Finances News Hebdo N° 1059

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BOURSE & FINANCES

FINANCES NEWS HEBDO

JEUDI 24 MARS 2022

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Le Dollar, enjeu stratégique du conflit en Ukraine

Les avoirs d’une Banque centrale sont composés d’or, de dépôts auprès d’autres Banques centrales, de dépôts auprès d’organismes internationaux tels que le FMI, et d’actifs financiers. Les actifs représentent 75% des réserves de la Banque centrale russe.

Il est devenu compliqué pour les Russes de les utiliser, car ces actifs doivent être vendus avant d’être transformé en dépôts, et les courtiers internationaux ainsi que les banques ont reçu des ins- tructions pour ne plus traiter les ordres venant de la Russie et de

Les flux financiers relatifs au secteur énergétique ne sont pas concernés par les sanctions.

son fonds souverain. Ces réserves (dépôts ou actifs) sont libellées à hauteur de 33% en euros, de 22% en or, de 16% en dollar, et de 13% en yuan Renminbi. On peut s’in- terroger sur le point suivant : comment se fait-il que 16% des réserves sont en dollars, alors que seulement 6,6% des réserves sont détenues sur le sol américain ? La réponse vient des euro- dollars : il est possible de détenir des dollars dans des banques étrangères qui échappent à la juridiction améri- caine. Mais peu importe, car tous ces eurodollars devraient également être impactés. La décision prise par le bloc occidental de geler les réserves de la Banque cen- trale russe (ce qui va impacter toutes les réserves en dollar, euro, livre ster- ling et yen japonais), aura deux consé- quences. A court terme, cela pénalisera l’économie russe, même si en réalité, il faut préciser que les flux financiers relatifs au secteur énergétique ne sont pas concernés par les sanctions, ce qui laisse une certaine marge de manœuvre à la Russie. A long terme, et c’est là le plus straté- gique, cela remettra en cause le rôle du Dollar en tant que valeur refuge inter- nationale. Les autorités américaines ont pris une décision qui ne sert pas leurs propres intérêts sur le long terme. Quelle que soit la fin de ce conflit, cela réveillera chez plusieurs puissances économiques concurrentes le besoin de diversifier leurs réserves de change. Et des alternatives au Dollar (ou aux

Ce trésor a culminé à 630 milliards de dollars au mois de janvier avant le déclenchement du conflit. Sauf que voilà, les Occidentaux ont décidé d’interdire à la Banque cen- trale russe d’accéder aux réserves de change détenues à l’étranger. Les auto- rités américaines ont déjà fait cela pour sanctionner d’autres économies (Iran et Venezuela récemment). Des plaintes ont été déposées contre les autorités américaines en expliquant que cela brise les privilèges de l’immunité diplo- matique, mais elles n’ont jamais abou- ti. C’est la première fois qu’une telle arme est utilisée à aussi grande échelle contre une puissance militaire comme la Russie. Les avoirs de la Banque centrale russe sont détenus à hauteur de 22% sur le territoire russe, de 14% en Chine, de 12% en France, de 10% au Japon, de 9,5% en Allemagne, de 6,6% aux Etats- Unis, de 5% auprès d’organismes inter- nationaux, et de 4,5% au Royaume- Uni. Seule la Chine n’a pas condamné le conflit, et refuse de se joindre aux sanctions des autres puissances inter- nationales, ce qui signifie que la Russie dispose encore du tiers approximative- ment de ses réserves (celles qui sont sur le sol russe et celles qui sont en Chine).

P as de désescalade en vue dans le conflit armé qui oppose l’Ukraine à la Russie. Entretemps, les victimes s’accumulent dans les deux camps. Visibles d’un côté de la fron- tière, sous le coup des bombarde- ments sanglants, invisibles mais bien réelles de l’autre, sous le coup des sanctions économiques qui auront un effet palpable sur le niveau de vie de la population russe. Parmi cette longue liste de sanctions, une mesure détonne par rapport aux autres : celle de geler les réserves de change de la Banque centrale russe. Les Occidentaux précisent bien que les avoirs sont gelés, et non saisis, ce qui laisse entendre qu’ils seront à nouveau disponibles si un accord de paix était trouvé. Les Russes déclarent que ces réserves ont été volées. Il s’agit là d’un point central dans le conflit. Depuis la crise de la Crimée en 2014, les Russes ont poursuivi une politique active de cumulation des réserves. Ce trésor de guerre était censé servir à amortir le choc des sanctions économiques, notamment en achetant du Rouble pour freiner la dépréciation de la monnaie, et limiter l’impact de l’inflation importée. Par Omar Fassal *

Seule la Chine n’a pas condamné le conflit, et refuse de se joindre aux sanctions des autres puis- sances inter- nationales.

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