INTRODUCTION 3
(qui permettent la vie) et d’imaginer un avenir positif (voire la possibilité d’une réparation ou d’une résurrection), alternative à l’effondrement dont on nous menace. Sans aucun doute, le préfixe re- est-il plus optimiste que le dé- ou le trans- qui peuplent les discours militants ! Mais les faits sont têtus : changer les mots ne change pas les pratiques, les offres et les modèles économiques. Et ce n’est pas parce que des départements Développement durable ou RSE se rebaptisent « régénératifs », ni parce que des entreprises inscrivent explicitement ce mot dans leur raison d’être, qu’on a le moins du monde avancé dans le bon sens. Au contraire, peut-être. Helena Norberg-Hodge, militante écologiste britannique, philosophe et écri- vaine de renom, me disait qu’à son sens, et sans verser dans le complotisme, les grandes entreprises mondiales ont inventé le mot « carbone » pour éviter de résoudre le problème climatique et le transformer en un nouveau business, puis de la même manière ont récupéré le concept de « régénératif » pour pérenniser (en la repeignant en vert, si j’ose dire) leur approche d’une agriculture produc- tiviste et industrielle, certes enrichie des pratiques vertueuses de conservation des sols (refus du labour, couverture du sol, rotation des cultures)… mais qui va à l’encontre du bio local qu’elles persistent à refuser (alors qu’il est prouvé que les fermes bio offrent 30 à 50 % de biodiversité en plus). Le terme « régénératif » est né dans les années 1980 à l’initiative de pion- niers du bio 2 pour désigner une approche « augmentée » capable de garantir non seulement l’absence de produits chimiques dans les aliments, mais aussi la santé du sol, le bien-être des animaux et celui des travailleurs agricoles. Avec le soutien d’entreprises engagées comme Patagonia ou Dr. Bronner’s , une certifi- cation a émergé en 2017 de cette approche, la Regenerative Organic Certified (ROC) , peu présente en France mais néanmoins proposée par Ecocert. Jusqu’ici la démarche est évidemment vertueuse : elle vise notamment à renforcer la filière bio qui, avant même la crise du pouvoir d’achat, pâtissait de la confusion créée par l’apparition de nouvelles « étiquettes » environnementales, comme la démarche « sans pesticides » affichée par certaines marques de fruits et légumes, le label « Bee Friendly », la certification HVE ou encore la promotion de certaines pratiques vertueuses de l’agriculture conventionnelle, notamment l’agriculture de conservation. Mais, selon Helena Norberg-Hodge, le concept de
2. Parmi ses promoteurs se trouvent des pionniers et militants reconnus comme le Rodale Institue (USA), Vandana Shiva (Inde) ou encore Patagonia.
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