révolutionner son offre et son approche de l’innovation, réinventer sa marque et sa relation avec ses clients ou les parties prenantes, etc.). Il faut d’abord ne pas nuire, et ensuite soigner : rien de bien nouveau depuis Hippocrate. On comprend d’ailleurs que le terme « régénératif » plaise aux dirigeants qu’il place du côté lumineux de la force, loin des contraintes et de l’éco-anxiété : il répond à leur double besoin quasi religieux de croire à la possibilité de réinventer leur activité dans les limites planétaires

© 2023 Pearson France - L'entreprise hyper-locale Boris Chabanel, Arnaud Florentin, Elisabeth Laville, Annabelle Richard

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