R essources hydriques
Histoire
L’art, au fil de l’eau
Depuis toujours, l’eau est source d’inspiration artistique. Au temps de l’Égypte antique déjà, la représentation de l’ondulation de l’eau était l’un des hiéroglyphes les plus utilisés.
eprésenter l’eau a toujours été un défi pour les peintres et les artistes. En effet, si l’eau est un concept qu’il est relativement facile d’appréhender– bien qu’il puisse se présenter sous différents états, non seulement liquide, mais aussi solide ou vapo- reux –, sa représentation pose d’in- nombrables problèmes, suivant ce que l’on cherche à montrer : est- ce l’eau comme étendue, comme volume, comme surface, comme limite, comme matière, comme ligne d’horizon ? La plupart de ces aspects relèvent de techniques spécifiques. Ou encore, s’agit-il de montrer l’eau calme ou agitée par un courant, l’eau qui stagne ou se répand, avec ou sans reflets ? Est-elle transparente ou opaque, est-elle un milieu ? Et quelle est sa couleur ? Autant de questions qui montrent l’étendue des diffi- cultés auxquelles les artistes ont été confrontés. Par ailleurs, quand on parle de R
d’envisager l’eau en relation avec les autres éléments : «la surface de l’air est bornée par le feu, comme l’eau par l’air et la terre par l’eau» . Elle aura des conséquences pour les peintres de la Renaissance, qui associeront une couleur picturale à chacun des éléments, sans qu’il y ait toujours accord. Pour Giovanni Paolo Lomazzo, l’eau est blanche. En revanche, pour Leon Battista Alberti et Léonard, elle est verte. Ajoutons cependant que dans ses carnets de notes, Léonard obser- vait, en dehors de la peinture, que l’eau pouvait prendre toutes les couleurs. Dans la mesure où la hiérarchie des genres picturaux a favorisé la peinture d’histoire, nombreux sont les emprunts à la mythologie ou à la Bible où l’eau est omniprésente, sans qu’elle soit le plus souvent le motif central de l’œuvre, comme dans La Naissance de Vénus. Quant aux innombrables versions de Diane au bain ou de Suzanne et les vieillards , elles n’ont qu’un lien indirect et trivial avec l’eau : pour se baigner, il faut d’abord se désha- biller, de sorte que le thème est un prétexte pour peindre des nus ou une scène de voyeurisme. Le cas du mythe de Narcisse est un peu diffé- rent, car il repose sur une propriété de l’eau comme surface réfléchis- sante, mais qu’une moindre brise peut troubler. Il est intéressant de noter qu’Alberti, soucieux d’élever la peinture au rang d’art libéral, considérait Narcisse comme «l’in- venteur de la peinture» : «s’il est vrai que la peinture est la fleur de tous les arts, alors la fable de Narcisse convient parfaitement à la pein-
représentation picturale de l’eau, il faut s’entendre : l’eau a très rare- ment été un motif direct de repré- sentation dans la peinture occi- dentale jusqu’au XIX ème siècle. La raison en est l’organisation de la peinture et la hiérarchie des genres qui a longtemps prévalu. Il existe bien le genre des «marines» , mais le plus souvent c’est moins la mer qui en est l’objet qu’un port, des bateaux, un combat naval... L’eau apparaît donc avant tout comme un motif secondaire, parfois un exercice de virtuosité technique : comme un verre d’eau dans une nature morte hollandaise ou l’eau qui se répand de la cruche dans La Source d’Ingres (1856). Miroir Dans la tradition occidentale, l’eau a été considérée, à partir d’Empé- docle (V ème siècle av. J.C.), comme l’un des quatre éléments. Cette conception perdurera au moins jusqu’à la Renaissance. Ainsi, Léonard de Vinci continue-t-il
L’eau joue de ses divers visages pour être tour à tour douce, salée, fraîche, jaillissante, stagnante, déchaînée, cristalline, sombre… Il est donc naturel que cet élément aux multiples facettes devienne une source d’inspiration inépuisable pour les artistes. Les représentations iconographiques se classent essentiellement en deux catégories. Tout d’abord, l’eau revêt une dimension allégorique : le fleuve, l’océan, la rivière, la source est personnifiée sous les traits d’un homme ou d’une femme. Elle peut aussi devenir l’attribut d’un personnage ou d’une divinité. L’eau fait également l’objet d’une figuration naturelle qui se rapproche plus ou moins du réel. Si elle apparaît limpide et transparente, contenue dans un verre ou un pichet, au sein d’une nature morte, elle est surtout un élément essentiel du décor paysager. Située, dans un premier temps, en arrière plan d’une scène religieuse ou mytholo- gique, l’eau sous la forme d’une mer, d’une cascade, d’un lac ou d’un cours d’eau se retrouve dans de nombreuses représentations du paysage rendu autonome. A la fin du XIX ème siècle et surtout au XX ème siècle, elle devient pour les artistes un véritable élément de la recherche esthétique. L’eau, un élément aux multiples facettes
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FINANCES NEWS HEBDO / HORS-SÉRIE N°44 38
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