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CULTURE
JEUDI 9 JUIN 2022 FINANCES NEWS HEBDO
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Expositions
Ibn El FaRock donne forme à l’«Informe»
◆ Zouhir Ibn El Farouk joue avec sa caméra, les filtres, les matières, en totale maîtrise de ses intentions.
semble dire : « Hé, regarde-moi, je suis là ». Ce qui est ébauché fait irruption sur le support, dans le secret de l’atelier, sans crier gare. Il le cerne, mais avec un traitement raffiné. Cet accro à la photographie comme «une alcoo- lique à la vodka» s’évertue à nous livrer les secrets de la caméra en ne dérogeant en rien à la poésie graphique, au seuil de l’abstrac- tion, qui fait le charme magnétique des rouges, verts, jaunes et bleus contrastés. La photographie ?! Cette addition- là, il la pratiquait donc comme on boit de petits shots d’eau-de-vie. « Enfant du quartier Bourgogne de Casablanca, je fabriquais à l’aide de boîte d’allumettes une petite loupe et la pellicule 35 mm de film, chinée dans les poubelles du cinéma de quartier et des boîtes lumineuses pour visionner ces bouts de pelli- cules ». Prodigieux ! ◆
A près Bois-Colombes près de Paris, «Informe» fait escale, jusqu’au 26 juin, à Casablanca, à la galerie Shart. Son sujet nous a paru suffisamment important pour en décortiquer le catalogue et écou- ter Zouhir afin de mieux comprendre le tournant qu’a pris le statut de la photographie avec ses œuvres. Si beaucoup ne parlent essentiel- lement que de «comment faire une image», il s’agit, pour lui, de savoir comment elles ont plutôt été faites. « Au-delà d’un simple enregistrement du réel, mon travail est une réflexion Par R. K. Houdaïfa
dans des boîtes. Il donne libre cours à la lumière; qu’elle répond à cet irrépressible besoin de laisser des traces, de faire des signes, d’attes- ter de sa présence en un lieu (sur la pellicule lorsqu’il est question de l’argentique, et sur le capteur quand il s’agit du numérique). Tout cela
sur la notion du photographique, une exploration de la matérialité et l’immatérialité », nous dit-il. En entomologiste, photographe expérimental, il pique les don- nées optiques, chimiques et phy- siques d’une photographie dans des œuvres comme des papillons
◆ Dans la séduisante galerie 38, à Casablanca, Meriam Benkirane livre avec ironie ou douceur sa vision de notre époque. A géométrie variable A ccrochées aux cimaises, des compositions géo- métriques conjuguent couleurs et formes au plus que parfait. C'est
urbaine d’une ville, et les paradoxes que la vie contemporaine cristallise. La ville donc, c'est l'embarras, l'obs- tacle. Soit. Ce n'est pas forcément négatif. On a toujours quelque chose à raconter. Ici, c’est comment cette architecte de formation, Meriam, la perçoit. Son solo-show «Reflect» saisit le moment suivant, celui où la métropole se fait personnage à elle toute seule, déshumanisée, pure forme géométrique au chromatisme vif et intense. Pas d’opposition, mais un riche dia-
beau, chatoyant et non-hésitant comme le ferait un enfant. Triangles bleus, carrés rouges, disques verts, rectangles jaunes (mais quelle opé- ration de chirurgie esthétique a pu se passer là ?!)… La partition abs- traite de Meriam, née en 1984 à Casablanca, chante la complexité d’une époque, l’effervescence
logue de rouages mécaniques, d’im- brications propres aux domaines de la robotique notamment, et de couleurs. L’ensemble constitue le reflet de la sensibilité métaphysique et des interrogations géométriques de Meriam Benkirane, à l’image du monde tel qu’il est.
En soi, elle flirte avec l’air du temps; elle interroge les nouvelles techno- logies ainsi que la place de l’être humain dans un univers urbain ultra contemporain. Face au chaos, aux constructions et à la fragmen- tation, il lui reste la poésie de la peinture. ◆
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