FNH N° 1175-1

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VENDREDI 29 NOVEMBRE 2024 / FINANCES NEWS HEBDO

ECONOMIE

MEDays 2024 «Rupture avec l’ancien modèle de globalisation pour une Afrique souveraine»

F.N.H. : Quels sont, selon vous, les progrès réalisés par le Maroc dans cette quête de souverai- neté ? M. H. : Le Maroc est un excellent exemple de progrès en matière de souveraineté, grâce à la vision de Sa Majesté le Roi Mohammed VI. L’économie marocaine s’est transfor- mée au cours des 25 dernières années. Prenez l’industrie aéronautique, par exemple : il y a quelques décennies, elle n’existait pas. Aujourd’hui, nous avons des entreprises marocaines qui fabriquent des pièces d’avion, avec des ingénieurs locaux. J’ai moi-même pris le train à grande vitesse (LGV) pour venir de Rabat à Tanger, et ce trajet n’a pris qu’1h20. Cela réduit les temps de déplacement, améliore la compétitivité et attire les investissements étrangers. De plus, nous avons lancé deux éco- systèmes industriels majeurs sous le leadership royal : l’automobile et l’aéronautique. À côté de l’aéroport Mohammed V, des sociétés fabriquent localement des composants d’avion. Ces secteurs, à haute intensité tech- nologique et capitalistique, créent de nouveaux écosystèmes. Cela montre aussi que l’environnement des affaires au Maroc est attractif. Des initiatives comme Casablanca Finance City (CFC) encouragent les entreprises à utiliser le Maroc comme base pour leurs activités en Afrique. Le pays dis- pose également d’une main-d’œuvre qualifiée, reconnue pour ses compé- tences, avec des salaires compétitifs. Cependant, je tiens à souligner qu’il ne faut pas se reposer sur la poli- tique des bas salaires. Une écono- mie solide nécessite de meilleures conditions de vie pour les travailleurs. Prenons l’exemple de l’Allemagne : Angela Merkel avait accueilli un million d’immigrants syriens et leur a offert

Souveraineté et résilience, deux mots forts qui ont r ésonné tout au long de la 16 ème édition du Forum des MEDays à Tanger. Entretien avec Mohamed H’midouche, président d’Inter Africa Capital Group (IACG).

Propos recueillis par Désy M.

Finances News Hebdo : Le thème du Forum MEDays cette année, «Souverainetés et résiliences : vers un nouvel équilibre mon- dial», est au cœur des débats. Lorsque l’on parle de souverai- neté, de quoi s’agit-il exacte- ment ? Est-ce une souveraineté politique, économique ou une notion plus globale ? Mohamed H’midouche : La souverai- neté est aujourd’hui un sujet central, particulièrement depuis la crise de la Covid-19. Cette pandémie a mis en évi- dence les difficultés des pays du Sud à accéder aux vaccins et à protéger leurs populations. Les Nations unies avaient mis en place un mécanisme pour assu- rer une répartition équitable des doses, mais dans les faits, les pays riches ont accaparé les stocks. Pendant ce temps, les pays africains étaient lais- sés-pour-compte. Le secrétaire général de l’ONU, António Guterres, avait prédit une hécatombe en Afrique, annonçant des millions de morts faute d’accès aux vaccins. Heureusement, la réalité a été diffé- rente, mais la crise a eu un impact dévastateur sur nos économies : avions cloués au sol, confinement, fermetures d’hôtels et de restaurants, et surtout des millions de personnes sans reve-

nus. Cette expérience a été un véritable choc pour nos dirigeants. Ils ont compris qu’il était impératif d’investir dans notre propre sécurité, qu’elle soit alimentaire, sanitaire, éner- gétique ou industrielle. Par exemple, la guerre en Ukraine a encore accentué cette prise de conscience. Nous étions fortement dépendants des importations de blé en provenance de l’Ukraine et de la Russie. Lorsque ces flux se sont arrêtés, cela a créé une crise supplé- mentaire. Sa Majesté le Roi Mohammed VI a lancé un appel clair pour renforcer notre souveraineté nationale dans tous ces secteurs stratégiques. Il a insisté sur la nécessité de garantir une continuité dans l’accès aux produits agricoles, sanitaires, industriels et énergétiques. Cela marque une rupture avec l’ancien modèle de globalisation, où les pays du Sud exportaient des matières pre- mières brutes, comme le café, le cacao

ou les minerais, et les pays du Nord réalisaient la transformation. Prenez le cacao : il est produit en Côte d’Ivoire et au Ghana, mais transformé par les Suisses, les Belges ou les Français, pas par les Ivoiriens eux-mêmes. Aujourd’hui, nous avons entamé un pro- cessus d’industrialisation pour transfor- mer localement nos ressources. Cela génère des emplois, crée des richesses et augmente considérablement la valeur ajoutée des exportations, qu’il s’agisse de pétrole, de gaz, de coton ou de riz. Cette prise de conscience est de plus en plus forte à travers l’Afrique, bien que tous les pays ne soient pas au même niveau de mobilisation. Il nous faut des feuilles de route claires, des stratégies bien définies, des plans d’action et surtout des ressources, humaines et financières. Je reste optimiste. Quand un problème est identifié, il est possible de mettre en œuvre des solutions pour y remédier.

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