4 L’ENTREPRISE HYPER-LOCALE
« régénératif » a ensuite été récupéré, voire détourné, par de grands groupes de l’agroalimentaire, qui s’en sont rapidement emparés pour lancer des programmes d’agriculture régénératrice qui encouragent les agriculteurs en amont à modifier leurs pratiques agricoles de manière à réduire les impacts environnementaux par rapport à l’agriculture conventionnelle et/ou à restaurer le carbone dans les sols. Il faut dire qu’entre-temps ces groupes ont découvert que leur « amont » agricole pesait généralement autour de 75 % de leurs émissions, mais aussi que l’agriculture intensive avait fatigué les terres – ce qui menace leurs rendements 3 tout autant que le dérèglement climatique… Le problème est qu’à l’inverse du label bio qui était la base du concept et dont les pratiques sont strictement encadrées, l’agriculture régénératrice relève de stratégies discrétionnaires, sans définition légale ou réglementaire ni contrôle. D’ailleurs, les acteurs industriels en question, précisément en quête d’un peu plus de souplesse que ce que les strictes exigences du bio ne dictent, ne s’engagent pas sur la certification ROC. Et les militants de pointer du doigt le fait que les groupes n’investissent pas beaucoup dans ces programmes, laissant les agriculteurs couvrir les coûts de mise en œuvre de ces nouvelles pratiques et détournant ainsi l’atten- tion de leurs émissions directes 4 … sans oublier le fait qu’ils recourent toujours à la chimie synthétique « bien dosée », comme le glyphosate qui ne régénère pas exactement les nappes phréatiques dont il est le premier polluant ! Le terme « régénératif » est devenu très à la mode et dépasse l’agriculture, comme le notait un article intitulé « The new buzzword in fashion », du Financial Times en 2021, à propos de l’engagement non moins visible sur le sujet des groupes de mode et de luxe qui remplacent le terme « durable » par celui de « régénératif », curieusement jugé moins flou et galvaudé. Ce détournement opéré
On a ouvert la boîte de Pandore du regenerative-washing . ”
par les grands groupes industriels, en quête d’un peu plus de souplesse que ce que les strictes exi- gences du bio tolèrent, ouvre la boîte de Pandore du regenerative-washing – puisque ces acteurs ne s’engagent jamais sur la certification complète précitée et laissent de côté les critères du bio qui
3. Voir l’article de l’ONG GRAIN « An agribusiness greenwashing glossary », septembre 2022, sur le site Localfutures.org/. Voir également « McCain récolte les premiers fruits de l’agriculture régénératrice » dans le Monde du Surgelés mettant en avant un gain de rende-
ments de 11 % sur les 8 fermes pilotes. 4. Voir l’article de l’ONG GRAIN, ibid.
© 2023 Pearson France - L'entreprise hyper-locale Boris Chabanel, Arnaud Florentin, Elisabeth Laville, Annabelle Richard
Made with FlippingBook - professional solution for displaying marketing and sales documents online